Management: Coaching de compétences, et compétences de coach
Les différent niveaux d'adéquations entre les compétences de managers et celles de coachs,

La question du management efficace est souvent mal posée.  


Nous partons quelquefois du principe que certaines personnes sont de bons managers et que d’autres ne le sont pas.  Ils ont des qualités d’encadrement, d’analyse, d’accompagnement de personnes et d’équipes, de suivi des résultats, etc. ou alors ils ne les ont pas. Lorsque nous posons la question ainsi, nous pouvons partir du principe que le management efficace est une façon d’être et qu’il repose sur des capacités innées.  Certaines personnes sont faites pour être de bons managers, d’autres pas.  C’est presque génétique.

Dans une autre perspective, nous pouvons partir du principe que le management est plutôt une question de savoir-faire.  Ces compétences sont alors acquises dans le sens d’apprises.  Appelons cela l’expérience.  Si certaines personnes savent manager,  c’est qu'elles ont appris des comportements qui leur permettent de manager des processus.  Elles ont appris à encadrer et accompagner les actions des autres jusqu’à les amener à accomplir des résultats prédéfinis.  


  • Attention: La nuance est qu'il s'agit là d'accompagnement de processus plutôt que d'encadrement dans le contenu.  Si l'encadrement d'un responsable porte sur le contenu, il s'agit plutôt d'expertise que de management.  Il s'ensuit qu'un bon manager dans un domaine peut l'être dans un autre.  Il sait accompagner des processus qui permettent l'obtention de résultats, quel que soit le domaine d'expertise concerné. 


Par conséquent, de bons managers sont aptes dans leur métier parce qu’ils ont acquis ou appris des aptitudes ou compétences d'accompagnement de processus.  Les moins bons managers n’ont pas acquis ces compétences, mais ils le pourraient.  C’est là que la formation peut avoir un rôle.

Il est aussi possible de partir d’encore un autre principe : Nous avons tous un nombre incroyable d’aptitudes ou de compétences déjà acquises en ce qui concerne le management de processus.  Nous n’avons pas nécessairement appris à les déployer de façon pertinente ou appropriée, c’est-à-dire en fonction des besoins de situations précises.  C’est ce troisième cadre de référence que nous vous proposons d’explorer.



Partons du principe que d'une part, les aptitudes de management de processus sont acquises, et que d'autre part, tout le monde a déjà eu de nombreuses occasions de le faire.  En effet, au fil de nos expériences de vie, nous avons tous appris un nombre incroyable de compétences de management de processus divers et variés.  Et selon la nature de ces aptitudes, nous pouvons les classer dans des catégories plus ou moins spécifiques.   Prenons quatre grandes catégories, souvent évoquées dans les contextes de formations personnelles et professionnelles, dont en management et plus récemment en coaching :

Alignement/contrat: Lorsque le feu tourne au rouge à un carrefour, nous savons tous arrêter la voiture que nous conduisons. Pour beaucoup, ce comportement spécifique est presque automatique.  Il peut être inclus dans une catégorie de comportements éthiques, d’alignement sur des finalités partagées, le respect de procédures, l’application d'accords et de contrats, à l’occasion d'un contrat social.


Information/analyse : Lorsque nous sommes face à un nouveau problème ou enjeu, nous savons tous analyser des options de solution, chercher à nous informer auprès d’autrui, réfléchir à des cas analogues, prendre des décisions logiques, faire une étude, décider d’un plan d’action, planifier la mise en œuvre de solutions, etc.  Là aussi nous faisons tous cela de façon régulière et naturelle.  Nous avons acquis ce savoir-faire;



Relation/émotion : Lorsqu’une personne est triste ou pleure, nous savons tous lui accorder de l’attention, la prendre dans les bras afin de la consoler, écouter ce qu’elle exprime, et l’accompagner dans l’évolution de son état émotionnel jusqu’à son apaisement.  Ce type de comportement peut être classé dans une catégorie d’aptitudes relationnelles, affectives, émotionnelles et centrées sur des motivations et aspirations plus personnelles, plus profondes.


Action/conclusion : Lorsqu’il est question d’atteindre un but ou d’obtenir un résultat concret, nous savons tous passer à l’acte de façon efficace, nous centrer sur la conclusion positive de l’objectif que nous nous somme fixé, ceci dans les temps impartis.  Nous savons par exemple d'abord faire des achats, pour ensuite cuisiner, afin de manger à huit heures ce soir.  Ou alors acheter un billet maintenant afin de partir en voyage demain matin pour un rendez-vous en province à midi.   Ces compétences de passage à l’action planifiée tout en s'adaptant en cas d'aléas imprévus ou d'opportunités émergentes nous permettent d’atteindre des objectifs précis, d’accomplir des résultats mesurables.

Bien entendu les quatre catégories évoquées ci-dessus sont définies de façon arbitraire.  Pourquoi pas cinq, huit, ou onze?  Nos innombrables compétences pourraient être classées dans des champs cohérents plus nombreux, plus précis et subtils.  Selon les contextes, tous les métiers reposent sur des catégories de compétences qui leur sont propres et qui sont définies de façon beaucoup plus spécifiques.  Toutefois, si nous en retirons les compétences d’expertises propres à chaque métier, les quatre champs de compétences évoqués ci-dessus s’appliquent très probablement aux processus ou au management de tous les métiers.   En effet, dans la mise en oeuvre de n'importe quelle expertise, au minimum, il faut savoir se manager dans les quatre champs de compétences évoqués ci-dessus.  Il s'agit là des processus auxquels un manager ou un coach doit faire face, quelle que soit la différence de contenu, spécifique à chaque métier.

Pour évaluer vos compétences actives de manager-coach (comportements) et avoir de nouvelles options, essayez le questionnaire proposé sur ce site:
Par conséquent:
  • Dans une optique d'accompagnement en manager ou en coach plutôt centré sur les processus que sur les contenus d’experts, il est utile de bien connaitre et différencier chacune des catégories de comportements proposés ci-dessus. Il est utile de ne pas les confondre, d'en prendre une pour une autre.


  • Ensuite, en les considérant dans leur complémentarité, il est utile de les décliner ou de les déployer de façon adéquate ou appropriée.  Cela permettra de manager les processus dans une grande variété de situations personnelles et professionnelles.


Cette perspective devient systémique:  Nous pouvons apprendre des façons appropriées d'agir ou de réagir qui peuvent s'appliquer au management des processus dans un grand éventail de domaines, sinon à tous les processus dans lesquels nous participons.  Dans cette perspective, nous avons tous déjà acquis les compétences qui nous permettent d'accompagner un très grand nombre de situations de management ou de coaching. 

  • D’une part parce que chacun parmi nous a vécu des expériences très différentes les unes des autres.  Elles nous ont toutes appris les mêmes ensembles de compétences de management de processus dans chacun des quatre champs définis ci-dessus. 

  • D’autre part parce que lorsqu’il s’agit de processus, les types de comportements appris dans certaines situations précises peuvent être applicables dans de nombreuses autres situations relativement analogues.

Ainsi, nous pouvons partir du principe qu'en ce qui concerne le management ou la gestion de processus, nous avons tous accès à une très large gamme de compétences comportementales.  Cette gamme de compétences déjà acquise nous permet de faire face à presque n’importe quelle nouvelle situation personnelle ou professionnelle.

En prenant les quatre champs de compétences cités ci-dessus et en les appliquant dans un domaine précis, par exemple au sein d’une relation de partenariat ou dans le cadre d’un projet, nous pouvons partir du principe que tout le monde sait faire:
 

  • Nous savons tous comment nous aligner ensemble afin d’arriver à des accords clairs nous permettant de définir notre finalité commune puis nos objectifs, de définir nos responsabilités, droits et devoirs réciproques, de choisir un cadre juridique, éthique ou déontologique commun, etc.  Nous avons donc déjà des compétences contractuelles.
 
  • Nous savons aussi comment rechercher et échanger les informations pertinentes, analyser des situations inédites, réfléchir à de nouvelles options, appliquer nos expertises techniques, les trouver ailleurs quand elles nous font défaut ou encore prendre le temps de les apprendre.  Nous savons déduire, planifier, structurer, programmer, compter, mesurer, etc.
  
  • Nous savons aussi comment tenir compte les uns des autres, nous écouter, nous respecter, nous soutenir, nous motiver, prendre plaisir à être et faire ensemble, partager des expériences significatives, ouvrir nos cœurs et nous émouvoir, faire la fête, nous féliciter.  Nous savons tous aussi comment nous accompagner dans les moments plus difficiles, etc.

  • Nous savons comment faire, ou comment passer à l’action, mettre en œuvre, agir avec efficacité, mesurer nos résultats, redresser la barre ou immédiatement réagir aux aléas de l’environnement, saisir des opportunités, mener à bien jusqu’à conclure, finir, éventuellement se séparer afin de chacun passer à autre chose, etc.

Ces quatre ensembles de comportements, d’aptitudes, de compétences, ou de savoir-faire de management sont totalement différents et complémentaires.  Comme il s’agit de compétences de management de processus, ces quatre ensembles peuvent s’appliquer à n’importe quelle situation de projet seul ou en collaboration à plusieurs.  Pour exemple, cela peut concerner le management de toute démarche individuelle ou réseau, équipe, réunion collective, entreprise, partenariat, etc. cherchant à atteindre un résultat collectif. 



  • Alors si nous avons ces compétences, si nous savons faire, pourquoi beaucoup d’entre nous n'arrivent pas aux résultats que l'on pourrait attendre du déploiement de ces compétences?  
Pourquoi certains ne semblent ne pas savoir démarrer, d’autres disent se bloquer dans la confusion, éviter l’intimité de la relation, ou encore abandonner en route, sans jamais finir ?
Une des réponses peut concerner notre cadre de référence personnel ou collectif.  Si nous partons du principe que face à une situation inédite, nous ne savons pas comment faire, nous n’irons pas chercher à appliquer des compétences déjà acquises : celles qui nous ont servi ailleurs, dans la gestion de nombreux processus analogues.

 
  • Il est aussi possible que nous répondons à certaines situations avec des compétences qui n’y sont pas nécessairement appropriées.  Celles qui seraient bien plus adaptées a des situations différentes.

Dans le cas d’un enfant qui pleure, par exemple, il est possible de lui demander pourquoi il pleure afin d'en chercher la cause et de l'éliminer.  Cela correspondrait à un comportement de recherche d’informations, d’analyse, de compréhension et de résolution.  Il serait aussi possible de quitter la pièce jusqu’à ce qu’il s’arrête afin de ne pas renforcer son comportement en y accordant trop d'attention.  Il est aussi possible de lui dire qu’il fait beaucoup trop de bruit, qu’il gêne les voisins de table dans le restaurant, et que cela peut remettre en question sa présence dans ce type d'environnement.  Dans l'absolu, toutes ces options peuvent être considérées comme bonnes.  Cependant, elles appartiennent à des champs de compétences très différents.  Selon le contexte de la situation ou son historique, les relations précises, son degré d'urgence, etc. chacune des options peut ne pas être la plus appropriée.  Dans ce cas, l’enfant continuera de pleurer.
  

  • Il est intéressant de constater que dans le langage courant, un comportement dit inapproprié ou inadéquat est un comportement considéré comme impoli, socialement inacceptable, pas bon.  Ici, il est plutôt question de comportements utiles, bons, mais qui n'entrent pas dans l'équation interactive. 

Ils seraient bien plus adéquats dans d'autres situations que celle où ils sont déployés.  

Par conséquent, dans une situation donnée, chacun de nos comportements acquis, chacune de nos compétences apprises et pourtant bien intégrées peut avoir un effet puis ou moins efficace selon son adéquation à la situation. 
 

  • Lorsqu’une aptitude spécifique est déployée avec compétence mais dans une situation où elle n’est pas appropriée, elle n’est pas utile.  Elle n’obtiendra pas de résultat.  Pire, elle pourrait même être contre-productive.

Cette optique nous permet de poser la question d’aptitudes ou de compétences de management et de coach dans une perspective très précise.  Pour en faire une synthèse, en ce qui concerne le management ou le coaching de processus individuels et collectifs,


  • Nous avons tous déjà rodé un ensemble de compétences de management de processus très utiles.  Nous savons aussi les déployer.
  
  • Si nous n’arrivons pas à accomplir des résultats performants, c'est que nous déployons des compétences inappropriées par rapport à la situation immédiate que nous tentons de gérer.
 
  • Pour améliorer nos résultats, il nous suffirait de déployer nos compétences acquises en nous assurant de leur adéquation avec les besoins et enjeux des situations que nous manageons.
  
  • Afin de nous développer, il nous suffirait de roder notre capacité de réagir de façon plus adéquate, d'apprendre à être plus agile dans notre capacité à déployer des réponses appropriées à la spécificité de chaque situation.  Bien entendu, cela suppose de savoir écouter avant de réagir.

  
  • Si une telle agilité comportementale est bien apprise par un manager ou un coach dans des situations précises voire limitées, elle pourrait être ensuite automatiquement déclinée dans toute une série d’autres situations analogues.  C'est ici que le changement systémique peut intervenir.


Ce cadre de référence nous permet de poser autrement le problème de développement des compétences de management ou de coach.  Plutôt que de développer des compétences en partant du principe quelles manquent et qu'il faut les apprendre, il s’agirait de développer une compétence d’adéquation de nos compétences déjà acquises mais trop souvent déployées de façon inappropriée.

Conséquences en coaching :



Il est souvent dit et répété que pour un coach, le client est considéré comme compétent.  Il sait faire.  Il ne s’agit donc pas de le former, mais plutôt de l’accompagner dans sa démarche pendant qu'il avance à sa façon dans l'atteinte de ses résultats..
Dans ce sens, il est utile pour un coach de percevoir comment chacun de ses clients agit ou réagit face à différentes situations personnelles ou professionnelles. 


  • Est-ce que les réactions du client sont en adéquation avec la situation ? 

  • Est-ce que le client réagit de façon inappropriée alors qu'il a, par définition, les compétence pour faire autrement ?
 
  • Dans ce dernier cas, quelles sont ses habitudes de réactions inappropriées, ou comment fait-il lorsqu'il remplace un comportement qui pourrait être adéquat par un autre qui s'avère moins efficace ?
  • Quels sont ses patterns de comportements adéquats et inadéquats, et comment pourrait-il réaligner l'ensemble de ses comportements afin de devenir plus efficace ?

Nous avons tous en effet des habitudes de comportements, des schémas interactifs.  Ce sont des patterns d'efficacité et d'inefficacité qui reposent sur des stratégies appropriées, et d'autres habitudes d'évitement.  Si ces patterns sont évolutifs, ils sont relativement systémiques.  Ils s'appliquent à tout ce que nous faisons.  Il s'ensuit que si nous modifions notre pattern interactif dans un domaine, il est fort possible que ce changement s'applique dans tous nos autres domaines interactifs.  Un changement de patterns professionnels aura ainsi un effet dans nos patterns familiaux, sociaux, etc.  Et inversement.

Bien entendu, le coach a aussi ses propres patterns de comportements appropriés d'une part et d'autres moins en adéquation avec les besoins des situations auxquelles il est confronté.  Le coach aussi gagnerait à faire son propre travail d'ajustement de ses compétences de management de processus afin de les mettre en adéquation avec les personnes, situations et évènements dans son environnement personnel et professionnel. En effet, il est souvent observable que:
   

  • Les coachs et clients partagent des patterns de comportement identiques, comme s'ils s'attiraient et se choisissaient afin de conforter leurs paradigmes relationnels et professionnels.
  
  • Les coachs et clients peuvent modéliser l'un pour l'autre des façons d'évoluer ou de se transformer, en se rééquilibrant ensemble, justement dans leurs patterns partagés, dans leurs enjeux communs. 

De cette façon, l'évolution du client est apprenant pour le coach.  De façon complémentaire, l'expérimentation par le coach de compétences appropriées au cours de l'accompagnement d'un client est apprenant pour ce dernier.  C'est de cette façon que la relation de coaching devient une sorte de co accompagnement systémique où les deux partenaires deviennent chacun le témoin et le miroir de l'évolution de l'autre.
En ce qui concerne la compétence principale d'un coach, il s'agit aussi pour lui de savoir manier toutes les compétences avec agilité, afin de les déployer de façon émergente en fonction des besoins de chaque situation avec chaque client. 


  • Il ne s'agit surtout pas d'en remplacer une par une autre, par habitude, par préférence arbitraire ou pattern personnel.

  
  • Il ne s'agit surtout pas de les dérouler dans un ordre établi, afin de suivre une procédure dictée par une norme quelconque, promulguée par une école qui repose sur des déroulements prévisibles.


Le leadership comme le coaching se doit de modéliser un management de processus agile, qui se met en adéquation avec chaque personne, chaque client, chaque relation, chaque histoire, chaque objectif, chaque situation, etc. au fur et à mesure de son déroulement, ou de son émergence, jusqu'à l'atteinte de résultats performants.

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Savoir faire ou savoir-être, là est la question

(article court, publié sur LINKEDIN en 2015)

Il perdure dans la communauté française de pédagogues et de coachs un débat opposant :

  • L’utilité de l’apprentissage de comportements, d’outils et de méthodes ou ce que l’on appelle des compétences, un savoir-faire,
  • Et l’importance de l’acquisition d’une attitude, d’une présence ou d’une posture, plutôt considérées comme un savoir être. 

Bien entendu, lorsque ce débat est abordé, c’est souvent afin de disqualifier le premier au profit du second. Par exemple, beaucoup préconisent de plutôt recruter des personnes qui manifestent une attitude positive, arguant que les compétences seront toujours plus faciles à acquérir. Bien entendu, cela a du vrai, mais sous certaines conditions. Toutefois, avant de les aborder, ce débat véhicule implicitement ou dans sa forme un cadre de référence spécifique, même restreint. D’emblée, il pose un contexte d’opposition, une polarité binaire : il nous propose de choisir entre soit ceci soit cela, entre faire ou être, entre noir ou blanc, entre les bons ou les mauvais, et bien entendu entre nous ou les autres. Tel qu’il est posé, ce type de débat propose d’emblée un cadre de référence de polarité, de jugement, d’opposition, de comparaison, d’exclusion, etc.

Par ailleurs, lorsque nous posons un débat ainsi, nous véhiculons une logique linéaire, elle aussi caractéristique d’un cadre de référence particulier. Cela consiste à croire que c’est d’abord par l’évolution voire la transformation de son savoir être qu’une personne finira par agir autrement. S’il ne change pas son attitude ou sa posture fondamentale, ses comportements et leurs conséquences resteront les mêmes. Cela a pour conséquence de poser un cadre de référence de causalité linéaire. Il y a une cause, notre façon d’être, qui provoque un effet, nos comportements. Cette perspective exclut le contraire. Changer de comportements sans d’abord revoir notre attitude ou façon d’être ne sert pas à grand-chose.   Par ailleurs, cette forme de réflexion linéaire exclut aussi le principe que les deux peuvent s’influencer en boucle rétroactive, ou en réciprocité simultanée. Les mots, la sémantique reflètent tout un paradigme, et inversement sans doute.

Ce cadre de référence binaire et linéaire a une conséquence importante.   Il est par exemple sous-jacent au type de questions et déclarations suivantes : « Suis-je fait pour être manager ou coach ? » « Quelles sont les qualités requises pour faire telle activité ? » «  Je ne suis pas fait pour ce type de métier », etc. Les compétences ici sont définies comme des aptitudes déjà acquises ou pré requises et liées à l’être. Elles sont quelquefois posées comme données, innées, éventuellement inscrites dans la génétique. La conséquence est terrible. En effet, à quoi bon tenter d’apprendre quoique ce soit, si d’emblée, je ne suis pas fait pour ça ?

Il est intéressant de constater qu’en anglais, savoir faire se dit « know-how », et que l’expression équivalente pour savoir être n’existe pas.  Le savoir-faire est bien plus souvent mis en opposition au savoir tout simple, c’est-à-dire à la connaissance intellectuelle. C’est sans doute normal pour une culture bien plus centrée sur l’information qui permet de savoir, éventuellement afin de le mettre en œuvre dans un savoir faire. Les anglo-saxons sont en effet bien plus comportementalistes que les latins. Ils considèrent plus souvent que les préoccupations existentielles sont bien intéressantes pour des universitaires et autres philosophes, mais à quoi tout cela peut-il bien servir dans la réalité, dans la vie active? Très concrètement, ça sert à faire quoi? Dans cette optique culturelle ou dans ce cadre de référence, l’homme est bien plus le résultat de ce qu’il a accompli. Ce n’est pas une donnée ou une posture initiale mais l’action, la mise en œuvre qui détermine les résultats mesurables, qui deviennent des indicateurs de qui on est.

Au-delà de ces considérations culturelles et linguistiques, les recherches en neurologie et plus précisément en neuroplasticité semblent positionner le débat dans une autre perspective plus circulaire. Selon cette nouvelle science expérimentale, le développement de nos connections synaptiques, de nos autoroutes émotionnelles, intellectuelles et comportementales repose tout simplement sur la répétition active. Ce que l’on fait de façon régulière finit par s’inscrire dans notre constitution neurologique, dans une réalité physique. Par conséquent, notre structure serait le résultat de nos habitudes comportementales.

  • Notre structure neurologique voire génétique peut être modifiée. Elle est le résultat d’habitudes acquises, de comportements répétés. A force, nous devenons ce que l’on fait, et nous finissons par nous y identifier, par croire que c’est ce qu’on est. C’est comme cela que l’on apprend à parler, à marcher, à multiplier, à jouer au piano, à penser, à ressentir, à réagir, etc.

Par conséquent, ce que nous faisons construit peu à peu qui nous devenons, et à son tour, cela détermine ce que nous faisons. Si chacun d’entre nous avait grandi dans des environnements totalement différents, nécessitant des comportements autres, nous aurions développé des compétences totalement originales par rapport à celles que nous pratiquons aujourd’hui. A force de faire autre chose, nous serions devenus différents dans notre savoir être. En rétroaction, si par ces habitudes différentes, nous étions devenus autres, alors nous ferions tout autrement.

En ce qui concerne nos cerveaux, nous pouvons aussi constater quelques caractéristiques contraignantes.   Après avoir développé des habitudes, lorsque nous rencontrons une nouveauté telle une situation, une personne, une idée, une langue, une activité, etc. inconnue, le cerveau ne la reconnaît pas. Il n’a pas développé les synapses pour l’accueillir, l’envisager, la comprendre puis mettre en œuvre une réponse déjà acquise et appropriée. 

  • Au pire, il se sent incompétent, se bloque, refuse, fuit, attaque. II ne comprend pas, ne sait pas faire et se défend.
  • Au mieux, il utilisera des connexions déjà établies face à d’autres contextes historiques, donc inappropriées dans l’instant présent, pour faire face à la nouveauté.

C’est ainsi que même après des années de pratique de la langue de Shakespeare, un français dira toujours « yesterday night » pour traduire « hier soir », plutôt qu’entendre que l’expression courante est « last night », la nuit dernière.   Même lorsque le cerveau apprend du nouveau, il le tord un peu afin de l’adapter à ses synapses préexistantes.

Ce n’est que lorsqu’une personne est tenace dans l’apprentissage, c’est-à-dire à force de répétitions et d’ajustements, de rodages corrigés, de ténacité à faire des gammes ou des longueurs de piscine, encore et encore, alors le vrai changement devient possible. En immersion complète, en s’habituant peu à peu au sein d’une nouvelle expérience comportementale, le cerveau s’adapte lentement. Il construit patiemment de nouveaux chemins de traverse. A l’usage répété, ces chemins neurologiques prennent de l’envergure et deviennent de nouvelles routes voire autoroutes.

A terme, il est même possible de mesurer que si de vieilles habitudes sont abandonnées, les anciennes synapses correspondantes s’étiolent voire disparaissent. C’est ainsi que l’on peut perdre jusqu’à l’usage de sa propre langue maternelle. Très clairement, la pratique répétée de façon obstinée permet le développement de tout un nouveau réseau de synapses jusqu’à ne plus reconnaître le cerveau d’origine. Nous pouvons ainsi devenir autrement, par ce que l’on fait, à condition de répéter une nouveauté beaucoup plus souvent que ce que l’on veut arrêter de faire, ou d’être.

Pour en revenir au débat pédagogique qui oppose le savoir-faire au savoir être, tout semble indiquer que les deux sont indissociables si nous voulons amorcer un changement.   Vraiment apprendre à faire en abandonnant de vieilles habitudes permet de développer un nouveau savoir être. Notre façon d’être demain sera une conséquence de notre façon de vraiment apprendre en faisant autrement, inlassablement, aujourd’hui. Sans pratique intensive, l’envie de se développer ou de changer ne reste que velléité intellectuelle.   Nous pouvons nous modifier qu’à condition d’obstinément répéter de nouveaux comportements, de nouveaux savoir-faire.   Et paradoxalement, nous sommes sans aucun doute faits pour ça. Lorsque nous sommes motivés pour apprendre, nous savons le faire.

En pédagogie, cela a quelques conséquences. Informer et comprendre ne suffit pas pour changer. La diffusion d’information, l’explication, les présentations, démonstrations, les effets d’annonce et autres grand-messes sur le changement ne modifient rien.

Tout programme de transformation se doit de reposer sur une architecture d’apprentissage qui permet un rodage systématique. Plutôt que de creuser la théorie du changement, l’agent de changement devrait plutôt concevoir des contextes permettant une pratique régulière et intensive de nouveaux comportements. Pensez ici aux contextes de salles de musculation, de piscines avec des couloirs d’entrainement, aux répétitions de textes d’acteurs de théâtre et de cinéma.

La neuroplasticité suggère même, paraît-il, qu’il faut s’obstiner à faire et refaire pendant au moins une heure tous les jours, pendant au moins vingt-cinq jours consécutifs, si l’on veut apprendre une nouveauté au point de commencer à l’inscrire dans nos cellules.

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