Coaching d'équipe ou coaching d'organisation ?
Stratégies de Transformation d'Entreprises

De nombreux coachs en entreprise qui accompagnent des comités de direction dans la durée en coaching d ‘équipe considèrent qu’il font aussi du coaching d’organisation.  En effet, un travail d’accompagnement performant et durable au sein d’une équipe de direction a presque automatiquement un effet positif non négligeable sur l’organisation plus large que cette équipe dirige.  D’ailleurs d‘éventuels résultats d’un tel travail mesurables au sein du reste de l’entreprise concernée ne sont pas le fruit du hasard.  En effet, la grande majorité des demandes et enjeux abordés et traités lors de coachings d’équipes de direction concernent très concrètement la façon dont cette équipe dirige et développe l’ensemble du système sous sa responsabilité pour en assurer l’évolution qualitative et la réussite quantitative.

Il est vrai aussi que suite à un travail efficace de coaching d’équipe de direction, une part importante de ses membres déclinent une nouvelle approche de communication et de management d’équipe au sein de leurs propres ensembles départementaux, divisionnaires, territoriaux, ou au sein de filiales.   Par cet effet de démultiplication dans l’espace et le temps, un accompagnement en coaching d’équipe de direction peut souvent être considéré comme l’amorce initiale d’un parcours d’évolution pour une organisation toute entière.  Qui plus est, après avoir amorcé le mouvement d’évolution voire de transformation, l’ équipe de direction est très bien placée et souvent motivée pour le suivre jusqu'à réellement en faire bénéficier une bonne part du reste de l’organisation subalterne.

Par conséquent, depuis des année, le travail au sein d’équipes de direction en coaching d’équipe voire en team building ou en cohésion d’équipe œuvre aussi à accompagner des organisations toutes entières, bien au delà des frontières apparentes de l’équipe dirigeante stricto sensu.

  • Note Cette approche du coaching d’organisation repose sur le principe que pour accompagner le changement d’un système, autant initialement s’adresser à sa tête, à son exécutif, à son noyau, ou en quelque sorte à son ADN.  En effet, si la tête d’un système décide de changer de cap vers une nouvelle direction, de mettre en œuvre un mode opératoire différent, d’appliquer de nouvelles règles du jeu, etc. tôt ou tard, le reste du corps suit le mouvement. 

Par conséquent, la spécialisation que l’on pourrait appeler le coaching d’organisations peut continuer à suivre cette logique éprouvée, qui consiste à surtout ou d’abord accompagner une équipe de direction pour l’aider à définir et mettre en œuvre ses objectifs ou enjeux de qualité, de transition, de croissance, etc. et ensuite d’accompagner le mouvement dans le reste de l’organisation par d’autres actions de coaching d’équipes, de formation, ou d’information.

Une opinion systémique

La limite voir le danger du cadre de référence développé ci-dessus, c’est qu’il pose le comité de direction comme l’initiateur et le pilote du changement dans les organisations.

Un regard systémique peut semer le trouble dans cette logique qui correspond pourtant au cadre de référence dominant.  Selon cette vision alternative du monde naturel, n’importe quelle partie d’un système peut avoir une responsabilité importante dans le maintien de son équilibre homéostatique, ainsi qu’une capacité non négligeable à le déséquilibrer afin de provoquer son changement ou son évolution.  Tout ne commence pas forcément par la tête, loin de là.

En effet, un des principes systémiques affirme que la responsabilité et capacité d’action d’un ensemble cohérent est partagée de façon égale entre toutes les parties du système concerné.  Dans ce cas pourquoi attendre que tout changement soit initié par le noyau officiel, le centre apparent, la direction générale, etc. ? Les petits changements comme les grandes transformations peuvent être initiés par n’importe quel autre acteur ou sous-système motivé au sein d’une entreprise ou d’une organisation.  

Le cadre de référence de l’approche système pose en effet le problème de la responsabilité du changement de façon totalement différente que ce que semble croire la majorité populaire. Cela peut avoir des conséquences importantes pour le coaching en général et le coaching d’organisations en particulier. Accompagnées d’autres remises en questions qui reposent sur le même type de changement de perspective, l’approche système pourrait nous permettre de percevoir le coaching des organisations comme une profession relativement originale et peut-être autrement performante.

Ce texte propose une introduction à un regard systémique sur l’accompagnement du changement au niveau des entreprises ou des organisations.  Il a pour objectif de poser quelques principes fondamentaux du coaching d’organisation de façon pratique, illustrée à partir d’un cas vécu.  

L’exposé de ce cas permet un certain nombre de réflexions et questions qui peuvent motiver une nouvelle approche du coaching d’organisations dont le sens, les stratégies et les modes opératoires ne s’inscrirait pas dans la continuité du coaching d’équipe de direction ni au sein d’un cadre de référence qui maintiendrait la notion de responsabilité comme d’une énergie reposant sur une prise d'initiative centrale ni centralisée.

Le contexte

Une entreprise de taille moyenne que nous appellerons Alpha est installée dans une zone industrielle d’une ville française tout aussi moyenne sinon franchement provinciale.  Alpha s’est toutefois développée au fil des années au point de commencer à compter sur le marché européen.  Ce développement à l’échelle de l’ouest du continent depuis plusieurs décennies repose principalement sur un seul produit de grande consommation dont la marque reste éponyme de celle de l’entreprise. Au fil du temps, quelques acquisitions et intégrations de produits complémentaires mais secondaires permettent d’élargir le portefeuille des produits d’Alpha, sans que ces additions trouvent le succès de son produit phare.

Lors de son histoire, Alpha fut plusieurs fois achetée et revendue par de grands groupes internationaux qui toutes avaient d’autres gammes de produits et grandes marques plus importantes à gérer et développer à l’échelle mondiale.  La petite taille d’Alpha au sein de ces grands groupes lui a toujours valu une paix relative lors de son développement progressif.  De ce fait, le management d’Alpha a pu jouir d’une autonomie importante reposant sur des résultats honorables.  De ce fait, elle à peu à peu développé une farouche culture d’indépendance.

Lors des années précédant l’expérience relatée ci-dessous, les derniers propriétaires d’Alpha l’avaient vendue à une autre entreprise du même secteur d’activité que nous nommerons Beta. Basée à Paris, cette dernière déployait aussi une marque forte dont la notoriété était équivalente sinon meilleure que celle d’Alpha.  Le volume européen de la distribution de Béta était toutefois moitié moins importante. 

Lors de la fusion entre les deux entreprises, les deux sièges furent préservés, celui de Béta à Paris, celui d’Alpha en province.  Toutefois, grâce à son expérience au sein d’une entreprise de taille bien plus importante, l’encadrement d’Alpha fut privilégiée dans ce rapprochement.  Le PDG, une majeure partie des membres de son comté de direction et de son encadrement moyen furent retenus pour accompagner l’avenir de la nouvelle société qui avait presque doublée de taille.  Par la force de ces choix de personnel, le siège de Paris se vida peu à peu de sa réelle substance, celui de province pris plus de poids et d’importance.

Pour accompagner cette fusion et afin d’en faire une réussite, Alpha fit aussi appel à un coach d’équipes.  Plusieurs accompagnements du comité de direction, puis d’équipes de vente, de marketing, de directions à l’exportation, etc. ont permis à l’entreprise d’effectuer cette transition importante.  Cette stratégie de travail de développement par accompagnements en coachings de nombreuses équipes pertinentes du siège fut couronnée de succès relativement rapidement.

Par le biais de ces accompagnements divers au niveau du comité de direction suivis d’actions équivalentes au sein d’équipes subalternes, de nouveaux de processus de travail communs permirent à la nouvelle société de développer une culture de management relativement homogène.  Celle-ci privilégia l’initiative de l’encadrement et la motivation active du personnel centrée sur l’atteinte d’objectifs de performance.  Tout alla pour le mieux dans une volonté affichée de collaboration interne, des réflexes de responsabilisation collective, une conscience que le management doit rester exemplaire, une bonne dose de délégation proactive, etc.

  • Note : en cohérence avec l’introduction de cet article, cet accompagnement d’équipe de direction puis des équipes subalternes illustre une démarche progressive et positive de ce qui pourrait être un coaching d’organisation réussi, piloté par le comité de direction. 

Pour preuve, la fusion se déroula sans encombres, et les résultats de la nouvelle entreprise furent rapidement au rendez-vous.

Changement de perspective

Un an plus tard et sous l’impulsion du directeur général, le comité de direction constate que la localisation de l’essentiel du siège en province commence à pénaliser le développement de la performance de la société.  En effet, la grande majorité des fournisseurs et des clients de la société est basée à  Paris.  Une part croissante des négociations sont même internationales avec des partenaires européens, ce qui  nécessite de plus en plus de déplacements vers la capitale sinon hors de l’hexagone.

Dans ce contexte de croissance national voire international, une part de plus en plus importante du personnel du siège en province commence à manifester sa difficulté à suivre le mouvement.  Les nombreux déplacements pour négocier et suivre les interfaces nécessaires avec des partenaires basés soit à Paris soit dans d’autres capitales européennes commencent à peser. 

Le marché de l’emploi dans la ville de province est aussi relativement limité dans sa qualité comme dans sa quantité.  Il est de plus en plus difficile de trouver localement les pointures internationales utiles à la nouvelle envergure de la société.  Les recrutements locaux peinent à assurer le remplacement des départs naturels.  Par la force des choses, les nouveaux recrutements de cadres favorisent de plus en plus des Parisiens dont l’expérience préalable au sein de grands groupes apporte une valeur ajoutée incontestable.  Mais ces derniers veulent rester à Paris.

Peu à peu chaque équipe du siège se scinde en deux sous-ensembles informels mais influents : les anciens provinciaux d’une part, les nouveaux parisiens de l’autre.  Cette évolution naturelle touche non seulement le comité de direction mais aussi presque toutes les équipes immédiatement subalternes dans les départements de vente, de marketing, de distribution, de production, des finances, du juridique, etc.

Le comité de direction constate que la bonne marche de la société commence à être affectée par ces équipes scindées voire divisées par une importante distance géographique sinon un cadre de référence différent.  Elle se saisit de ce problème et effectue une étude sur divers scénarios  d’évolution de la société sur les années à venir. 

Bien entendu, afin de ne pas causer d’agitation inutile au sein du personnel de l’entreprise paisible mais solidement syndiquée, l’étude est menée de façon confidentielle.  Sans surprise, les résultats de l’étude sont sans appel. De toute évidence, l’avenir de la société, son développement, sa crédibilité, sa cohérence, son efficacité, son image, sinon son existence future dans un contexte de mondialisation reposent tous sur un déménagement à court terme de toutes les équipes pertinentes vers le siège Parisien.

Face à l’ampleur des mouvements sociaux prévisibles à l’annonce d’une telle éventualité, le directeur général et son équipe rapprochée temporisent.  Le comité de direction affiche un soutien solide auprès du directeur général, en attendant qu’il prenne la décision difficile et inévitable.  Pour s’occuper, ils provoquent quelques études plus approfondies sur l’architecture idéale d’une éventuelle nouvelle organisation dont l’essentiel des services centraux serait basé dans la banlieue proche parisienne, au sein de l’ancien siège de Béta.

Les limites implicites

A ce point du récit, le cas d’Alpha illustre une limites importante d’un bon travail de cohésion et de développement effectué à partir d’un comité de direction. 

Pendant toute la période d’accompagnement de cette entreprise lors de la fusion et des quelques années de croissance qui suivirent, il pouvait sembler que tout allait pour le mieux.  Lorsqu’ils devaient prendre des décisions stratégique comme celle qui se présentait, ils l’instruisaient, attendaient que le directeur général tranche puis soutenaient activement sa mise en œuvre pour assurer sa réussite.  Le directeur général et le comité de direction avaient pris les moyens pour opérer les changements nécessaires.  Ils avaient mis en oeuvre une démultiplication exemplaire au sein du reste de leur organisation.  Les résultats mesurables de qualité, de croissance et de réussite financière étaient là pour le confirmer.

Au niveau systémique, cependant, ces actions avaient renforcé un cadre de référence sous-jacent relativement limitant.  Au fil de toutes ces années, le comité de direction n’avait jamais lâché prise sur la croyance qu’à travers vents et marées, c’est lui qui initiait et pilotait l’ensemble de l’évolution de l’entreprise.  Cette équipe était certes devenue un ensemble solidaire et responsable mais elle fonctionnait à la manière d’un club élitiste qui entendait diriger la réussite de l’entreprise de main de maître.  Elle y avait même réussi, ce qui a solidement conforté cette vision du monde.

Tant que les fondamentaux de l’entreprise provinciale étaient respectés, l’ensemble du personnel s’était habitué à s’impliquer sans trop d’états d’âme.  De façon professionnelle, ils mettaient en œuvre les décisions du comité de direction centrées sur l’obtention de résultats.  Lorsque consultés au sein de groupes de réflexion ils y participaient activement.  Lorsque sollicités pour concevoir et mettre en œuvre de nouvelles procédures au sein d’équipes de projets, il s’engageaient. Or tout cela s’inscrivait dans la continuité historique du passé d’Alpha. 

Mais l’éventualité d’un déménagement semblait subitement changer la donne. Puisque le personnel n’avait pas participé à cette réflexion, le comité de direction se débattait seul sous le poids d’une responsabilité qui le dépassait largement.  Pour lui, le choix se posait comme une double contrainte. 

  • Soit il fallait décider de ne pas déménager au risque de saboter la société à terme,
  • Soit il faillait privilégier le déménagement stratégique au risque de provoquer une révolution sociale voire une fuite de presque tout son personnel d’encadrement provincial et historique.

Le comité de direction s’est retrouvé paralysé dans le piège d’une double contrainte.  Il devait décider, mais quelle que soit sa décision, elle comportait d’énorme risques.  Comment alors continuer à piloter le changement ?

Victimes de la réussite de l’entreprise, les anciens membres de l’encadrement pouvaient se trouver devant un choix cornélien.  Soit ils acceptaient de déménager sur Paris au prix d’un bouleversement de leurs vies personnelles, soit ils refusaient afin de privilégier leur qualité de vie familiale, et perdaient des postes d’envergures au sein d’une société locale.

  • Note : Lorsqu’une double contrainte se pose à une personne ou à un ensemble, c’est que la question est mal posée. En effet, un regard philosophique sur la situation évoque une question intéressante : En quoi cette situation propose au comité de direction et à l’entreprise de changer de cadre de référence ?   Attention, car il ne s’agit pas par cette question de valider ou disqualifier telle ou telle option dans le choix stratégique apparent.  Il s’agit de se demander comment l’entreprise doit changer ses processus internes pour traverser cette crise apparente.  Que doit lâcher le comité de direction pour trouver la réponse à son problème ?

A force de temporiser, les dérapages commencent à se produire.  Des petites fuites ont lieu, puis elles grossissent.  Des rumeurs circulent.  Le peuple commence à gronder.  Le comité de direction est mis en position défensive car l’initiative lui échappe.  Les syndicats commencent à s’organiser pour mettre en œuvre une résistance solide à une décision non prise, ou peut-être déjà prise mais non communiquée.

La percée

Accompagné par son coach, le directeur général a soudain une intuition profonde.  Lorsque la tête ne peut décider, c’est qu’il est utile d’apprendre à écouter son corps.  Il réalise que c’est ni seulement à lui, ni seulement à son comité de direction de porter ce problème, mais à toutes les personnes concernées. 

Juste après avoir mis en œuvre les procédures légales d’information aux organismes sociaux, il organise une journée entière regroupant ses cinquante cadres supérieurs pour leur exposer la situation et leur poser le problème de façon franche, directe et professionnelle.

Il leur dit être convaincu que la société doit déménager son siège, donc tous les postes des équipes centrales sur Paris.  Il dit être conscient que pour chacune des personnes dans la salle, cela posera un problème de choix fondamental, à la fois personnel et professionnel.  Il dit aussi que ce changement fondamental pour l’avenir de l’organisation ne peut réussir que si toutes les équipes le soutient, en vrais professionnels.  S’il n’y a pas cette mobilisation, il ne vaut mieux ne pas y aller.  Mais ne pas y aller serait à terme une grosse erreur, toutes les études le confirment.

Quel que soit le choix de chacun, de déménager sur Paris, ou de démissionner pour rester en province, il dit enfin s’engager publiquement à le soutenir et l’accompagner, en prenant le temps pour que toutes les personnes touchées soient satisfaites.  Il en fait un point d’honneur.

Les questions et discussions qui s’ensuivent en grand groupe lui donnent l’opportunité de partager sa réflexion et sa vision sur l’avenir de la société, et de bien souligner en quoi un déménagement sur Paris lui paraît incontournable.  Il souligne aussi que ce n’est pas un choix qui lui plaît à titre personnel et familial, sachant que toute sa vie, il avait vécu en province.  Rapidement, l’ensemble de l’assistance en vient aux mêmes conclusions évidentes.  En effet, si chacun décide en professionnel, le meilleur choix pour l’organisation consiste à déménager l’essentiel de son siège sur Paris.

Le PDG propose ensuite à l’assistance de mettre de côté pour un temps toute réflexion personnelle afin de se centrer sur un travail pratique en sous-groupes.  L’assistance s’auto organise en divers groupes de travail et de réflexion dont l’objectif est de préparer ensemble, au sein de chacune des grandes directions, un déménagement exemplaire qui n’aura aucune incidence sur l’excellente qualité du service rendu au clients.

Bien entendu de son côté en sous-groupe, la direction RH commence à travailler sur des propositions de packages raisonnables pour chaque catégorie de poste et réfléchit sur les éléments clés de l’accompagnement du personnel : soit dans son déménagement sur Paris soit dans son reclassement local. 

En fin de journée, le PDG tient un discours de clôture.  Il affiche sa fierté de diriger une équipe de tels professionnels.  Il demande à chacun de faire en sorte que l’organisation réussisse cette transition importante quelque soit son choix personnel.  Il souligne l’importance d’accompagner avec humanité et professionnalisme chacune de personnes qui auront à s’adapter lors de cette transition, et que cela fait partie intégrante de leur fonction de cadre.  Il affirme enfin que si un des employés de la société a épuisé tous les recours pour effectuer une transition satisfaisante, sa porte resterait ouverte pour trouver une solution acceptable.

  • Note :  La réunion à cinquante fut un grand soulagement pour tous.  Le personnel d’encadrement pouvait enfin redevenir acteur de son destin et agir en responsable face à une décision assumée et affichée.  Ni le comité de direction ni le directeur général ne se sentait responsable de porter les conséquences de la décision qui s’imposait ni les difficultés de choix personnels et professionnels qui incombaient aux autres membres de l’organisation.

Avant cette intervention, le comité de direction était convaincu que c’était lui et lui seul qui initiait tous les changements stratégiques qui concernaient l’entreprise.  Par conséquent il en assumait l’entière responsabilité.  En prenant de nombreuses initiatives et en impliquant presque systématiquement le personnel, il avaient longtemps piloté l’organisation avec succès.  Les enjeux différents révélés par la nécessité de déménager révélaient une autre réalité.  Ce n’était pas une situation provoquée par la direction, mais tout le contexte environnant qui leur imposait le déménagement.  Cette transition incontournable était rendue absolument nécessaire par leur croissance, par le marché, par la mondialisation, par la réalité extérieure, etc.

Avec un peu de recul, un regard plus systémique sur la nature des transitions et transformations importantes peut laisser croire que celles-ci ne son rarement provoquées par le noyau d’un système.  Elles viennent généralement de l’environnement externe, et quelquefois de sous-ensembles internes mais périphériques. 

La transformation

Malgré les apparences, ce n’est peut-être pas le gouvernement qui provoque les vraies réformes, mais plutôt la révolte du peuple dans son ensemble ou alors un système subalterne ou périphérique, souvent à partir de zones frontalières.  Les transformations essentielles sont provoquées peut-être encore plus souvent par l’environnement externe.  soit elles sont tout simplement provoquées par le ou les voisins immédiats, soit nous appelons cette influence la mondialisation lorsque l’influence est plus générale et diffuse.

De même au sein d’un organisme vivant, les virus qui peuvent provoquer de grandes mutations au sein de l’ADN viennent de l’environnement.  Ils s’infiltrent souvent au sein d’un système par des portes dérobées, par des chemin indirects.  A l’analyse, nous pouvons aussi constater que les vrais agents de changements en entreprise, ceux qui proposent des nouveautés radicales, ont rarement droit à l’entrée principale invités par la direction en exercice.

  • Exemple : Le PDG et propriétaire majoritaire d’une entreprise de services multinationale vient d’acquérir une société un peu plus petite et souhaite la fusionner avec la sienne.  Il appelle un consultant pour effectuer une démarche originale.  En effet, il souhaite transformer la culture de management de son organisation qu’il juge trop lente et trop lourde, sous l’emprise d’un assoupissement satisfait.  Il demande au consultant de former les cadres de l’entreprise récemment acquise afin de les préparer à remplacer  ceux de son entreprise, si possible à court terme.

Sa demande est hors du commun, mais elle ne consiste qu’à accompagner de façon consciente une réalité souvent observée :  quelques années après une acquisition, les cadres issus d’une organisation rachetée ont souvent remplacé ceux de l’entreprise prédatrice.  Ils se retrouvent même souvent à des postes clés.  Comme le dit le dicton, on devient en effet ce que l’on mange.

Dans ce contexte, le PDG éclairé évoqué ci-dessus souhaite tout simplement accompagner l’énergie du système récemment acquis et considéré comme périphérique pour transformer son organisation d’origine.  Cette approche est véritablement cohérente avec une réflexion systémique.

Comme peut l’illustrer ces cas, sauf pression énorme de l’environnement externe ou interne, la fonction habituelle de la direction et de son encadrement est peut-être fondamentalement conservatrice.  Si tout va relativement bien, pourquoi chercher à faire autrement ?  Si les résultats sont relativement bons par rapport au marché et à la concurrence, pourquoi diable chercher à les multiplier radicalement par deux ou trois dans l’année ?  Si les clients sont relativement satisfaits de notre prestation, pourquoi chercher à rapidement en faire deux fois plus, quatre fois mieux, et à moitié prix ?  Si encore une décision radicale s’impose, comment temporiser, minimiser les risques, attendre la solution la plus confortable pour tous ?

Souvent dans les comités de direction d’organisations voire dans les gouvernements de pays, il faudra attendre qu’une crise majeure réveille les dirigeants et les collent dos au mur pour qu’ils décident enfin de réellement changer, au point de se transformer et transformer le système qu’ils dirigent.  Cette éventualité exigera alors de déployer une énergie d’urgence et de combativité et surtout mobiliser toutes les énergies au sein de l’ensemble du système pour réussir. 

Constatons le, ces crises salutaires sont souvent provoquées par l’environnement externe. Quelquefois aussi, ces transformation sont initiées par des sous-ensembles internes et périphériques mais rarement par le centre, par le noyau, la direction ou l’ADN même du système.

La centralisation

Si le changement d’une organisation dépend de son équipe centrale ou de son comité de direction, une conséquence ou corrélation systémique voudrait qu’au sein même de ce comité de direction, le changement dépend surtout de son centre, donc du directeur ou du PDG.  Quelle belle vision centralisatrice !  Pourquoi alors perdre tant de temps et d’énergie à mettre en œuvre des programmes de participation et de délégation afin de créer de la responsabilité et de l’initiative à tous les niveaux ?

Cela peut nous révéler que dans son sens habituel, le principe de délégation semble s’arrêter dès qu’il s’agit d’envisager que l’initiative des transformations ne vient plus de la direction d’un système.  Nous voulons bien déléguer tant que le monopole des transformations pertinentes restent dans les mains de la direction.  Souvent et bien malheureusement, cela lui permet aussi, de déployer son énergie à résister aux changements dérangeants, reporter les transformations fondamentales.  Ce cadre de référence peut s’avérer relativement limitant.

Peut-être aussi qu’il est difficile pour le personnel d’assumer ses responsabilité dans la définition de son avenir, alors il préfère la déléguer aux dirigeants.  C’est une croyance possible.  D’affirmer que le changement vient du centre peut aussi être une belle façon de démissionner, de se déresponsabiliser de sa propre capacité à amorcer des transformations pourtant vitales.

Si c’est au sein de la direction d’un système que les réelles transformations doivent être décidées et mises en œuvre, il va de soit que c’est dans cette même arène qu’est mis en œuvre le non changement.  Par conséquent, il est possible de concevoir que dans les entreprises et organisations, la fonction principale de la direction est aussi d’assurer la pérennité du système tel qu’il est.    Le rôle de la direction d’un ensemble pourrait alors consister à piloter des ajustements mineurs pour limiter ou retarder les grandes transformations.

Le non changement

A) Suite à un travail de coaching d’équipe de direction, il est courant que celui-ci envisage de démultiplier auprès d’autres équipes le même type d’accompagnement, afin de décliner le processus de changement au sein du reste de l’organisation.  C’est souvent à cette étape qu’il est utile de suivre de suivre avec attention la suite des évènements.

Presque systématiquement, la première et seule équipe subalterne désignée pour être accompagnée par le coach est une des équipes les plus difficiles, réticentes et mal managées.  S’il s’agissait de centrer le coach sur un lieu résistant à souhait, un système « bouc émissaire » de l’ensemble on ne s’y prendrait pas autrement.  Cette stratégie permet de temporiser.  Le changement au sein du système dans son ensemble est reporté à plus tard sinon oublié.  

  • Note : Pourquoi ne pas envisager plutôt d’accompagner un changement de l’organisation en se centrant d’abord sur les équipes les plus performantes ?  Un coach d’équipe sportive ne focalise pas toute son attention sur l’individu le moins performant sous couvert de préparer l’ensemble à gagner ses prochaines rencontres.

B) Un autre coaching d’équipe de direction l’aide à reconsidérer des modes opératoires fragiles.  Ceux-ci sont à l’origine de sa gestion par crises successives et des résultats relativement moyens sinon médiocres de leur entreprise.  L’accompagnement apparemment réussi fut conclu par un nombre important de plans d’actions pour mettre l’entreprise sur une nouvelle trajectoire de performance.  Par ailleurs, le principe d’effectuer un travail de fond au sein des équipes immédiatement subalternes fut acquis.

La suite pilotée par le service de formation aboutit à une demande d’actions de formation de management au bénéfice de chefs de projets.  Le contenu plusieurs fois revu est corrigé permet de reporter l’action.  Puis pour des raisons de budget, elle ne fut jamais mise en œuvre.  Le service formation avait subi un changement de priorités : l’organisation opta pour d’autres formations urgentes sur la gestion du temps.

La quantité de formations peu ciblées et peu suivies par la direction peuvent témoigner du risque de changements réels que comportent des accompagnements de systèmes réels tels un travail au sein d’équipe constituées.  Une approche plus classique de formations sur des sujets généraux au bénéfice d’une population qui ne travaille pas ensemble de façon quotidienne offre beaucoup moins de prise à des transformations profondes et durables.

C) De nombreux coachs d’équipes effectuent des accompagnements auprès d’équipes subalternes performantes et réellement motivées par une démarche leur permettant de se développer et d’améliorer leurs résultats.  Suite à ce travail au sein d’une division ou d’un département périphérique, la tentation du coach est souvent de faire valoir la démarche, et peut être se faire valoir aussi, auprès de la direction.  Il cherche alors à intéresser cette dernière et lui propose de s’engager dans un processus d’accompagnement équivalent.  Bien malheureusement, ces tentatives de démultiplication vers le haut de l’organisation n’aboutissent que très rarement

Cela peut paraître surprenant qu’une démarche originale et couronnée de succès effectuée par une équipe subalterne performante ne suscite pas plus d’intérêt de la part de la direction.  Ce constat peut confirmer le cadre de référence dominant qui stipule que l’initiative des réelles transformations ne peut appartenir qu’à la direction.  Elle n’en veut point si elle vient d’ailleurs.  Par conséquent, la question à se poser en tant que coach d’organisations peut être :

  • Suite à une expérience réussie de coaching d’équipe au sein d’un ensemble subalterne, comment démultiplier ou élargir la dynamique de transformation de  l’organisation concernée sans pour autant valider le pouvoir de résistance de la direction?

Ces quelques exemples de coaching d’équipes qui aboutissent à du non changement au sein de l’entreprise environnante figurent parmi des centaines d’autres.  Il est difficile d’en conclure que les équipes de direction sont fondamentalement opposées au changement de leur organisation dans le sens large du terme. Il toutefois est souvent possible de constater que suite à un coaching d’équipe réussi, de nombreux freins apparaissent subitement face au moment de réellement passer à la vitesse supérieure.  Il devient difficile d’accompagner une réelle transformation au niveau de l’organisation toute entière.

Par ailleurs, constatons que si le coaching d’équipe est considéré comme très complémentaire à une démarche de coaching individuel, c’est qu’il est souvent difficile d’opérer un changement au niveau d’un système à partir d’une démarche effectuée au niveau individuel.  Pour exemple, un ooaching de dirigeant réussi ne garanti pas que ce dirigeant pourra opérer une transformation importante au sein de son équipe de direction si cette dernière résiste de façon active ou même passive.  Le système plus large et sa culture collective sont toujours plus puissants que la volonté individuelle d’un dirigeant.

Cette même différence de niveau systémique existe entre une équipe de direction et l’entreprise qu’elle dirige.  Le niveau systémique plus élevé ou plus global que constitue l’organisation est bien plus puissant que l’équipe de direction toute seule.  La capacité de résistance passive ou active de l’ensemble d’une organisation peut souvent tenir tête à toute la volonté du comité de direction.  En effet, le reste d’une entreprise peut facilement rendre le changement plus coûteux que le non changement. 

Par conséquent, de la même façon que

  • le coaching d’équipe est complémentaire au coaching individuel.  Il permet d’accompagner le changement au niveau du système collectif que constitue l’équipe,
  • le coaching d’organisation est complémentaire au coaching d’équipe.  Il permet d’accompagner le changement au niveau de la complexité de l’organisation toute entière.

Dans cette optique systémique, quelques questions s’imposent.

  • En quoi le travail d’un comité de direction sert surtout à accompagner et conforter la dynamique conservatrice d’une organisation? 
  • En quoi les actions d’accompagnement telles le coaching d’équipe de direction ne sont mises en œuvre surtout que pour renforcer ces dynamiques conservatrices ? 
  • En quoi un coaching d’équipe de direction réussi sert-il paradoxalement à renforcer la dimension homéostatique d’un système dans son ensemble et limiter à terme l’évolution de l’entreprise ?

De façon à être un peu plus centré sur des solutions, nous pouvons aussi poser d’autres questions plus centrées sur le développement du métier de coach d’organisations

  • « Où, ailleurs qu’au sein d’un comité de direction, peut-on beaucoup mieux commencer un travail d’accompagnement de la transformation d’une entreprise ? ». 
  • « Comment accompagner un travail dans le reste de l’entreprise afin que ce soit des services, des départements ou des équipes - projets qui provoquent et accompagnent de réels transformations au bénéfice de l’ensemble du système ? ». 
  • Ou encore « Comment accompagner un ensemble beaucoup plus large qu’une équipe ou un comité de direction, afin que le système dans son ensemble devienne immédiatement acteur de sa propre transformation ? »

Avec ce type de question, il est peut-être possible de définir de façon plus précise ce que l’on considère être le champs du coaching d’organisations, puis préciser les stratégies appropriées et les modes opératoires de ce domaine.

Des réflexions dans ce sens figurent au sein d’autres articles disponibles sur ce site.

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