Coaching et management d'équipe: Les Processus Délégués
Un Outil de Développement Stratégique

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pdf Un court article, en introduction sur le sujet, paru dans l'Economiste, au Maroc

Cet article présente un ensemble d'outils d’abord élaborés dans le contexte peu ou pas systémique qu’est le Développement des Organisations (O.D.).  Il acquiert  aujourd’hui une efficacité plus grande encore dans une vision stratégique du coaching d'équipes et d'organisations. Cette approche pratique a été expérimentée et développée depuis plus de quinze ans au sein de nombreuses équipes multiculturelles, dans plusieurs pays et dans des secteurs d’activité très différents.   Nous avons appelé cet ensemble d'outils les "Processus Délégués". 

Quoique cette approche puisse être introduite au sein d’une équipe par le biais de la formation, du team building, de la cohésion d’équipe, ou de toute autre forme d’intervention, sa mise en place paraît extrêmement utile avant ou pendant un grand nombre d’accompagnements de type coaching d’équipe ou coaching d'organisations.  Proposé lors d’un ou plusieurs ateliers dédiés, ou introduit au fur et à mesure d’un cycle de supervision de réunions, la pratique de cet outil par une équipe ou un réseau peut donner lieu à de nombreuses opportunités d’apprentissage et d’évolution à la fois personnelles et collectives.

L’étonnement peut aller croissant si nous affirmons que cette même technique peut aussi bien aider à manager une équipe que participer à l’évolution de la maturité du management d’une entreprise et à terme, à l’évolution positive de son profil culturel.  Au premier degré en effet, une partie de l'approche ressemble fort à des techniques d'animation de réunions.  De nombreuses personnes se limitent à cette dimension, déjà très puissante.  Intégrés dans son ensemble, les processus délégués peuvent dévoiler un potentiel beaucoup plus vaste permettant d'aider une entreprise à transformer sa culture de management afin de décupler ses résultats.

Pour procéder de façon progressive, cependant, après quelques considérations contextuelles concernant le bon usage des « processus déléguées », nous présenterons les aspects pratiques de sa mise en œuvre en coaching d’équipe. Nous reviendrons plus tard à son utilité plus stratégique et aux considérations plus globales évoquées ci-dessus quant à la transformation de la culture et des résultats d’organisations dans leur ensemble.

CONTEXTE GENERAL

Puisque aucune technique n’est une panacée universelle, nous considérons que l’outil des « processus délégués » est particulièrement utile dans un contexte précis.  Quoique l’outil en général et certains de ses aspects en particulier puissent être utilisés dans n’importe quel type d’équipe qui a des réunions, nous proposons de bien étudier la structure et les objectifs d’une réunion avant de vouloir mettre en œuvre l’outil proposé pour en attendre des résultats significatifs.

  • Premièrement un outil de communication ou de management n’est ni bon ni mauvais en lui-même.

La façon dont il est enseigné et appris, le contexte ou l’environnement dans lequel il est utilisé, l’attitude des personnes qui l’utilisent, tout a une incidence énorme sur les résultats que permet un outil à court et long terme.   De la même façon qu’avec le « management participatif », la « direction participative par objectifs », les « cercles de qualité », les « évaluations 360° », le « ré-engineering », etc. la façon dont nous mettons en œuvre nos outils influencent souvent les résultats bien plus que l’outil lui-même.  

  • Deuxièmement, le processus de réunions déléguées est particulièrement conçu pour une application au sein d’équipes constituées, avec hiérarchie, ou au sein d’équipes en réseau dont au moins quelques membres sont relativement permanents.

Cet outil est tout indiqué lors de réunions qui ont lieu avec une régularité prévisible, d’équipe de direction ou de réseau.  Ces réunions peuvent être hebdomadaires, mensuelles, bimensuelles ou bimestrielles. 

Ce processus est donc plus performant s’il est utilisé voire rodé de façon régulière dans des groupes de cinq à quinze personnes qui incluent une équipe complète, le cas échéant avec sa hiérarchie.  C’est cela qui en fait un outil privilégié pour un coach d’équipes dans la mesure où ce dernier accompagne souvent des systèmes formels dans ce contexte précis. 

  • Piège : Le processus de réunion délégué est moins utile et moins performant au sein de réunions exceptionnelles, centrées sur des crises, entre des étrangers qui n’envisagent qu’une relation à court terme, venant d’origines diverses, mélangeant divers niveaux hiérarchiques et contextes organisationnels.

De même, cet outil est ni utile ni efficace dans des réunions très larges qui incluent des participants ou une “audience” telle une convention ou lors d’une présentation formelle principalement informative.

  • Troisièmement, le processus de « réunion déléguée » est surtout utile au sein de réunions de travail réelles, centrée sur l’instruction collective de dossiers, la prise de décisions et le suivi de leur mise en oeuvre.

Son efficacité est particulièrement évidente dans des équipes qui veulent être intensément centrées sur des sujets bien préparés, participer à des débats de fond et prendre des décisions à la fois collectives et performantes.

  • Piège : Le processus ne permet pas d’aussi bons résultats dans un contexte de “discours officiels” tenus par une personne face à son public, ni dans des réunions informatives dominées par de longues séries de présentations de « slides » ou  par « PowerPoint ». 

Soulignons que le processus de réunions déléguées est particulièrement utile dans un contexte où la direction de l’organisation est activement engagée dans le développement de ses managers et employés.  Ils doivent croire au bienfait d’une approche consultative, d’un style de direction de délégation et participatif qui permet à l’ensemble du personnel de développer un engagement actif dans son travail en restant centrés sur des objectifs et des résultats.

Le processus de réunion déléguée est plus efficace dans un contexte professionnel qui se veut réactif, entrepreneurial et centré sur les résultats, et peut permettre de le développer.  Le processus de « réunion déléguée » peut donc être un outil de performance au sein d’une organisation qui souhaite développer une culture d’entreprise qui correspond aux critères décrits ci-dessus.  

Il peut être considéré comme contre-productif si l’encadrement se comporte ouvertement de façon contraire à ces critères, retenant l’information, contrôlant, centralisant et minimisant ses risques de façon généralement conservatrice.

  • Quatrièmement, le processus de « réunion déléguée » est conçu comme un outil « systémique » et gagne à être utilisé comme tel.

Il est systémique dans la mesure où il repose sur le principe que les réunions ont un rôle aussi central au sein d’équipes et d'organisations que peuvent avoir les noyaux de cellules biologiques.  Lorsque les processus de réunions d’une équipe sont profondément modifiés, tous les processus de cette équipe sont modifiés, ainsi que ses résultats. 

De modifier les processus de la préparation, de l’animation et du suivi des réunions d’une équipe de direction peut donc avoir une énorme incidence sur tous les processus que cette équipe dirige, et donc des résultats d’une organisation toute entière.   Une réunion d’équipe contient en quelque sorte l’ADN de l’équipe.  En agissant sur cet ADN, nous agissons sur la génétique de l’ensemble du système, donc sur sa structure, ses processus et ses résultats. 

Le processus de « réunion déléguée » est systémique dans la mesure où il est conçu pour modifier les interactions entre les personnes plutôt que de tenter de modifier les personnes elles-mêmes.  Cet outil est donc centré sur les relations plutôt que sur les personnalités, sur les interfaces plutôt que sur des entités tels des services, des départements, des territoires, des sujets et spécialités.   

Dans ce contexte, c’est un excellent outil pour développer la coopération transversale entre personnes, services et départements, et l’engagement collectif dans le but d’améliorer les résultats d’une organisation.

A juste titre, un grand nombre de managers souhaitent éviter d’avoir à assister à certaines réunions dans la mesure où un grand nombre d’entre elles est inefficace voire inutile.  Ils préféraient traiter les problèmes à deux dans le cadre d’une relation plus facilement gérable.  Cette solution de lassitude et d’évitement,  en ce qui concerne les réunions, contribue à la décomposition graduelle de relations transversales dans beaucoup d’équipes et organisations. 

L’outil « processus délégués » est une solution qui permet de remotiver le management à participer à des réunions en les rendant plus performantes, et de développer une réelle culture de collaboration transversale au sein des équipes et par extension, au sein des organisations.

Enfin, le processus de réunions déléguées est systémique dans la mesure où il peut graduellement se développer ou se diffuser naturellement, par lui-même, au sein de toute une organisation, tel un système « viral ».   Une fois introduit au sein d’une équipe, surtout si celle-ci est centrale dans l’organisation tel un comité de direction, il peut s’infiltrer, par bouche à oreille et par mimétisme, dans toute l’organisation environnante et influencer de façon positive la façon dont toutes les réunions sont menées.  Cette diffusion quasi-naturelle peut à terme modifier un grand nombre d’interfaces dans le système client. 

LES PROCESSUS  DE  REUNIONS

Bien entendu, il est utile de bien préparer une réunion avec un agenda précis, distribué à tous les participants avec suffisamment de temps de préavis, et accompagné de tous les documents de pré-lecture afin d’assurer leur participation active centré sur les débats et les décisions.  Cette préparation préalable du contenu est essentielle et permet une bien meilleure gestion des processus de réunion.

Pour bien préparer, et suivre une réunion après sa clôture, nous renvoyons toutefois le lecteur aux nombreux ouvrages sur ce sujet intimement complémentaire à nos préoccupations concernant ce qui se passe pendant la réunion.

En effet, quelle que soit la préparation d’une réunion, et quel que soit son contenu, les processus qui ont cours pendant la réunion ont une énorme incidence à la fois sur le renforcement de la culture de l’équipe en question et sur ses résultats.  C’est sur cet aspect que nous nous penchons ici.

Pièges :

  • Une réunion bien préparée et bien menée peut être totalement minutée et contrôlée par le patron d’une équipe et peut ainsi permettre la prise d’une série de bonnes décisions.  Cette approche permet une efficacité immédiate mais peut renforcer une culture centralisatrice autour d’un leader soucieux de tout contrôler, et développer une passivité générale des membres du système.
  • Une réunion très ouverte, participative et consultative peut favoriser les débats et la recherche de consensus.  Elle contribue sans doute à l’engagement des participants mais risque d’être coûteuse en temps et en énergie, ce qui a pour effet de ralentir la réactivité du système et ainsi le rendre inefficace en temps de stress ou en cas d’urgences.
  • Des réunions informatives bien préparées, qui incluent de nombreuses présentations avec rétroprojecteur ou en « PowerPoint » peuvent faire passer de façon digeste un maximum d’informations.  Elles peuvent aussi graduellement limiter le système avec un rituel de présentations informatives accompagnées d’explications et d’analyses détaillées, d’arguments arrêtés.  Ce rituel peut à terme devenir rébarbatif et faire diversion au point d’oublier toute tentation de décisions centrées sur des actions ou des résultats immédiats.
  • Des sessions débordantes de créativité illustrées par des « brainstormings » stimulants, et des marathons de débats ou de joutes intellectuelles peuvent aussi souffrir de cette incapacité à se centrer tout simplement sur deux ou trois actions essentielles ou « basiques » qui ont tout simplement besoin d’un suivi efficace et à long terme.

Pour conclure, après avoir observé une ou deux réunions au sein d’une équipe de direction, il est possible d’en effectuer un diagnostic culturel, une évaluation d’efficacité.  Quel que soit son professionnalisme au niveau du contenu et de l’engagement réel de ses participants lors d’une réunion, il est souvent possible pour un coach de cerner quelques-unes des limites fondamentales d’une équipe, et par extension, celles de l’organisation plus large qu’elle dirige.

Alors, en règle générale, si la majorité des cadres et employés d’une organisation est souvent centrée sur le contenu d’une réunion pour justifier de leur présence ou négocier leur absence, nous suggérons de regarder de plus près ce qui se passe au niveau de ses processus, de faire l’inventaire des modifications nécessaires, et de prendre les décisions qui s’imposent. 

Dans un premier temps, l’accompagnement de cette démarche centrée sur les processus de réunions est la base même du travail du coach d’équipe.  C’est ce premier travail qui permet, dans un deuxième temps, un coaching d’accompagnement plus centré sur le contenu, opérationnel ou stratégique.

LE PROCESSUS DE DECISION

La première fonction d’une réunion d’équipe est de permettre l’instruction ou l’étude de dossiers et la prise de décision collective afin de diriger l’action et donc les résultats de l’ensemble.  Ce processus collectif nécessite et facilite à la fois le travail transversal en équipe, la circulation d’informations, la coopération, la responsabilité et l’engagement collectif envers les résultats de l’organisation.

Cette fonction de prise de décisions place le décisionnaire officiel, le patron de l’équipe, au centre du système.  De ce fait et inconsciemment, il peut souvent devenir le centre de tous les processus de réunion comme ceux de l’équipe qu’il encadre et dirige.  Il se retrouve donc souvent non seulement responsable des décisions mais « porteur » de tous les autres processus et donc de l’équipe tout entière.

Il en résulte, par exemple, que le patron d’une équipe prépare toutes les réunions, les accueillent, les conduit, et en assure le suivi.  Il devient ainsi le pivot central et incontournable de son équipe.

  • Piège : En règle générale, le patron d’une équipe peut donc être tenté d’assurer l’animation de « ses » réunions, d’en gérer le temps, de provoquer les décisions puis de les prendre, de recentrer le débats, de suivre le compte rendu, de négocier voire de fixer les délais, de commenter sur les mauvaises préparations et la participation limitée des participants, et en général de porter la totalité du processus.

Heureusement, cette caricature extrême est rarement mise en œuvre totalement, même si l’esprit de cette centralisation sur le patron est pratique courante.

  • Piège : Le cas échéant, dans ce type de culture d’équipe, il va sans dire que le piège du coach serait d’assurer ce rôle central, à la place du patron.  Bon pour l’ego du coach à peu de frais, cette stratégie ne contribuerait qu’à renforcer un processus culturel centralisateur, qui repose sur une seule personne.

Paradoxalement, l’équipe y trouve généralement son compte.  Plus le patron ou le coach « porte » les processus, plus l’équipe détient le pouvoir.  Par rapport à l’action, n’ayant rien à faire, les membres de l’équipe ont en effet beaucoup plus de recul.  Qui plus est, l’équipe n’est responsable de rien et peut à tout moment taxer le patron ou le coach de personne « directive », trop centrale, qui souhaite tout contrôler.

De même, ce processus de réunion révèle les processus en vigueur dans l’équipe en général. On peut comprendre que si une équipe délègue vers le haut et dans sa totalité, l’ensemble des processus de réunion et la responsabilité du contenu au patron, il en est de même avec tout autre type de procédure et de responsabilité dans l’équipe par ailleurs.  Par conséquent, les équipes passives  sont également passives en réunion. Les équipes dynamiques qui démontrent leur sens des responsabilités le font aussi en réunion.

Ce type de performance d’homme-orchestre plus ou moins polyvalent peut aussi mener à la conclusion que si le patron d’une équipe ne peut pas être présent, et au centre d’une réunion, comme de n’importe quel autre projet, il vaudrait mieux le reporter, l’annuler, le laisser filer, ce qui bien malheureusement se passe au sein de nombreuses équipes.

Paradoxalement aussi, ce processus centralisateur peut être observé dans de nombreuses organisations qui prêchent ouvertement et croient à l’importance du travail en équipe, d’une approche de délégation, à l’utilité d’une bonne participation, à la nécessité de l’engagement de tous, et au besoin impératif de mettre en œuvre une bonne décentralisation.

Pour accompagner les organisations qui veulent pratiquer ce qu’elles préconisent, nous suggérons donc que les équipes deviennent autant centrées sur la prise de décision que leurs leaders, que des outils spécifiques soient mis en œuvre pour les y aider, et lorsque nécessaire, et enfin que les coachs d’équipe accompagnent ce mouvement.

Pour ce faire, il est utile d’envisager qu’une grande majorité des processus de réunion soit délégué à l’équipe en tant que système et à chacun de ses membres pris individuellement.  C’est l’objectif principal du processus de "réunion déléguée".

Rappelons encore que la délégation de tous les processus de réunion aux membres d’une équipe n’est qu’une étape de développement qui a pour but ultime de modifier la culture de l’équipe, comme le cadre de référence de l’ensemble de ses membres

En effet, dans la mesure ou une réunion d’équipe est un « microcosme » de la réalité plus large de l’équipe, le fait d’y mettre en œuvre un processus de délégation réel a pour but de mettre en œuvre une culture de délégation dans tous les processus d’équipe même hors des réunions. 

La modification des processus interactifs en réunion enclenche la modification équivalente de tous les processus interactifs de l’équipe, et potentiellement ceux de l’organisation subalterne qu’elle dirige.

LES FONCTIONS DELEGUEES 

La seule fonction qu’un leader d’équipe ne peut réellement déléguer est justement la sienne, celle de décisionnaire.  Implicitement ou explicitement, le décisionnaire est responsable de toutes les décisions prises ou non prises par son équipe et chacun de ses membres. 

Comme au sein de n’importe quel organe exécutif, cette responsabilité ultime couvre toutes les décisions prises par le système dont le décisionnaire est responsable.  Cet état de fait qui concerne l’exécutif est généralement inscrit dans les statuts des systèmes collectifs formels, associations, gouvernements, entreprises et coopératives.

De ce principe découle le fait que si le décisionnaire d’une équipe ne prend pas explicitement toutes les décisions, il reste le seul responsable de leurs effets.  Il est donc important, le cas échéant, qu’il puisse valider toutes les décisions déléguées à son équipe.  Ce principe de validation implicite suppose que le décisionnaire soit immédiatement informé de toutes les décisions, formellement déléguées ou pas, du système qu’il dirige. 

De là découle que tout système de délégation repose sur une excellente information ascendante, afin de tenir le leader constamment informé du mouvement de ses troupes.

Compte tenu de cette nécessité absolue d’être immédiatement informé, le décisionnaire peut, et même doit être en position de déléguer toutes les autres fonctions de gestion d’une réunion.   Ces fonctions, que nous proposons de développer avec plus de détails, sont celles de

  • participation assumé par toutes les personnes présentes,
  • d’animation ou de facilitation assumée par le « faciliteur »,
  • d’horloge assumée par le « cadenceur »,
  • de provocation et suivi de décisions assumé par le « pousse décision », et enfin
  • de co-coaching assumé par le « consultant-coach ».

Bien entendu, dépendant des besoins spécifiques d’une équipe particulière, d’autres fonctions peuvent être prévues de façon soit ponctuelle soit permanente.  Dans ce contexte, il est important de souligner que le but ultime de ce processus est de déléguer l’instruction collective, la prise de décision et leur suivi, à l’équipe entière en tant que telle.  Cette responsabilité incombe aussi à chacun des membres de l’équipe pris individuellement, à 100%. 

Si l’équipe doit être centrée sur son action et ses résultats, elle doit collectivement traiter l’information pendant ses réunions jusqu’à aboutir à ses propres décisions et les suivre dans leur application. Ce processus peut éventuellement être mené par l‘équipe en l’absence même du leader (impérativement : tout en le tenant informé afin qu’il puisse valider les propositions de décisions).

Lorsque ce processus est installé au sein d’une équipe, nous pouvons réellement dire que ses membres assument leurs responsabilités dans un contexte de délégation en assumant leurs actions et leurs résultats, plutôt que de se reposer sur leur leader. 

LES ROLES DELEGUES

Le premier rôle délégué à tous, ou à chacun des membres de l’équipe par excellence est bien entendu celui de participant.  Chaque personne dans la salle, patron compris, est participant parce qu’il peut et doit apporter son point de vue personnel dans chaque débat.  Ce rôle est donc plus opérationnel que fonctionnel, plus centré sur le contenu que sur les processus. 

Il est donc utile de partir du point de vue que chaque personne dans une équipe est payée pour avoir des opinions ou des informations sur tous les sujets traités, qu’il en soit l’expert, le responsable, l’utilisateur ou pas.  Cette responsabilité d’équipe prime sur la responsabilité du domaine d’expertise.

  • Exemple : Dans certains pays anglo-saxons, au grand amusement des Latins que nous sommes, les titres des différentes fonctions de la direction générale d’une entreprise incluent, voire sont précédés d’un « grade » de « Senior Vice-Président ».   Au niveau immédiatement subalterne, au sein des divisions, il est donc possible de trouver des « Vice-Présidents ». 

Nous trouvons donc sous la responsabilité d’un président directeur général, un senior vice-président directeur financier, un senior vice-président directeur des ressources humaines, un senior vice-président directeur des opérations, et ainsi de suite.  Il est important de comprendre le cadre de référence de cette « inflation de titres sur la carte de visite » selon l’interprétation d’un Européen, avant de juger à partir d’un point de vue non informé.  Ces titres révèlent un point de vue particulier dans les priorités et responsabilités. 

Un « Senior Vice-Président Directeur du Marketing » est en effet d’abord vice-président, et seulement ensuite directeur du marketing.  Cela souligne que sa première responsabilité est au niveau de l’entreprise, en tant que « senior vice-président ».  Ce cadre dirigeant doit donc d’abord avoir comme priorité les intérêts de l’organisation tout entière, sans tenir compte des intérêts spécifiques des différents départements, dont le sien.   C’est au sein de ce cadre général, que sa deuxième priorité, en tant que « directeur » cette fois, est bien entendu d’assurer la bonne marche de son département, en l’occurrence, le marketing.

Si nous appliquons ce concept à une équipe lambda, cela implique qu’un participant à une réunion d’équipe est d’abord responsable de défendre les intérêts de l’équipe dans son ensemble.  Dans ce cadre, sa deuxième priorité est bien entendu de représenter et défendre les intérêts de son domaine de d’expertise ou de responsabilité plus personnel.

Cette approche soutient de façon formelle la nécessité pour chacun de s’impliquer totalement dans tous les sujets et de soutenir activement tous les processus de l’équipe à laquelle il appartient en tant que membre.  Cette fonction, sans aucune autre limite que celle du « bon sens », est celle du participant.

Les autres fonctions déléguées de management de réunion développées ci-dessous sont donc plus spécifiques et secondaires, et au service de la participation active de chaque personne dans la salle.  Pour déléguer ces autres « fonctions » de réunion nous proposons des rôles spécifiques chacun centré sur des compétences précises et fonctionnelles de « manager ».

  • Piège : Attention, si les mêmes membres assument les mêmes rôles fonctionnels de façon régulière, un certain nombre de jeux de pouvoir ne manqueront pas d’apparaître autour de leur personne dans le cadre de cette fonction.

Il est donc impératif que ces rôles soient assumés par chacun des membres de l’équipe tour à tour, de façon systématique et sans exception.   Nous conseillons l’établissement d’un tableau de circulation des rôles pour toutes les réunions un an à l’avance. Pour assurer l’efficacité des réunions déléguées à long terme, la notion de « circularité » déjà présentée au sein d’un autre article sur ce site s’applique ici de façon presque obligatoire.

LE FACILITEUR

La fonction du faciliteur est d’assurer le management de l’énergie de l’équipe lors des réunions.  La meilleure métaphore pour cette fonction est celle d’un chef d’orchestre lorsqu’il conduit l’expression collective d’un groupe musical.

Comme pour un orchestre, l’efficacité de ce rôle suppose que chacun des participants ait préalablement bien étudié sa partition.  En réunion, cela suppose donc que chaque participant soit préparé à pleinement participer à tous les sujets à l’ordre du jour.

Concrètement, comme un chef d’orchestre, le faciliteur fait face au groupe pour attirer l’attention, est debout plutôt qu’assis, se sert de gestes pour attirer ou donner de l’attention, et se déplace pour suivre l’énergie ou donner un rythme approprié au travail en cours. 

Des mouvements de « baguette » par des gestes de la main, un regard balayant, des mouvements vers certains, s’éloignant d’autres, se lever au bon moment, et s’asseoir pour laisser plus de « mou », et l’utilisation judicieuse d’un tableau conférencier pour écrire quelques mots clés sont quelques techniques qui permettent de bien rythmer l’énergie collective centrée sur le travail en cours.

Ce faciliteur ou chef d’orchestre est concerné par la concentration sur le sujet prévu, la partition préparée.  Il s’assure que les interfaces entre les participants soient fluides, que les interruptions restent limitées, que chacun trouve et garde sa « juste place », à la fois en participant et respectueux de la participation des autres.

Bien sûr, le faciliteur doit aussi assumer son propre rôle de participant, en réagissant et proposant ses idées personnelles sans toutefois trop s’impliquer dans le contenu au point d’en faire plus que les autres.  Le chef d’orchestre, ne l’oublions pas, est d’abord au service de l’orchestre et de l’expression nuancée d’une musique collective.

Savoir quand diriger, et quand lâcher du lest, quand être central et quand laisser aux autres une part plus active, quand être ferme et quand laisser faire de façon souple, aidera l’équipe à garder le cap de façon fluide, productive et créative.  Cette compétence, ne l’oublions pas, s’apprend, en situation.

Bien entendu les autres participants et les autres fonctions peuvent aider et doivent soutenir le faciliteur dans son rôle.  Si le faciliteur et les participants reçoivent des indications du « cadenceur » ou du « pousse-décisions » (voir ci-dessous) quant à la gestion du temps ou du contenu, il leur sera utile d’en tenir compte afin d’accompagner l’équipe et sa réunion dans une plus grande efficacité.

Si chacun des participants propose des axes de travail, nourrit le débat de façon spontanée, et se manage lui-même, le rôle du faciliteur en sera grandement allégé.  Il ne leur faut pas oublier que la réunion leur appartient, et que le faciliteur est à leur service.  Ce dernier ne pourra jamais conduire une bonne réunion sans leur participation active et positive.

Un article sur la micro micro compétence de création de circularité systémique

LE POUSSE-DECISIONS

Constamment et activement, tout au long de la réunion, cette fonction provoque puis enregistre les décisions dont le contenu est précisé par l’équipe, et soumis à une validation implicite de la part du leader.  Provoquer des décisions consiste à régulièrement et stratégiquement pousser le groupe à formuler des décisions.

Exemples : Typiquement, les interventions du pousse-décisions sont :

  • « Arrivons-nous à une décision ? », ou
  • « Pourriez-vous reformuler ce qui vient d’être dit en décision, », ou
  • « Si on laissait untel formuler sa proposition de décision ? »
  • « N’est-il pas le moment de prendre une décision ? », ou encore
  • « Nous changeons de sujet sans avoir pris de décision !

Le pousse-décisions s’assure ainsi que l’ensemble de l’équipe reste centrée sur sa fonction première : celle de prendre des décisions.  Il convient que ces dernières soient clairement formulées et mesurables, que les délais soient définis, et que le pilote ou le responsable du suivi de chaque décision soit explicitement nommé.

Remarquez que le pousse-décisions n’est pas responsable de la formulation des décisions.  Il s’assure avec ténacité que l’équipe reste centrée sur cette fonction primordiale, mais fait attention de ne pas se sentir investit de son contenu.

En clair, le pousse-décisions assure et verrouille le fait que l’équipe définisse clairement l’action à entreprendre, les délais de mise en œuvre et les responsabilités de suivi.  Pendant tout le déroulement d’une réunion, cette fonction agit comme une forme de « ponctuation » qui pousse le groupe à prendre une décision après l’autre.  Cette action est constante.  Si le pousse-décisions demande à l’équipe, à la fin d’une séquence de réunion, si une décision a été prise, la réponse évidente est « non ». 

Son rôle est donc de provoquer les prises de décisions aussi vite que possible pendant les discussions, afin de centrer l’équipe sur son objectif de conclusion des débats pour passer aux points suivants.

Enregistrer des décisions [2].  La deuxième fonction du pousse-décision consiste à écrire sur une feuille [3] de 21-29,7 et de façon aussi explicite que possible, les décisions prises par l’équipe.  Il relève donc avec précision les actions mesurables, les responsabilités, et les délais.

Cet enregistrement devrait être inscrit sur un tableau relativement standard (format EXCEL) qui garde la même forme d’une réunion à l’autre.  Nous proposons souvent un format général et simplifié qui comporte autant de colonnes que d’items ci-dessous :

  • Proposé par : initiales de la personne qui a proposé le sujet à l’ordre du jour.
  • Temps prévu : temps demandé par la personne qui propose le sujet.
  • Sujet/décisions : large espace central où sont notés le titre du sujet, et toutes les décisions prises le concernant.
  • Pilote : initiales de la personne qui suivra la mise en œuvre de chaque décision.
  • Délais : date précise à laquelle la décision est appliquée ou le projet terminé.
  • Temps réel : temps pris pour réellement traiter le sujet.
  • A la fin de la réunion, le pousse-décision photocopie (ou envoie en mail) et distribue immédiatement son relevé de décisions à l’ensemble des personnes présentes, et l’envoie à une liste préétablie de destinataires concernés qui inclus souvent le niveau immédiatement subalterne.  Cette distribution est, nous le répétons, en temps réel, immédiate [4].  Lorsque chaque membre de l’équipe réunit son équipe subalterne, la lecture de la  feuille de décision sert à s’assurer que toutes ces équipes reçoivent la même information.  Elle permet ainsi une meilleure information descendante dans l’organisation.

    La liste de diffusion peut aussi inclure des responsables d’équipes parallèles.  Cette diffusion « transversale » peut grandement faciliter la circulation d’informations essentielles dans une organisation, et participer à en réduire les interprétations personnelles, les rumeurs, l’information superflue, ou le « bruit ».

    Dans la colonne “pilote”, le pousse-décisions enregistre le nom de la personne responsable du suivi de la décision. Cette responsabilité est individuelle dans le sens ou le nom d’une seule personne peut être inscrite dans cette colonne même si cette personne suit une action entreprise par plusieurs.

    • Piège : Nous avons en effet remarqué que si plusieurs personnes (ou « tous ») sont responsables du suivi d’une action, cette dilution peut mener à une déresponsabilisation de l’ensemble.  Si vous souhaitez provoquer un flou au niveau des responsabilités, déléguez donc le suivi de la même action à plusieurs personnes.

    Les décisions définissent des actions.  Elles doivent donc être inscrites avec précision et inclure des éléments de mesure.  Ainsi, elles ne peuvent être ni vagues ni philosophiques. 

    Nous avons remarqué que les meilleures décisions sont inscrites presque avec un souci de précision de « greffier », avec force détails, des critères mesurables et observables, des phrases complètes.  Cette rigueur permet une bien meilleure information, surtout auprès des absents, subalternes ou hiérarchiques, et un réel suivi dans l’application.

    Les délais sont inscrits avec des dates précises, et gagnent à être aussi court-terme que possible afin d’instaurer un esprit d’urgence. 

    Nous avons remarqué que plus les délais sont longs, plus les personnes et équipes perdent leur motivation à appliquer et suivre les décisions.  Les objectifs sont oubliés, les buts jamais atteints.  Plutôt que de décider d’arrêter de fumer au prochain nouvel an,  tout de suite, c’est mieux.

    Le rôle de pousse décisions, ou plutôt sa fonction qui devrait être soutenue par l’ensemble de l’équipe, permet à celle-ci de rester concentré sur des objectifs de performance.  C’est surtout par un processus de décision clair et bien suivi qu’une organisation garde son cap.  Ce rôle est donc primordial.

    Cette fonction permet à une équipe de formaliser les engagements pris en réunion.  Le relevé de décisions fait office de relevé « contractuel » qui peut être suivi par chacun des membres comme par l’ensemble de l’équipe. 

    • Exemple : De temps à autre, tous les six mois par exemple, une séquence de réunion peut faire l’inventaire des résultats, des décisions appliquées, des pilotes performants, des délais tenus, des sujets traités, etc.

    Les feuilles de décisions mises bout à bout peuvent devenir un véritable tableau de bord de l’activité d’une équipe comme de sa performance.  Elles peuvent devenir l’outil principal du suivi de l’activité professionnel de l’ensemble.  

    Pour consulter un artible plus sur cette micro-compétence essentielle

    LE CADENCEUR

    
Cette fonction consiste à aider l’équipe à garder sa cadence dans chacune des séquences de temps de travail qu’elle s’alloue.  Si par exemple, une séquence de travail est prévue pour durer trente minutes, le cadenceur peut intervenir pour signaler le passage de chaque tranche de cinq minutes. 



    • Exemple : Typiquement cela consiste à annoncer de façon régulière, clairement et au groupe le temps passé et le temps qui reste dans le contrat de travail collectif.  « Nous avons utilisé dix minutes sur les trente, il en reste vingt », puis plus tard « Nous avons utilisé quinze minutes, nous sommes à la mi-temps », etc.

    


Si d’aventure, l’équipe dépasse le temps alloué, ce rôle consiste à annoncer clairement et de la même façon, « nous avons dépassé le temps alloué de cinq minutes ».  




    Le rythme d’annonces doit être égal pour toute la séquence, et en aucun cas ne devrait être trop long.  Il est préférable de ne jamais avoir un rythme d’annonces plus long que toutes les dix minutes.




    Cette fonction permet à toute l’équipe de rester totalement centrée sur le sujet pendant toute la séquence de travail et ainsi éviter les pertes de temps au début ou au milieu, et qui provoquent une pression de production, une débâcle ou encore un dépassement sur la fin.



    • Piège : Il est important de se souvenir que le cadenceur n’est pas responsable de la tenue des délais de l’équipe.  Il ne définit pas plus le temps qu’il ne peut en accorder ou obliger l’équipe à arrêter son travail si le temps accordé n’est pas respecté.  Cette dernière responsabilité incombe à l’ensemble des participants de la réunion, ou au décisionnaire, le cas échéant.  




    Le temps de réunion appartient à l’équipe.  C’est donc à elle de bien le gérer.  Le cadenceur n’est en fait qu’une « horloge parlante » qui rappelle régulièrement la responsabilité de gestion du temps aux participants, sans jamais être plus responsable qu’un autre de la bonne tenue des délais. 

    Pour lire un autre article sur la micro compétence systémique du cadenceur

    LE COACH CONSEIL

    Cette fonction de « coach de réunion » est assumée par un des membres de l’équipe.  Elle apparaît à la fin de la réunion.  Une période de quinze minutes (pas moins sur une réunion de deux heures) lui est réservé pour lui permettre de donner à chacun des membres de l’équipe des pistes d’amélioration et de développement, issu du comportement perçu lors de la réunion.




    • Piège : Attention, il ne s’agit surtout pas de donner des « perceptions » positives ou négatives ou des « feed-back » sur le comportement de chacun au cours de la réunion.  Il s’agit très concrètement de commencer ses phrases par : « A mon avis, une piste d’amélioration possible pour ta participation à la réunion suivante serait de… »




    Cette prestation centrée sur des options futures nécessite souvent un apprentissage et met en œuvre des compétences de coaching souvent peu connues ni pratiquées par de nombreux managers.  Nous listons ci-dessous quelques suggestions pour bien assumer ce rôle.
    
Exemples :

    • Parlez à chaque participant en le regardant, n’utilisez pas la troisième personne comme s’il était absent.  Le coaching implique une relation entre deux personnes, pas un évitement. 
    • Evitez les formules générales.  Personne ne se sent concerné par des commentaires sur « l’énergie du groupe» qui est basse, ni sur la « fatigue » ou le « manque de rigueur » général.  



    Les remarques générales sont injustes dans la mesure où elles ne s’appliquent pas à tous les participants de façon équivalente.  « Nous avons des problèmes d’écoute » ne concerne souvent qu’une petite minorité qui peut être coachée de façon plus directe.  Un certain nombre de participants entend très bien et ne sentira pas concerné.


    • Evitez les formulations qui « jugent » et autres commentaires catégoriques.  « Vous avez eu trop de discussions en aparté.  C’est à éviter. » montre un peu trop du doigt pour être recevable et peu souvent créer de la résistance.
    • Formulez vos observations en parlant pour vous :  « Quand vous avez eu votre aparté, je me suis senti exclu, et je me suis déconcentré.  J ‘ai aussi eu l’impression que ça avait le même effet sur les autres. »
    • Soyez personnel dans votre formulation.  Sur le point ci-dessus vous pourriez ajouter « Votre relation à deux semble bonne, mais j’ai l’impression qu’elle est trop exclusive.  Par la suite, j’aimerais qu’elle inclue les autres, dont moi. »
    • Proposez surtout des solutions pour la suite : « Je ne dis pas qu’il faudrait arrêter vos discussions a deux, mais plutôt les ouvrir au reste de l’équipe.  Je propose donc que vous nous intégrez dans vos réunions à deux.  J’aimerais avoir le bénéfice de vos remarques.  Ce serait une option d’amélioration pour nos prochaines réunions»
    • Vous pouvez aussi extrapoler en proposant un parallèle entre le comportement en réunion et une observation plus large concernant l’équipe ou le contexte  plus large de l’entreprise: « Ce qui me frappe c’est que votre relation privilégiée en réunion reflète la relation privilégiée de vos deux départements, qui travaillent bien en collaboration.  Vous êtes perçus  comme proches, mais un peu au dépend de la communication avec les autres départements.  Une ouverture de vos deux départements au reste de l’organisation serait bénéfique pour toute l’entreprise.  On y gagnerait tous »


    Cette compétence de co-coaching n’est pas assez développées dans beaucoup d’organisations.  A travers ce rôle, le but ultérieur est d’apprendre aux managers à le pratiquer de façon naturelle et quotidienne, les uns auprès des autres et surtout avec les personnes qu’ils encadrent.  Le premier résultat est d’améliorer la performance des réunions.  Le deuxième est d’améliorer la performance de l’organisation tout entière.

    • Piège : Certaines équipes insistent pour que le coach d’équipe assume la responsabilité du « co-coach de réunion », et donne à chacun ses perceptions et options d’amélioration à la fin d’une réunion.


    Bien entendu cette option qui consiste à protéger l’équipe de son propre apprentissage délégué est à éviter.  Il sera plus utile au coach d’équipe de coacher les coachs de réunion, afin de développer au sein du système client la responsabilité et les compétences que développent ce rôle.

    Par ailleurs, si le coach d’équipe donne à chaque membre un axe de progrès individuel, il peut être conduit à porter son attention sur un plan de développement individuel et perdre de vue les axes de progrès qui s’offrent au système dans son ensemble.

    Consultez un autre article sur la micro compétence de Feed Forward, du coach-conseil

    LES AUTRES ROLES

    D’autres rôles fonctionnels de réunion peuvent être ajoutés selon les besoins spécifiques d’une équipe, tels que l’hôte, le technicien, l’écrivain, etc.

    L’hôte est un rôle mis en œuvre dans certaines équipes dont les membres sont dispersés géographiquement, et qui décident de tenir leurs réunions à chaque fois dans des lieux différents.  

    • Exemple : Au sein d’une organisation à dimension européenne, les réunions trimestrielles du comité de direction ont lieu à chaque fois dans un pays différent sous la responsabilité du responsable du pays, un hôte, chacun à son tour. 

    L’organisation logistique de deux jours de réunion occupe bien chaque hôte.  Un des objectifs est de se servir de l’image et des compétences de l’équipe internationale comme des ressources au niveau local.  Les résultats locaux sont étudiés et les équipes sont écoutées et conseillées pour accompagner leur développement.

    Quelques rencontres avec des officiels, journalistes, clients et fournisseurs permettent aussi d’accompagner le développement de l’image du système local.  Les « rotations » (issues du principe de « circularité » présenté dans un chapitre précédent) du comité de direction dans chacun des pays permettent d’assurer une cohérence d’ensemble entre les différentes entités locales.

    • Exemple :  Une entreprise nationale de restauration met en œuvre le même type de processus de rotation de réunion lors des rencontres qui réunissent les directeurs régionaux.  Les réunions ont lieu dans chacun des restaurants tour à tour.  Les régionaux modélisent ainsi dans chaque unité les attitudes et comportements professionnels qu’ils souhaitent promouvoir dans l’entreprise.  Chaque réunion est organisée par un hôte différent.

    Le technicien est un rôle utile dans le cas d’utilisation d’équipements particulièrement complexes.  Trop de réunions sont désorganisées par une difficulté à manager des outils sensés pourtant être à leur service. 

    L’écrivain peut être un rôle de soutien temporaire, lorsque le faciliteur manifeste des difficultés dans l’utilisation des tableaux.  Le danger réside dans la présence de deux personnes devant le groupe, qui pourraient être en compétition pour l’attention des participants ou le contrôle de la réunion.

    L’INTRODUCTION DES ROLES

    Pour accomplir un coaching d’équipe efficace, le coach doit être libre de toute implication dans la gestion des processus de réunion. L’équipe doit manager son propre temps, ses objectifs et ses résultats, ses décisions et leur suivi, ses ressources et son co-coaching interpersonnel. Lorsqu’une équipe manage tous ces processus elle-même, elle peut être coachée sur le « comment faire encore mieux et sur le long terme ».

    Après avoir observé comment se comporte l’équipe lors d’une ou deux réunions, et pour introduire chaque rôle, le coach peut donc modéliser un comportement spécifique qui permet une meilleure efficacité, puis transférer ce comportement à l’équipe.

    • Exemple : Au cours d’une supervision de réunion, en s’inscrivant dans le groupe, le coach accompagne l’équipe dans son management du temps en annonçant régulièrement le temps écoulé et le temps qu’il reste au cours de chaque séquence de la réunion

    L’information régulière permet aux membres de l’équipe d’être conscient du temps qui passe et de rester centrés sur les buts. A la fin de la réunion, le coach leur demande de lui faire part de leur ressenti vis à vis de ce type d’accompagnement.  Puis il leur demande ce qu’ils comptent faire lors des prochaines réunions pour assumer eux-mêmes la responsabilité de cette compétence.

    Cette simple stratégie d’introduction peut être mise en oeuvre par le coach pour petit à petit introduire tous les autres rôles au sein de l’équipe. Une fois que chaque rôle est expérimenté et managé par les membres de l’équipe, le coach peut apporter des précisions sur la manière de les appréhender et les améliorations possibles.

    Dans un premier temps, il est utile d’observer comment chacun des rôles est attribué par l’équipe, à qui il est attribué et pourquoi. Cela peut donner une indication sur la manière dont l’équipe attribue des responsabilités à certains membres, sur comment l’ensemble évite des responsabilités collectives, sur comment quelques personnes sont désignées pour porter le poids des manques et des faiblesses de l’ensemble.

    Ainsi, le processus d’introduction des rôles donne d’excellentes indications sur d’autres processus « de délégation » au sein du système, et peut fournir un excellent sujet de travail au coach et à son équipe cliente.

    LE PRINCIPE DE CIRCULARITE EN REUNION

    L’expérience semble indiquer qu’il est utile de s’assurer formellement de la rotation des responsabilités fonctionnelles décrites ci-dessus entre tous les membres de l’équipe, sans exception.  A défaut, les mêmes volontaires vont se voir attribuer les mêmes rôles plus souvent qu’à leur tour, se sentiront plus responsables de la bonne marche du processus que les autres et sans doute plus propriétaires des résultats de l’équipe.  Ce déséquilibre peut bien sûr avoir des effets improductifs à moyen terme.

    • Piège : Si le même rôle est assigné à la même personne de façon régulière, nous avons pu observer que l’équipe ne pourra pas saisir toutes les facettes du rôle.  Si une même personne est désignée pour manager le temps pour toutes les réunions, l’équipe peut ne plus tenir compte de cette personne et de son rôle et la prendre comme bouc-émissaire de la mauvaise gestion du temps.

    Lorsque une personne désignée par l’équipe n’est pas soutenue par celle-ci dans ses fonctions, l’équipe aura des difficultés à « gérer » la dimension fonctionnelle portée par ce rôle.

    La bonne rotation des rôles facilite le développement de l’information, de la délégation, du partenariat, de la coresponsabilité et du partage du pouvoir d’influence au sein de l’équipe.  Elle développe la qualité « transversale » de la responsabilité au sein d’une équipe.  De plus, au fur et à mesure que chaque membre de l’équipe développe sa propre compétence dans la mise en œuvre de chacun des rôles, il apprend les principales compétences fonctionnelles d’un leader, véhiculées par chacun de ces rôles.

    Cet aspect de formation au management, sur le tas et entre pairs, est une des raisons principales pour s’assurer que ces rôles circulent.  Il est donc d’une importance primordiale que tous les participants apprennent à être des experts dans tous les rôles.

    Pour s’assurer de la circularité des rôles, nous proposons quelquefois un tableau de planification et de suivi à long terme (sur un an et renouvelé tous les six mois) tel le suivant, qui s’applique à un rythme de réunions mensuelles, où il suffit d’ajouter les noms.

    Nous avons constaté que lorsqu’il est bien mis en oeuvre, l’ensemble du processus de réunions délégué à un effet presque immédiat sur les résultats d’une réunion.  L’équipe prend plus rapidement de meilleures décisions et elles sont mieux suivies dans leur application.  De nombreuses équipes ont su en tirer un bénéfice rapide et mesurable.

    L’ENTREPRISE APPRENANTE

    Le développement de l’efficacité des réunions n’est toutefois pas l’effet le plus important de cet outil.  Chaque rôle et leur rotation développent de façon précise un cadre de référence « d’entreprise apprenante » et des compétences de leader souvent trop peu pratiquées dans les organisations.  Au fur et à mesure de la circulation des rôles, les participants apprennent « naturellement » en expérimentant, en modélisant et en se coachant les uns les autres.  Cet apprentissage leur est très utile dans toutes les situations où ils ont à jouer un rôle de leader, comme de membre d’équipe.

    La pratique du rôle de pousse-décision en réunion apprend à chacun à bien cadrer et suivre les décisions dans toutes ses autres activités, dont dans sa façon de manager ses équipes.

    Le rôle de cadenceur apprend un meilleur management du temps dans le moyen et le long terme.  La pratique de cet outil et sa modélisation régulière apprend à chaque membre de l’équipe à bien rythmer son propre travail ainsi que celui de son équipe.  Cette compétence peut avoir un effet important quand il est pratiqué dans un environnement beaucoup plus large.

    La pratique et l’observation du rôle de faciliteur apprend à chacun quelques-uns des fondamentaux sur le management de l’énergie d’une équipe et la participation individuelle et collective au sein de n’importe quel projet.  Cette compétence peut bien évidemment être utile à chacun par ailleurs.

    De cette façon indirecte et pratique, le processus de réunions déléguées est en fait un processus de formation et développement du management, « inséré »  au sein des réunions.  Au fur et à mesure que les membres d’une équipe participent à des réunions, non seulement ils s’assurent qu’elles sont menées de façon efficace, mais ils se forment et se développent dans leur fonction de managers et  de leaders.

    A supposer que ce processus soit mis en oeuvre dans une grande majorité des réunions au sein d’une même entreprise, c’est la culture active du management de l’entreprise tout entière qui peu à peu, se trouve modifiée.

    LES REUNIONS DELEGUEES ET LE COACHING D’EQUIPE

    Le processus de "réunion déléguée" peut être introduit au sein d’une équipe

    • Soit d’une façon rapide en formation-action lors d’un atelier dédié à l’introduction de la méthode,
    • Soit progressivement, au fur et à mesure qu’un coach accompagne une équipe en supervision de réunion.


    Suite à l’introduction progressive de chacun des rôles, le coach d’équipe peut à la fois coacher chacun des acteurs sur leur prestation dans ces rôles et dans l’équivalent en management, et coacher l’ensemble de l’équipe sur sa culture et ses interfaces liés aux fonctions.  Cette pratique véritablement systémique permet au coach d’équipe d’accompagner ses « clients collectifs » vers une meilleure performance mesurable dans des délais relativement courts.

    

[1] Avis aux historiens : Une version plus ancienne du concept de réunion déléguée figure dans le livre Décider en Equipes, du même auteur paru aux Editions d’organisations à Paris en 1993, puis une autre plus récente, à l’origine de ce texte, dans le livre Coaching d’Equipes paru chez le même éditeur en 2003



    [2] Cette fonction est quelquefois assumée par une autre personne ou un autre rôle, celui de greffier.

    

[3] Mais jamais sur un tableau conférencier, quelquefois projeté sur écran à l’aide d’un vidéo projecteur, ce qui permet aux participants de participer et suivre la formulation des décisions en temps réel.



    [4] Il est possible de faire cette distribution, toujours immédiate, par e-mail. ¤Les réunions ont lieu dans chacun des restaurants tour à tour.  Les régionaux modélisent ainsi dans chaque unité les attitudes et comportements professionnels qu’ils souhaitent promouvoir dans l’entreprise.  Chaque réunion est organisée par un hôte différent.

    ET un grand merci à Julie Girard qui m'a proposée de nombreuses corrections de texte.