Les paradoxes du coaching executif
Les paradoxes du coaching systémique de dirigeant et d'équipe, du management et des organisations.

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Introduction

Attention, même si cet article partage quelques perspectives de coaching systémique, il dépasse le seul contexte de la profession.  Il concerne ce qui est souvent appelé le pilotage du changement dans le sens large du terme, en appliquant au domaine un regard impertinent, une approche systémique, une prise de position politique, des perspectives innovantes.  Son objectif est de faire bouger les lignes d'un contexte général et passablement dépassé d'idées reçues, de discours lénifiants, de stratégies ritualisées. 

Par conséquent, les propos de cet article peuvent souvent paraître excessifs.  Ils reposent sur des généralisation quelquefois abusives concernant des interactions régulièrement mises en oeuvre au sein de nombreux systèmes politiques, sociaux, culturels, familiaux, et bien sûr au sein des entreprises et organisations.  Bien entendu, il ne s'agit surtout pas ici d'accuser ou de stigmatiser telle ou telle classe sociale, tels ou tels dirigeants, tel ou tel gouvernement.  Il s'agit plutôt de nous confronter tous à quelques habitudes de pensée, quelques autoroutes conceptuelles, quelques stratégies inlassablement répétées alors qu'elles ont largement fait la preuve de leur inefficacité, voire de leur inutilité.  Alors, sans plus de précautions oratoires, nous vous souhaitons une lecture provocante.

Ne lisez surtout pas cette phrase.

Tels la phrase ci-dessus, les paradoxes sont des doubles contraintes fondamentalement illogiques.   Il faut en effet d’abord lire l’énoncé ci-dessus pour se rendre compte qu'il ne faut pas le lire.   De nombreuses déclarations paradoxales ont une structure linguistique similaire, en contradiction flagrante avec le contenu qu'elles proposent.   «Soyez spontané», par exemple, est un impératif linguistique qui, paradoxalement, ordonne à un sujet d'ignorer les ordres.   En effet, comment peut-on vraiment être spontané lorsque l'on se soumet à un ordre de le devenir?   Que peut-on faire pour sembler être spontané à celui qui prononce l'impératif?   Cet exemple courant illustre le fait qu’il est impossible de se présenter de manière cohérente ou congruente à des demandes ou prescriptions paradoxales.   

Quand nous tentons d'obéir à un tel impératif ou de répondre de façon positive à d'autres demandes paradoxales, nous nous retrouvons souvent coincés dans une forme de contradiction fondamentale, voire existentielle.   Nous avons le sentiment d’avoir tord si nous obéissons comme nous pouvons avoir tord de ne pas le faire.   Par conséquent, lorsque nous sommes pris dans une situation paradoxale, nous pouvons ressentir l’emprise d’une forme de confusion, qui peut conduire à un résultat paralysant. Pour donner quelques exemples courants, prenons en considération les énoncés suivants:

  • «J'aimerais vraiment vous m'achetiez des fleurs sans que je le demande".
  • "Il ne faut jamais dire jamais."
  • «Il est interdit d’interdire.
  • "Soyez motivés"
  • "Vous devez limiter toutes vos tentatives de contrôle"
  • "Je serais tellement content si vous faites exactement ce qu’il vous plaît".
  • "Soyez responsable."
  • «J'apprends à être moi-même».
  • Etc.         

A un moment ou un autre, nous avons tous fait face à des variantes de ces paradoxes logiques ou relationnels, et sans le savoir, nous sommes tous tombés dans le piège de les énoncer à l’attention d’autrui.   

Plus complexes que des impératifs ou des demandes simples, plus contraignantes que les contradictions claires, les situations paradoxales peuvent provoquer la surprise, des malentendus, de la confusion ou même du désespoir.   Similaire au thème développé dans le best-seller américain «Catch 22», les paradoxes sont malheureusement très courants dans la vie quotidienne, dans des contextes personnels et professionnels.  

Il faut savoir que les paradoxes existent depuis des siècles. En remontant à la mythologie grecque, par exemple, Hermes est le patron de la communication et des voyageurs.   Paradoxalement, il est assez ambigu, en étant aussi le dieu du vol et du mensonge.   Cela fait de lui le patron des voleurs qui volent voyageurs, et le patron des orateurs et des bonimenteurs qui ne disent pas toujours la vérité.  

Guide des âmes des morts, Hermès est aussi le seul dieu capable de visiter à la fois le paradis et l'enfer en toute sécurité.   Au cours du Moyen Age, Il est le dieu de la transformation, protecteur des alchimistes et le dieu de la santé, patron de la médecine.   Hermès est devenu Mercure pour les Romains, désigné comme le dieu messager.   Sans surprise, les paradoxes aussi sont attribués à Hermès, qui a également inspiré l'oracle de Delphes, connu pour ses réponses énigmatiques.   Sans doute, tout cela illustre le lien intime entre communication et paradoxe.

Par conséquent, nous pouvons soutenir que toute communication est paradoxale par nature.  La communication peut certes créer des liens et permettre la relation, mais à chaque fois qu’une communication informe, il faut savoir qu’elle dissimule autant qu'elle ne partage, si ce n'est que par simple omission.  En effet, communiquer sur n'importe quel sujet est un choix qui donne beaucoup plus d'importance à certaines informations, au dépend de tout ce qui n’est pas partagé.  Ce que nous choisissons de communiquer et ce sur quoi nous choisissons de garder le silence est, au mieux, totalement arbitraire.   Par conséquent, et la publicité est là pour le confirmer, toute communication peut être mensonge, à la fois par exagération et par omission.   En ce sens, toute communication est essentiellement hermétique.

Nous pouvons simplement en conclure que toute communication est de nature paradoxale, et que les paradoxes sont inhérents à toute situation qui implique la communication.  Cela conduit vers le point focal de cet article, centré sur la présence de paradoxes dans le management, la direction d'entreprises, dans la politique, et bien entendu dans le coaching.   Lors de la pratique de coaching de vie personnelle, de coaching professionnel, de coaching d’équipe et d'organisations dans une perspective systémique, les professionnels du métier seront rapidement conscients:

  • Qu’ils sont régulièrement confrontés à des clients totalement pris par une forme de paralysie, due à un éventail de paradoxes personnels, professionnels ou contextuels,
  • Que sans le vouloir, ils participent régulièrement à la promotion de nombreux paradoxes inhérents à la profession de coach.  
  • Que régulièrement, ils peuvent également utiliser un certain nombre de stratégies et d’outils paradoxaux afin de mieux accompagner leurs clients, ou les aider à faire face à leurs enjeux, à résoudre leurs problèmes ou à accomplir leurs ambitions.

Par conséquent, savoir percevoir les paradoxes, savoir traiter avec les paradoxes et savoir utiliser des approches paradoxales sont autant de compétences inhérentes à toute approche systémique.  Cela inclut le coaching systémique.

  • Attention: Les coachs systémiques ne tentent pas nécessairement d'éviter ou d'éliminer l'existence des paradoxes au sein de leur vie ou au sein de leurs relations avec leurs clients.  
Le coaching systémique accueille les paradoxes, assume la complexité et la confusion que ces paradoxes révèlent, et accueille toutes les formes de chaos passagers qu’ils provoquent.   Tous ces éléments sont utiles et nécessaires à la vie et surtout au processus de transformation que le coaching systémique s’efforce d’accompagner.  

Par conséquent, apprendre à reconnaître et savoir vivre avec et utiliser toutes les situations paradoxales qui peuvent se présenter est une compétence utile et nécessaire au coach systémique.  Elle est essentielle lorsqu'il s'agit d’accompagner les clients individuels et collectifs dans leurs enjeux, dans leurs changements de perspectives, dans leur parcours de transformation et dans leur recherche et mise en œuvre de solutions fondamentalement originales.

Le texte ci-dessous se propose d'explorer quatre dimensions dans lesquelles les paradoxes sont souvent très présents dans le coaching.  

  • Tout d'abord, il est nécessaire d'admettre et d’assumer les nombreux paradoxes implicites sur lesquels repose la profession de coach.  

Le coaching est en effet un art totalement paradoxal.   Par toutes ses contradictions implicites,  il est même souvent perçu comme déroutant.  Par conséquent, une réflexion sur les nombreux paradoxes inhérents à la profession de coach servira de première section à cet article. Bien entendu, certains de ces paradoxes concernent aussi très largement la relation de ce métier au forces actives dans son environnent social, politique et économique.

  • La deuxième partie de ce texte concerne les paradoxes implicites au sein de notre environnement politique, social et culturel.  En effet, l'approche système nous invite à observer le contexte plus large dans lequel le monde du travail s'inscrit.  Celui-ci reflète les paradoxes qui comme des fractales se retrouvent dans le management et le coaching.
Il serait injuste d'affirmer que les paradoxes abordés dans ce texte sont de la responsabilité de tel ou tel niveau de réalité.  Ils font partie d'un contexte général au sein duquel la personne, les gouvernements, les entreprises et les équipes agissent, communiquent et évoluent.  A tous ces niveaux chacun des acteurs a une responsabilité de comprendre les enjeux que nous vivons aujourd'hui, et à agir dans son environnement local afin d'avoir un maximum d'efficacité de transformation.
  • La troisième partie de ce texte engage une réflexion sur les dimensions paradoxales des principaux thèmes récurrents de leadership, de management des hommes et de direction des entreprises et bien entendu, d'autres instances gouvernantes.  

Au-delà de coaching de dirigeants, cependant, les thèmes paradoxaux abordés dans cette section soulèvent des questions fondamentales ou existentielles qui dépassent le monde professionnel et concernent aussi les interfaces avec nos environnements sociaux et politiques en général.   Cette section comprendra des thèmes paradoxaux inhérents à la gestion du temps, à la motivation, à l'émancipation personnelle (empowerment), à la prise de décision, etc.    Ces thèmes existentiels sont donc souvent abordés voire traités au cours de coaching de vie, et tout autre accompagnement de personnes, d’équipes, d'institutions et d’organisations.

  • Plus loin, les dernières parties de ce texte présenteront un certain nombre d'outils et de stratégies paradoxales. En épousant la situation posée par les paradoxes, ces outils seront utilisés quotidiennement par les coachs systémiques. 
Ces outils et ces stratégies sont conçus pour construire des bases comportementales solides qui permettront au professionnel du coaching systémique un travail bien plus puissant, en accord plus profond avec la complexité de la condition humaine.  Par conséquent, la dernière partie de cet article propose des solutions pratiques à ceux qui ont une forte affinité avec le coaching systémique, ceux qui veulent puiser dans l'efficacité puissante de stratégies qui vont au-delà des limites apparemment contradictoires proposées par tous les paradoxes de la vie quotidienne.

I- LES PARADOXES SYSTEMIQUES INHERENTS AU METIER DE COACH

Les coachs professionnels du coaching déclarent à qui veut l'entendre qu'ils n’ont pas d’intentions spécifiques concernant le contenu des objectifs de leurs clients.   Cette attitude fondamentalement réceptive et non-directive quant aux résultats recherchés est en effet la base de tout coaching professionnel ou personnel.  Elle permet de pleinement respecter l'autonomie et la responsabilité des clients.   Cette posture essentielle dans la pratique du coaching garantit un véritable respect du client individuel ou collectif.  Elle est garante de l'originalité du client, de son autonomie, de son identité ou de sa culture, de ses buts et ambitions.   Pour sûr, les affirmations concernant cette posture essentielle à la pratique du coaching s'affirment souvent comme une des définitions centrales et des plus originales de la profession de coach.

Supposons, cependant, que nous prenions cette affirmation jusqu’à sa limite paradoxale.   Que faire si l'objectif d'un client donné n'était pas de développer son autonomie ni d'assumer ses responsabilités personnelles et professionnelles?   Comment un coach peut-il accompagner, par exemple, un client qui voudrait développer une acceptation profonde de sa capacité à devenir ou à rester totalement dépendant ou soumis à sa famille, à son organisation ou à son environnement social?   Que peut un coach si son client souhaite concevoir des stratégies et des plans d'actions lui permettant de développer des relations personnelles et professionnelles qui reposeraient sur sa subordination passive et totalement respectueuse de l'autorité ?  

Certes, cette hypothèse peut sembler extrêmement improbable au sein du monde occidental, mais la question peut aider à souligner quelques-uns des paradoxes fondamentaux du coaching.  Ces paradoxes reposent sur ​​les valeurs sous-jacentes du métier de coach.

Le paradoxe WASP du coaching

Il est important que tous les coachs soient profondément conscients du fait que l’origine de leur profession repose sur un cadre de référence essentiellement occidental.  Il faut savoir que le paradigme actuellement dominant dans les pays de l’Ouest propose que le développement de indépendance de la personne, que la liberté individuelle, que l’autonomie des individus et que la responsabilité personnelle soient des aspirations prioritaires évidentes.  Cela peut aller jusqu'au droit pour chacun de porter son arme personnelle, voire de s'en servir.   Ce paradigme culturel peut même laisser croire que ces aspirations sont intemporelles et interculturelles, voire universelles.  Elles s'appliquent à l'humanité entière.

Ces valeurs occidentales, d'autonomie personnelle s'appliquent au coaching, lui-même issu de ce contexte.  Par conséquent, des objectifs centrés sur le développement de l’autonomie de la personne sont souvent au centre des préoccupations des coachs comme de leurs clients.  Cette valeur s'impose en coaching personnel comme en accompagnement professionnel et organisationnel.   A contrario, si à un moment ou un autre au cours d’un accompagnement de coaching, certains clients individuels ou collectifs refusent d’assumer leur responsabilité, ces personnes ou ces systèmes seront souvent considérés comme inaptes à entamer ou continuer une démarche de coaching. 

Que les valeurs fondamentales du coaching favorisent à ce point la responsabilité et l'autonomie personnelle peut cependant être considéré comme un biais culturel majeur, implicite à l’origine fondamentalement occidentale voire anglo-saxonne de la profession.   En effet, les coachs doivent s’avouer que des valeurs profondément WASP (blanche, anglo-saxonne et protestantes, selon l’expression américaine) sont au centre même du contexte et des définitions de la profession de coach.  En soi, cela n'est pas vraiment nouveau.   Mais il faut constater que l'existence même d’un ensemble de valeurs WASP comme socle fondateur au sein de la pratique du coaching n’est pas neutre. Ces valeurs sont en flagrante contradiction avec l‘affirmation que le coaching n'a pas la moindre intention sur les objectifs ou les ambitions des clients.

  • Attention:  La vérité paradoxale, c'est que beaucoup de coachs ne tentent pas de plier ou d'influencer les objectifs de leurs clients à une seule condition : ces clients doivent d’abord accepter de s'adapter aux objectifs implicites du coaching, qui restent ancrées dans le développement de l'autonomie personnelle et la responsabilité individuelle du client. 

Au sein des valeurs occidentales du coaching, les demandes de clients individuels ou collectifs doivent respecter quelques pré requis incontournables. Un client ne peut vouloir minimiser sa responsabilité personnelle, la subordonner à des statistiques, chercher à attribuer ses réussites ou échecs à la chance, compter sur le hasard, se soumettre à l’influence des étoiles ou à la présence bienveillante de divinités.  Un client ne peut oublier ses objectifs personnels au profit de ceux d’un environnement politique collectiviste, ou vouloir attribuer ses résultats à la responsabilité de sa famille, de sa tribu ou de sa caste.  Ce type de cadre de référence est généralement considéré comme profondément inapproprié s'il s'agit de s'inscrire dans un vrai travail de coaching professionnel.

Par conséquent et paradoxalement, pour être correctement accompagné en coaching, une profession fondamentalement non directive et qui ne prône rien du tout, un client doit tout d'abord très librement épouser une perspective WASP, afficher un cadre de référence occidental et démontrer une nette préférence pour le développement de sa responsabilité individuelle, comme de son autonomie personnelle. 

Prenant en considération ce paradoxe, le coaching peut être perçu comme un outil subtil de propagande anglo-saxonne servant à diffuser des valeurs occidentales dans le monde entier.  Dans la profession, il s’agit surtout de privilégier des comportements individualistes centrés sur l’obtention de résultats personnels.  Cela doit se faire au détriment d'autres paradigmes peut-être plus anciens, plus spirituels, moins volontaristes, centrés sur une autre forme de sagesse, à caractère plus collectif, et permettant des résultats plus altruistes et plus durables.

Dans le contexte culturel du coaching WASP, il n'est pas surprenant de constater que partout dans le monde, la grande majorité des contrats de coaching et des relations entre coachs et clients ont lieu en tête-à-tête plutôt qu'avec des systèmes collectifs.   Ces contrats s'adressent à des entrepreneurs individuels, à des dirigeants et à des managers plutôt qu’à des ensembles collectifs.   Cela peut expliquer les difficultés très souvent soulevées lors de l’établissement de contrats triangulaires où les intérêts collectifs entrent en collision frontale avec des objectifs, des ambitions et des défis personnels.   En comparaison, une très petite minorité de contrats de coaching sont centrés sur l’accompagnement de systèmes collectifs tels des équipes, des familles, des groupes ou des organisations.   Statistiquement en effet, les exemples de coaching véritablement collectifs sont l'exception plutôt que la règle. 

Ceci est en accord profond avec le fait que la plupart des coachs aussi sont eux même des entrepreneurs libéraux, solitaires et indépendants.  En tant que professionnels, la grande majorité des coachs exercent leur métier en indépendants.  Ils sont solitaires, individualistes, installés en profession libérale, et se perçoivent comme des autonomes, non subordonnés.  Au pire s’ils travaillent en équipe, ils ont pour objectif de devenir indépendants dès qu'ils peuvent s'en sortir financièrement.  De toute évidence en tant que profession, le coaching incarne l'éthique foncièrement individualiste de ses origines.

Souvent, le paradoxe WASP de la profession de coach est confirmé lors d’une mise en œuvre de coachings d'équipe ou de coaching d'organisation.   Pour beaucoup de coachs par exemple, il est difficilement concevable qu'un processus de coaching puisse être mis en œuvre pour accompagner une organisation qui voudrait limiter l'autonomie de ses employés, restreindre l'initiative individuelle et limiter la portée des initiatives personnelles, afin de privilégier les systèmes collectifs tels que les équipes et les organisations.   En effet, à chaque fois que le coaching d'équipe et le coaching d'organisation sont déployés dans des organisations, tous les acteurs concernés doivent d'abord très clairement annoncer que l'objectif principal du processus de coaching consiste à développer une plus grande autonomie, plus de responsabilité individuelle, une plus grande initiative personnelle, plus de pro activité, plus de délégation, etc.  Souvent, malgré ces discours officiels, ce qui est réellement mis en œuvre peut paradoxalement être très différent de l'énoncé.

Le contre paradoxe WASP du coaching

Encore plus paradoxal : nous pouvons constater que dans la grande majorité des entreprises multinationales occidentales qui affichent des idéaux fondamentalement WASP, les procédures financières, de qualité ISO, d'embauche, de définitions de postes et de fonctions, d’évaluations annuelles, de management de personnel, de gestion de carrière, de vente, de production, etc. sont toutes devenues des procédures de contrôle presque totalement centralisées.  L'ensemble de ces procédures visent de fait à assurer que l'autonomie individuelle de tous les salariés comme de leurs managers soit très strictement maîtrisée, sinon limitée à sa plus simple expression. 

Notons en effet que dans de nombreuses d'entreprises multinationales, l’alignement de tout le personnel au sein d’un système quasi militaire reste prioritaire. L’adaptation voire la soumission de tout le personnel aux normes, aux procédures et à une culture monolithique d’entreprise dictée par le siège semble souvent être la première priorité stratégique clairement déclinée.  L’alignement au sein de ​​cette dynamique centralisatrice est donc souverain. Ce contrôle sert à assurer une normalisation, et l’exactitude de toutes les prévisions concernant les résultats financiers, but ultime de la direction générale. Avant tout, il faut respecter le budget à la virgule près, afin de prouver l’exactitude des prévisions. 

En conséquence, la tâche principale des managers intermédiaires est d'assurer le déploiement efficace et quotidien d’innombrables procédures de contrôle centralisé.  Afin de servir leurs équipes en tant que leaders efficaces, ces managers doivent paradoxalement passer le plus clair de leur temps à appliquer les procédures conçues par le centre.  Cela équivaut à dire que le client principal du manager, c’est d'abord et surtout le siège de son entreprise.

Paradoxalement, toutefois, cette stratégie est mise en œuvre en prônant haut et fort l’importance de la délégation, de la prise d’initiatives locales, de la motivation personnelle, de la réactivité adaptée, et de l’esprit d’équipe.  Or l’atteinte de ces derniers objectifs repose principalement sur un contexte de liberté voire d'autonomie individuelle et l'initiative locale.  Constatons-le, dans ces entreprises occidentales, les salariés sont paradoxalement priés de devenir localement autonomes tant qu'ils ne sortent pas de tous les clous définis par le centre. L’impératif paradoxal, c’est surtout de respecter toutes les contraintes imposées par la direction générale, tout en paraissant le faire de sa propre initiative. Soyez autonomes.

Au cours des quarante dernières années et dans presque toutes les grosses multinationales occidentales, cette tendance croissante au développement de systèmes de contrôle centralisés est de plus en plus accentuée et généralisée.   Pourquoi alors, ces mêmes organisations font tellement appel à la profession de coach ? En effet, cette dernière annonce quand même haut et fort que sa fonction est justement d’œuvrer à développer l’autonomie personnelle et la responsabilité individuelle.

Pour atteindre l’objectif certes louable de faciliter le développement de la responsabilité et de l’autonomie locale du personnel, la simple limitation du pouvoir omniprésent des sièges, la réduction de leur dynamique excessive de centralisation et la délégation de la majorité de leurs moyens de contrôle pourrait suffire.  Cette simple inversion de tendance pourrait très rapidement créer un environnement bien plus propice au développement des initiatives individuelles et locales, de l’autonomie créatrice des personnes et des équipes, de la motivation personnelle et collective, et fort probablement des résultats financiers.

En cohérence avec la stratégie de contrôle central et fondamentalement conservateur de l’organisation, de nombreux programmes de coaching deviennent de plus en plus centralisés.  Paradoxalement, pour servir le développement de l'autonomie, ils sont conçus, contrôlés et déployés par le siège et par son bras armé: le département des ressources humaines.   En effet, il faut savoir qu’au sein des entreprises WASP, la fonction des ressources humaines peut aujourd’hui être perçue comme l’équivalent occidental du Parti des pays de l'Est communiste. La direction des ressources humaines doit tout savoir sur tous, et c’est pour leur bien.  N'est-ce pas un paradoxe que ce soit cette direction là qui soit mandatée pour appel à des coachs?

Une question peut se poser.  Pourquoi toutes ces organisations fondamentalement centralisées font appel à une armée de coachs, afin de développer la responsabilité individuelle, l’autonomie des personnes, leur capacité innovante, leur motivation personnelle, voire la délégation décentralisée ? Cette demande totalement paradoxale est un vrai mystère.

  • D’une part, en Occident, les sociétés dépensent des millions pour mettre en œuvre d'énormes sièges dont la priorité est la centralisation absolue de tous les processus de contrôle.
  • Et d’autre part, ces mêmes organisations appellent de plus en plus de coachs capables de développer la responsabilité, la motivation et l’autonomie des individus, ceci afin de développer des organisations apprenantes qui favorisent la délégation.  

Dans ce bourbier paradoxal et contre paradoxal, quels peuvent bien être les véritables objectifs des organisations, des clients désignés pour entamer une démarche de coaching, et des coachs?  Quels est le but réel et le résultat espéré du coaching au sein des entreprises occidentales?

  • Attention: Notez que ce paradoxe peut aussi se produire au sein même de la profession de coach. Une des plus grandes associations professionnelles de ce métier souffre aussi d'une forte influence culturelle occidentale, fondamentalement WASP. Elle est de plus en plus centralisée et administrative, souhaite déployer des procédures ISO afin de mieux normaliser ce métier dit émergent, et tout l’administratif comme toutes les recettes financières mondiales convergent vers le siège, aux Etats Unis.  

Plus de 75% des cotisations des membres du monde entier servent à financer les charges du siège et des intérêts nationaux Américains ou Nord-Américains. Dans certains cas, il peut même être observé que plus les membres de l’association développent leur autonomie individuelle en devenant des coachs réellement très compétents, plus ils ont tendance à quitter cette association professionnelle.

En accord avec cette observation, il est intéressant de noter qu'un grand nombre de clients de coaching ont également tendance à quitter leur entreprise lorsqu’ils réussissent à développer leur capacité d'autonomie personnelle.   En effet, un premier paradoxe du coaching est que la culture WASP excessivement centralisatrice des grandes entreprises occidentales en appelle au coaching afin de développer l’autonomie personnelle des salariés. Un second paradoxe du coaching est que les salariés qui arrivent à développer leur capacité d'autonomie personnelle grâce au coaching ont tendance à quitter ces mêmes systèmes de culture WASP, afin de continuer à cheminer dans leur quête de développement personnel.

Le paradoxe WASP du coaching, hors Occident

Le paradoxe WASP du coaching devient encore plus évident dans des contextes interculturels. Lors de coachings en Europe de l'Est, en Asie, en Afrique et au sein d’autres environnements non occidentaux, un coach professionnel peut souvent se heurter à un choc culturel très important.   Dans ces contextes, le présupposé socialement acceptable que chaque organisation souhaite bien évidemment favoriser la responsabilité et autonomie de ses salariés pourrait être une énorme illusion.

En effet, de nombreux dirigeants et managers non occidentaux s’esclaffent à l'idée même que leurs employés aient besoin de développer leur autonomie, leur indépendance d'esprit, leur responsabilité individuelle ou leurs aspirations personnelles.   Ces principes existent en complète contradiction, soit avec un impératif collectif, soit avec un contexte social fortement hiérarchique, soit encore avec un environnement politique et organisationnel quasiment dictatorial.   Soit les employés de ces systèmes sont simplement censés faire que ce qu'on leur dit, soit ils doivent impérativement privilégier les intérêts collectifs.  La notion même du développement personnel et de la réussite individuelle peut tout simplement ne pas être une option.  

  • Attention: Si les sociétés occidentales centralisent de façon flagrante, en entretenant un semblant de management politiquement correct qui épouserait le développement de l'autonomie responsable des individus, cette posture paradoxale n'est pas du tout obligatoire dans le reste du monde. Dans d‘autres contrées, l'éthique et les valeurs de la profession de coach sont souvent en contradiction totale avec les valeurs culturelles locales.  La raison d’être du métier de coach peut devenir l'objet d’une incompréhension fondamentale, voire de plaisanteries hilares.

Ces paradoxes WASP implicites au coaching occidental ne veulent pas dire qu'il n'y a pas de place pour des démarches de coaching au sein des environnements organisationnels en Occident ou ailleurs.   Les paradoxes WASP du coaching peuvent en fait s'avérer très utiles.  Ils permettent de s'interroger sur les valeurs fondamentales en amont de la façon dont sont gérées les entreprises et en amont de la façon dont les employés vivent leurs contextes personnels, sociaux, politiques et organisationnels.   Considérant le paradoxe WASP, les coachs professionnels pourraient en effet se poser un certain nombre de questions essentielles:  

  • Comment les coachs peuvent-ils développer une conscience plus systémique, afin de comprendre quand ils participent à accompagner le changement et quand ils servent plutôt à renforcer des stratégies homéostatiques?
  • Comment les coachs peuvent-ils devenir plus inclusifs, afin d’intégrer des stratégies cohérentes, simultanément capables d‘accompagner le changement des individus et des collectifs environnants?
  • Comment les coachs peuvent-ils aider à développer la responsabilité individuelle au sein de contextes collectifs, bien plus centrés sur l'intérêt général de la société civile et de l'environnement local?  
  • Comment les coachs individuels peuvent-ils aider leurs clients à accomplir des résultats personnels, avec des stratégies de collaboration qui intègrent le respect du voisin, de l'environnement et des valeurs durables?
  • Comment le coaching peut-il accompagner des dirigeants dans le développement de leur engagement à long terme, afin de contribuer à l’atteinte de résultats collectifs véritablement durables?
  • Comment définir le métier de coach de façon plus claire, afin d’épouser un ensemble de valeurs plus universelles, et surtout afin de réellement faire ce qui est annoncé?

Fondamentalement, il n’existe peut-être pas une si grande différence entre le contrôle central des organisations occidentales et les systèmes clairement totalitaires ou manifestement collectivistes non occidentaux. En effet, il peut être tout aussi difficile pour un coach d’œuvrer au sein de contextes WASP et non occidentaux, sans d'abord entreprendre une révision majeure des valeurs fondamentales du système client. La fonction véritable du métier de coach est peut être de permettre la révision totale et cohérentes des valeurs implicites, des processus, puis des comportements au sein des systèmes professionnels, sociaux et politiques, à la fois au niveau de l’individu, de l'équipe, et de l'organisation, et ceci à l'Ouest, à l'Est, et ailleurs.

Une démarche de coaching totalement locale ou non systémique qui consisterait tout juste à se concentrer sur des individus, cadres ou non cadres, sans prendre en compte le contexte plus large de l'environnement hiérarchique, social et politique ne peut qu’augmenter l’incompréhension et la déception. Ceci à la fois dans des contextes occidentaux et non occidentaux.  

Il faut savoir que dans tous ces milieux, le coaching organisationnel et d’équipe permet de se concentrer sur l’utilité d’un changement collectif et culturel.  Même s’il est encore limité, ce travail au niveau de groupes structurés permet souvent de précéder ou de soutenir des démarches de coaching individuel.   Ces approches collectives peuvent aider à créer un environnement approprié au sein duquel le coaching exécutif, de management ou individuel pourrait procéder de façon bien plus efficace.

Le paradoxe des spécialisations en coaching

Il est utile d'assister aux conférences professionnelles nationales et internationales qui répondent aux besoins des coachs débutants comme des professionnels confirmés.  A chaque occasion, ces participants pourront se demander s‘ils sont plus intéressés par le coaching de vie, le coaching d'entreprise, le coaching d'équipe, le coaching existentiel, le coaching de leaders, le coaching organisationnel, le coaching familial, le coaching spirituel, etc.   La liste est souvent aussi longue que la différence entre ces domaines de spécialisation est difficile à percevoir.

Lorsque des coachs potentiels décident de se former au coaching afin de devenir compétents dans le domaine, ils seront aussi surpris par l’innombrable quantité d'écoles de coaching qui chacune prétend offrir une formation très spécialisée, des outils uniques, des procédures exclusives, des méthodologies originales.  Et chacune promet à ses élèves un avenir radieux, une réussite dans une dimension très spécialisée reposant sur une forme de coaching unique au monde.

A l’instar de ces institutions, à chaque fois que des coachs débutants considèrent qu'ils sont prêts à s'installer et afin de trouver des clients potentiels, une de leurs premières préoccupations sera de définir leur niche, leur spécialité ou leur cible de marketing.  En effet, doivent-ils se spécialiser dans le coaching de vente, le coaching de carrière, le coaching de retraités, le coaching interculturel, le coaching d'écrivains, le coaching de femmes au foyer, le coaching d’acteurs, ou de  de médecins, ou d’avocats, etc.?

  • Attention: Paradoxalement, le coaching est défini comme un processus qui n'est pas du tout centré sur le contenu des enjeux ou des ambitions du client. En bref, le coaching accompagne le développement et la réussite des clients sans explicitement tenir compte de leur domaine d’expertise ni de l’objet de leur quête.

En effet, c'est répété et rabâché.  Le coaching n'est pas une approche d'expert.  D’ailleurs les professionnels du métier énoncent cette affirmation à la manière d‘un mantra religieux. Cela devrait signifier que les coachs n’élaborent pas de stratégie particulière en fonction du profil de leurs clients, ni en fonction du contenu des enjeux et des préoccupations quotidiennes que ces derniers peuvent présenter.  Si un client potentiel se trouve être le PDG d’une entreprise pharmaceutique, une mère entrepreneuse, une âme d'adolescente amoureuse, un cadre supérieur perdu dans un questionnement existentiel provoqué par sa crise de la quarantaine, un corps en guérison suite à une importante alerte de santé, etc. le coaching reste toujours du coaching.

  • Exemple: Dans la gamme des enjeux possibles notons que toutes les préoccupations présentées ci-dessus pourraient concerner une même cliente. Idéalement l'ensemble de ces préoccupations pourraient être accompagnées par un même coach.

Par conséquent, les coachs professionnels ne changent rien de leur posture ou de leur approche en tenant compte des préoccupations apparentes de leurs clients.  Par conséquent aussi, une formation au coaching reste une formation au coaching.  Le contenu de l’enseignement ne change pas en fonction de l’école, de l’origine des enseignants ou des champs d’intérêts du fondateur.

En fait, peu importe le nombre d’enjeux et d’ambitions qu'un client particulier peut présenter dans un contexte de coaching, toutes les préoccupations d’un même client présentent des processus ressemblants, des qualités en résonance, des questions similaires.  A chaque fois qu’un coach écoute un client parler de sa famille, de sa vie professionnelle, de ses préoccupations existentielles, de ses enjeux physiques ou sportifs, etc., plutôt que le contenu de ses propos, le coach écoute le client.  Au delà du contenu ou de l'histoire des sujets présentés par ce dernier, les coachs systémiques concentrent leur présence attentive sur les patterns, les formes, les rythmes, les sens, les comportements, et les tendances sous-jacents qui apparaitront au sein de tous les sujets du même client.  Invariablement, ces thèmes seront communs à tous les domaines apparemment différents exprimés par la même personne.

Ainsi, le coaching n'est pas porté sur le contenu des préoccupations quotidiennes et concrètes qui permettent aux clients d’exprimer leurs croyances, leurs idéaux, leurs ambitions, leurs stratégies comportementales, leurs réussites et leurs doutes. Les coachs sont axés sur l’accompagnement efficace des clients pendant que ces derniers effectuent leurs propres recherches profondes.  C’est à eux de dépasser les réflexions plus superficielles afin de découvrir leurs thèmes sous-jacents, leurs sens plus profonds.

Inévitablement, ce processus entraîne les clients à faire face à leurs enjeux plus fondamentaux, à leur vie plus essentielle, à la synchronique qui émerge entre leurs patterns, leurs désirs et leurs actions.  Les clients sont alors accompagnés dans leur conception de plans d'action qui les aideront à réconcilier ce qu'ils savent, ce qu'ils sont, et ce qu'ils veulent faire de leur propre avenir personnel et professionnel.

Assurément, en fonction de l'expérience personnelle et professionnelle d'un coach particulier, de son adaptabilité, de sa confiance en lui-même, de sa capacité à faire confiance au potentiel intrinsèque de développement du client, etc., différents choix personnels peuvent être définis.  Ceux-ci peuvent être formulées comme le choix de travailler avec un profil de client et pas avec d'autres.  Un coach peut décider d’œuvrer dans certains domaines et pas dans d'autres.  Il peut vouloir accompagner certains types de questionnements et pas d’autres.  Ces choix sont personnels.  Ils peuvent aussi correspondre à des décisions de marketing. 

Ces choix personnels ne sont toutefois pas là pour définir ou redéfinir le coaching en tant que profession.  Pas plus que ces choix définissent une formation spécifique au métier.  Ces choix ne doivent avoir aucune incidence sur la posture professionnelle spécifique du coaching ni sur une éventuelle modification de son processus d'accompagnement.  Ce dernier, rappelons-le, ne se mêle pas du contenu des préoccupations du client, ni de celles du coach.

  • Attention: La complexité intrinsèque de pilotage d’un petit coucou qui peut accueillir un seul passager, comparé à un engin plus conséquent qui peut accueillir un petit groupe, ou à un Boeing intercontinental offrant des places assises à des centaines de passagers pourrait nécessiter l’apprentissage de compétences très complémentaires.

Beaucoup de coachs sont conscients que le coaching d'un seul client, le coaching de deux personnes tel un couple marié ou des partenaires professionnels, le coaching d'un petit système comme une équipe ou une famille, et le coaching d'un ensemble cohérent composé de plusieurs équipes issues d’une même organisation nécessite des compétences très complémentaires.  Ces différentes formes de client nécessitent des processus spécifiques de coaching et une spécialisation au sein du métier de coach. 

  • Attention: Fait intéressant, ce n’est que très récemment que la profession de coach a officiellement adopté l’idée que le métier de coach peut accompagner des équipes et des organisations de façon systémique, en considérant ces dernières comme des systèmes vivants uniques, unitaires et cohérents.

Malheureusement, l’écrasante gamme très fortement médiatisée des divers champs, spécialités, outils confidentiels et procédures exclusives attribués au coaching pour des raisons de marketing ou de différenciation identitaire n'aide pas le grand public à comprendre que toutes ces variantes ne sont pas spécifiques à la profession de coach.   En effet, comment faire comprendre que toutes les spécialisations affichées par les professionnels du métier ne sont que des mirages.  Paradoxalement, comment faire valoir que dans ce métier apparemment si morcelé, le coaching n'est pas une approche d'expert?  

Le paradoxe de la vente du coaching

Un autre paradoxe au centre de la profession est implicite dans l'énonce suivant: les coachs ne s'impliquent pas dans le contenu des solutions que les clients peuvent élaborer au cours de leur démarche.   Au sein des écoles de coaching et des organisations professionnelles qui proposent des examens de validation de coachs professionnels, cela est même considéré comme une erreur grossière si un coach se centre sur la solution des enjeux du client. Dans ces milieux, si un coach s’intéresse de trop près au contenu des problèmes de ses clients, ou si par inadvertance il propose des solutions pour aider un client à atteindre ses objectifs, il sera invariablement considéré hors jeu.Ce n'est pas du coaching mais une approche d'expert.  Seuls les experts proposent des solutions précises.

En effet en coaching, tous les clients potentiels sont d’office considérés comme ayant une bonne dose d’intelligence intrinsèque.  De fait, ils connaissent leur propre contexte beaucoup mieux que quiconque.   Les clients en coaching doivent être considérés comme les ressources les plus centrales, les mieux informées et les plus capables de trouver, d’abord leurs solutions puis les moyens les plus appropriés pour atteindre leurs objectifs et résoudre leurs problèmes.

Les coachs professionnels ont donc surtout besoin d'apprendre à se restreindre, afin de devenir des témoins actifs, pendant que leurs clients assument la résolution de leurs problèmes et s’engagent dans leurs quêtes de développement.   En outre, les clients en coaching sont probablement les personnes les plus motivées pour résoudre leurs problèmes et atteindre les objectifs qu'ils se sont définis.   Comme indiqué dans le paradoxe WASP du coaching, ce cadre de référence entièrement centré sur le client, sur sa puissance et sur le déploiement de sa responsabilité est fondamental dans la définition et la mise en œuvre du coaching.

Ce paradigme devient évident quand on constate que les maîtres coachs pratiquent un minimalisme tellement respectueux du client qu’ils en deviennent presque transparents.  Ils laissent toute la place entièrement libre, afin de respecter l'espace de travail de leurs clients.  L’idéal de ces professionnels est de permettre au client se déployer au sein de l'espace du coaching, laissé entièrement disponible.   En effet, il est souvent considéré et mesuré que plus un coach se professionnalise et plus il acquiert une maîtrise du métier, moins il semble faire quoi que ce soit pour aider ses clients a se diriger vers l’obtention de leurs résultats.

À l'autre extrémité du spectre, on observe souvent que les coachs débutants déploient trop d’énergie, font trop de zèle afin de contribuer aux progrès de leurs clients. Ces comportements hyperactifs, intrusifs et dirigistes sont considérés comme autant de fautes professionnelles, autant d'erreurs de débutants.   Une participation excessive dans la démarche des client, une présence verbale trop centrale dans leur dialogue exploratoire, une volonté trop ferme d’aboutir à des résultats probants, tout cela doit d'abord être sérieusement limité, avant de devenir un bon coach professionnel.  

Par conséquent, en coaching, savoir moins intervenir est considéré comme un plus.  Plus le coach intervient, plus cela est perçu comme une entrave aux progrès du client.   Cela est si vrai que l'une des dimensions les plus importantes du processus d'apprentissage pour un coach professionnel est la nécessité de désapprendre une foule de comportements aidants, mais considérés comme trop intrusifs, foncièrement créateurs de dépendance. 

Savoir activement aider les autres à résoudre leurs problèmes est normalement considéré comme très utile, voire comme indispensable dans des métiers d’expert ou thérapeutiques. Les professionnels dans ces spécialités sont en fait très habiles dans leur capacité à déployer leur énergie et leurs compétences afin de contribuer à l’évolution des personnes et des systèmes.  Il est même parfois nécessaire de avoir aider autrui à vivre ou survivre en dépit d'eux-mêmes.  Cela s'appelle l'aide à personne en danger.  Il faut savoir faire interner un suicidaire voulant passer à l'acte.  Une telle compétence d'expert n'est toutefois pas celle à laquelle la profession de coach peut prétendre, bien au contraire. Le coaching est positionné comme fondamentalement non intrusif.

En conséquence de cette posture originale et relativement spécifique au coaching, le paradoxe de la vente du coaching émergera très rapidement lorsqu’un professionnel du métier rencontre des prospects ou des prescripteurs potentiels.   Ce paradoxe surgit à chaque fois qu’un coach tente de vendre du coaching comme une solution qui peut aider les clients à résoudre leurs problèmes ou à atteindre leurs objectifs.   Considérez les questions suivantes:

  • Comment peut-on à la fois dire qu’intrinsèquement, les clients ont leurs propres solutions, et dire qu'ils ont besoin de coaching afin de trouver leurs solutions?  
  • Comment un coach peut-il proposer du coaching comme une option sérieusement envisageable au sein d’un argumentaire de vente, tout en affirmant que les coachs ne proposent jamais d’options à ​​leurs clients?  

De fait, beaucoup de clients refusent de s'engager dans un processus de coaching parce qu'ils sont désorientés par la proposition paradoxale des coachs. Ces derniers prétendent ne jamais proposer de solutions concrètes, tout en proposant que la solution idéale pour le client serait de prendre part à une démarche de coaching.

  • Attention:   Les clients ressentent intuitivement ce paradoxe implicite, par lequel des coachs leur proposent du coaching comme le meileur moyen de trouver des solutions à leurs problèmes ou enjeux, tout en comprenant que le coaching ne propose aucune solution à leurs problèmes et enjeux.  

Si le coaching est une solution qui ne propose aucune solution, alors pourquoi un coach peut-il proposer du coaching comme une solution?   Ce paradoxe est particulièrement évident quand le coaching est comparé à une approche d'expert qui offrira très clairement des solutions tout à fait tangibles.  

Pour un certain nombre de professionnels débutants dans le coaching exécutif ou le coaching de vie, sortir du paradoxe de la vente du coaching est une vraie gageure.   La même paralysie mentale affecte de nombreux clients qui ne comprennent pas du tout ce qui leur est proposé.   Quand quelqu'un vend une démarche de coaching comme une solution qui ne propose aucune solution, ils sont souvent perplexes, et à juste titre.   Surtout,  ces clients se sentent encore plus insultés lorsqu’ils perçoivent qu'ils sont jugés par des coachs qui finissent par les considérer comme tout simplement inaptes à comprendre le sens profond de leur merveilleux métier de coach.

Le paradoxe de la vente de techniques et d'outils de coaching

Ce paradoxe de la vente du coaching peut même gagner en intensité lorsque les clients entendent des coachs en prospection faire des présentations de nombreuses théories séductrices, présumées efficaces.  Nous pouvons citer une foule de d'approches tels que le modèle GROW, la démarche d'intelligence émotionnelle, l'Analyse Transactionnelle, le coaching centré solutions, la Process Communication, la PNL, la Gestalt, et tous les autres outils de diagnostic plus ou moins complexes tels que des inventaires MBTI et autres 360° intégrant quelquefois toute une gammes de symboles, de goûts et de couleurs.

Ces théories et ces outils sont tous présentés comme des moyens utiles voire des spécialités en coaching. Elles reposent sur ​​des modèles théoriques plus ou moins complexes.  Et ceux-ci sont paradoxalement présentés par des coachs qui disent que le métier consiste à ne jamais proposer de perspective spécifique ni d’outils particuliers.  Pourquoi vendre un outil ou une théorie si le coaching donne la quasi-totalité de l'espace à leurs les clients afin de leur offrir une arène au sein de laquelle ils peuvent tester, expérimenter et se développer, à leur propre rythme et de leur propre façon ?

Les clients sont souvent étonnés lorsqu'ils sont présentés des outils, soit disant spécifiques au coaching.  Ils comprennent intuitivement que sous couvert de coaching, on leur propose d'apprendre des modèles complexes avant de les laisser se pencher sur leurs enjeux.   De plus, le coach qui présente ces théories et outils prétend en même temps que les clients en question savent déjà tout ce dont ils ont besoin pour résoudre leurs problèmes et accomplir leurs ambitions.   Pourquoi alors, les clients doivent-ils apprendre de nouvelles théories et de nouveaux modèles pour mieux résoudre leurs problèmes, s'ils savent déjà tout ce qu'ils doivent savoir pour résoudre leurs problèmes?

Certains processus d'accompagnement relativement longs sont vendus comme du coaching alors qu'il s'agit en fait de diagnostics personnalisés suivis de formations individuelles.  elle comprennent jusqu'à vingt sessions ou plus, proposant toute une batterie de procédures, tests et concepts qui en fait n'ont rien à voir avec une démarche de coaching, qui elle ne propose rien.

  • Attention: Le paradoxe de la vente du coaching disparaît comme par magie lorsque les professionnels du métier se rendent compte que le coaching n'est pas quelque chose qu'ils font à leurs clients, mais que le métier concerne la façon dont ils sont avec leurs clients. 

Paradoxalement, la meilleure façon de vendre du coaching n'est pas de vendre mais d’immédiatement assumer une posture de coach. Tout simplement, il s’agit d’être coach avec le prospect, avec le client ou avec le prescripteur d’un client potentiel.    Par conséquent, lorsque n’importe quelle personne demande à un coach ce qu'est le coaching ou ce qu’un coach peut bien faire, la réponse devrait toujours suivre les deux étapes suivantes:

  • Premièrement esquiver la question en affirmant ​​que le coaching peut prendre de nombreuses formes, selon les ou objectifs ou ambitions des clients,
  • Ensuite, s'adresser directement à l’interlocuteur en lui demandant: «Que pourrait être, par exemple, une ambition ou un objectif qui vous motiverait à faire appel à un coach"

De fait, cette première réponse simple et stratégique suivie d’une question de coach peut amorcer le début d'un dialogue de coaching. Ce type d’introduction doit immédiatement être suivi par une présence attentive à l’interlocuteur.  L’objectif de cette posture de coach sera centré sur la création d’un environnement de plus en plus ouvert et accueillant pour la personne qui a initialement posé la question sur le métier.   Au cours de ce dialogue, le coach se gardera bien d’expliquer ce qu’est son métier et taira encore plus toute référence à des outils ou modèles, devenus subitement totalement inutiles au client, entièrement centré sur le sujet de ses préoccupations.   Ainsi, le coach traite on interlocuteur comme un client potentiel, immédiatement capable de démarrer un dialogue personnel afin d'explorer ses préoccupations et découvrir ses propres réponses.

De cette façon paradoxale, en développant des variantes de cette stratégie, les coachs expérimentés vendent le coaching sans jamais vraiment parler de coaching.  Ils ne mentionnent jamais de spécialité, d'approches, de théories, ou des outils.  Au cours des premiers entretiens, trop attirer l’attention sur ces modèles et moyens souvent dérisoires ne fait que décentrer les clients de leurs objectifs.  Cela ne sert qu’à mettre les connaissances du coach en lumière, or, paraît-il, il est sensé n’apporter aucune expertise.

Lorsque les coachs aident leurs interlocuteurs à se centrer sur eux-mêmes, ils participent à immédiatement créer un contexte de coaching avec ceux qui sont présents, que cette personne soit un prescripteur, un prospect ou une nouvelle connaissance opportune.   Cette stratégie consiste à immédiatement être coach plutôt qu’à parler de coaching. Elle sert à immédiatement offrir un contexte de ‘apprentissage par lequel l’interlocuteur et le coach commenceront à avancer ensemble. Ils bénéficieront d’autant plus rapidement des avantages de ce contexte.  Suite à de telles rencontres, les détails administratifs et contractuels plus précis pourront reposer sur un socle de relation de coaching déjà solide.  Pourquoi alors, parler de diverses théories totalement accessoires d'accompagnement lorsqu’une vraie relation de coaching peut immédiatement être mise en œuvre?

Le paradoxe du contrat de coaching centré sur ​​les résultats

Le coaching est essentiellement un processus créatif qui propose d’accompagner ses clients afin de les aider à imaginer de nouvelles solutions, à multiplier leurs options, à élargir leurs perspectives, puis à concevoir de moyens innovants qui leur permettront d'obtenir des résultats inattendus.  Il peut même être fondamentalement considéré comme un métier qui facilite la recherche et mise en oeuvre de solutions créatives.  En fait, en tant que nouveau métier créé lors des dernières années du siècle précédent, nous pouvons considérer que le coaching est lui-même le résultat de la reconfiguration sociale, culturelle, personnelle et conceptuelle extraordinairement créative, provoquée par la dernière révolution de l'information.   En effet, le monde a totalement changé en vingt ans, tout en accouchant du métier de coach.  Ce n’est pas un hasard.  Fidèle à cet esprit, le processus de créativité proposé par des coachs professionnels consiste principalement à permettre à leurs clients d'expérimenter une nouvelle intelligence, à envisager un certain nombre de jeux d'esprit imaginatifs, à mettre en oeuvre des actions qui sortent des sentiers battus. 

  • Exemples : Les clients peuvent être invités à se propulser dans l'avenir lointain, ou à sauter des décennies en arrière dans le passé, ou à redémarrer leur histoire à zéro ou de faire table rase du présent, afin de tout recommencer.  Ils peuvent être invités à faire semblant d'être quelqu'un d'autre, ou à être une petite mouche en observation, accrochée au  plafond.  Ils peuvent aussi faire semblant que leur problème est résolu, ou qu’ils ont la magie de faire appel à des super pouvoirs, ou encore qu’ils peuvent subitement téléporter leur vie et leurs préoccupations dans un autre contexte beaucoup plus positif.  Ils peuvent avancer en lecture rapide, faire un arrêt sur image ou rejouer la même scène autant de fois que nécessaire, afin d'en modifier tous les détails souhaités.   Ils peuvent complètement modifier le script de leurs ambitions, etc.

Il est intéressant de noter que tous ces processus mentaux très imaginatifs sont exactement ce que font les enfants quand ils rêvent à de nouvelles réalités afin de se créer de nouveaux jeux.

  • Attention: Notez que le travail d’entreprises très sérieuses centré sur l’élaboration d’une vision professionnelle à moyen et long terme à l’attention d’adultes créatifs est un processus mental très similaires aux rêveries enfantines, si imaginatives qu'elles peuvent être jugées complètement puériles.  Enfants ou adultes, nous utilisons ces moyens créatifs de façon à repousser les limites de la réalité linéaire et conventionnelle, afin d'examiner d'autres réalités plus analogiques, métaphoriques, poétiques et symboliques.  Les adultes et les enfants participent à ce type d’activité afin de pouvoir épouser, mentalement et émotionnellement, des formes radicalement innovantes de pensée et d'être.

Dans le jeu imaginatif, rien n'est jamais vraiment fixe ou figé. La chance peut toujours tourner, les cartes peuvent toujours être redistribuées, afin de transformer la situation, la finalité, et les résultats. Les acteurs peuvent changer de rôles et d'identité, le décor peut subitement se transformer.  L'environnement peut toujours apporter un soutien très utile ou provoquer des surprises plus ou moins agréables. La perception des objets et les situations peut aussi radicalement se mouvoir, et jusqu’à la fin, les résultats escomptés ne sont jamais vraiment acquis.  Dans le jeu imaginatif, les partenaires sont généralement tous en collusion ludique d’illusions. Notez que ces trois derniers mots reposent tous sur la même racine latine, ludere, qui signifie jouer.

Le jeu est un processus imaginatif exploratoire où l'explorateur ne sait que rarement avec exactitude ce qu’il finira par découvrir. La destination finale réserve toujours des surprises.  Pour être efficace, l'imagination créative et tous les détails plus pratiques doivent surtout être considérés comme un ensemble à durée totalement indéterminée plutôt qu'un itinéraire plus classique de résolution de problèmes.  Ceci est la raison principale pour laquelle le coaching ne doit pas être assimilée à une approche experte de résolution de problèmes techniques ou à une procédure classique de gestion de projets.

En fait, ce qui caractérise le coaching professionnel est l'existence d'un dialogue client imaginatif et ouvert qui permettra des prises de conscience émergentes tout à fait inattendues. C’est l’apparition de ces nouvelles perspectives qui régulièrement procurent l’obtention d’options nouvelles et de solutions originales. En ce qui concerne les enjeux (mot qui vient aussi de jouer) du client, le processus créatif du coaching peut donc continuellement transformer à la fois la perception du client et l'éventail des décisions et des actions que celui-ci va considérer.  De cette façon, l’accompagnement interactif qui caractérise le coaching systémique est également considéré comme un processus qui agit dans la formation, voire la transformation du coach.

Ce processus de transformation réciproque ne peut fonctionner que si le contexte de coaching ou si l'architecture interactive permet au coach et au client de jouer ensemble, librement et ouvertement.  C'est sans doute la raison pour laquelle la relation coach client est souvent comparée à une danse intime et paritaire – si toutefois, le client choisit sa musique et si le coach s'interdit de diriger ou de marcher sur les pieds de son partenaire de jeu.

Afin de permettre un processus de coaching vraiment imaginatif et créatif, ce serait une totale contradiction que de tenter d’appliquer des procédures prédéfinies qui suivraient un ensemble standard d'étapes prévisibles.  En effet, la seule réalité paradoxalement prévisible en coaching, c'est qu'il n'y existe pas deux processus imaginatifs qui soient identiques ou prévisibles.  À cet égard, les coachs ont besoin de savoir faire une différence fondamentale entre un processus, comme un processus de croissance ou de développement totalement ouvert, et une procédure, telle qu'une procédure ISO qui est conçue par les ingénieurs afin de prédire et contrôler avec précision les résultats  souhaités.

  • Attention: Au début de toute processus de coaching, les professionnels du métier sont sensés demander aux clients de clairement définir leurs objectifs souhaités, et ceci en termes de résultats quantifiables. Paradoxalement, cela est fait afin de permettre au client de s'engager dans un processus véritablement libre, imaginatif et créatif où le résultat final devrait être maintenu ouvert afin de permettre l’émergence de solutions totalement inattendues.

En fait, les premiers objectifs affichés par les clients en coaching finissent souvent par être oubliés, fondamentalement remaniés, voire totalement déconsidérées par le processus de découverte.  Les premiers buts du client peuvent en effet devenir complètement inutiles bien avant que le processus arrive à son terme. Par conséquent, le fait d’initialement demander aux clients de formuler leurs objectifs finaux avec force détails et précisions peut souvent être considérée comme tout à fait superflu, voire contreproductif.

Mais paradoxalement, le fait de demander aux clients de formuler leur résultat souhaité est considéré comme une des compétences clés de du coaching.  Cette demande sert à centrer le coach et le client sur ​​le fait que leur processus interactif doit être mesurée par sa capacité à produire des résultats concrets.  C'est ce qui assure la valeur ajoutée que l’on peut attendre du coaching.  Par conséquent, cela peut nous sembler tout à fait paradoxal qu'une telle démarche faite d'imagination et sensée régulièrement changer des perspectives voire totalement transformer des vies soit si formellement inséré au sein d’une telle structure relativement procédurale, initialement axée sur des résultat prévisibles.

De nombreux coachs prennent la co-définition des accords de sessions et de séquences tellement au sérieux qu’ils vont jusqu'à les appeler des contrats.  Comme si ces accords passagers avaient un quelconque poids légal.  Ces coachs peuvent parfois être perçus comme des pinailleurs rigides arc-boutés sur l’obtention de formulations puis de reformulations extrêmement claires et précises des objectifs des clients.  Même si par la suite, ces buts peuvent bien souvent se révéler être de simples introductions très superficielles à une quête beaucoup plus profonde.  Les coachs excessivement orientés sur la précision de la formulation ce qu’ils appellent un contrat sont souvent surpris voire désorientés lorsque leurs clients semblent subitement totalement changer l’objectif de leur travail, dès que leur dialogue personnel trouve l’espace de s’approfondir.

Après avoir réussi à délimiter clairement les objectifs du client, ces coachs initialement centrés sur des contrats trop précis veulent habituellement passer à l’étape logique suivante.  Ils demandent rapidement à leurs clients de décrire comment ils comptent atteindre leurs objectifs si bien définis. Malheureusement, la procédure simpliste qui consiste à d’abord bien fixer des objectifs, puis à trouver les moyens pour les atteindre saute une séquence intermédiaire essentielle de recherche imaginative, qui est indispensable si l’on souhaite assurer un véritable processus créatif. Sans cette étape intermédiaire, la procédure linéaire de résolution de problème peut difficilement être considérée comme un processus exemplaire de coaching.

Cependant d’autres coachs beaucoup plus relationnels, semblent être si superficiellement intéressés par les résultats escomptés par leurs clients qu'ils peuvent en oublier de demander et d'obtenir un minimum informations initiales concernant les objectif que ces clients peuvent vouloir atteindre. En conséquence de cette ouverture excessive, ces coachs très disponibles peuvent parfois accompagner de façon très créative, en serpentant très facilement sans buts précis, et sans jamais conclure, à l’heure, sur des décisions précises, des options pratiques et des plans d'action notés dans l'agenda des clients. 

Ce deuxième processus peut être perçu comme étant beaucoup plus créatif et imaginatif, mais il manquera clairement de conclusion concrète. Le client n’obtiendra pas la valeur ajoutée qu’il peut attendre d'un plan d'action solide, capable de transformer son processus créatif en résultats vraiment pratiques et mesurables.

Pour être efficace, une démarche de coaching ne peut se satisfaire de seulement faciliter la recherche imaginative.  Elle doit aussi se conclure par un aboutissement pratique de cette créativité : une décision, un choix d’options, un plan d’actions centré sur l’obtention de résultats concrets pour le client.  C’est cela qui lui permettra de se créer une nouvelle réalité.

En fait, les coachs réellement professionnels ne perçoivent pas du tout que le processus d’accompagnement en coaching soit si paradoxal.  Une introduction posée par un cadre relativement formel, suivie d’un jeu imaginatif de création, conclue avec une mise en œuvre pratique n'est pas un ensemble si contradictoire. Les trois étapes font chacune partie intégrante d'un ensemble cohérent. Elles se suivent très souplement, et définissent les trois phases également importantes qui caractérisent un processus de coaching professionnel:

  • Le cadre d’une séance ou d’une séquence de coaching professionnel est d'abord co-défini au sein d’un accord souple d’objectif et de durée afin de permettre au client et au coach de travailler dans un contexte précisé, en vue d'obtenir des résultats mesurables.

Ce processus de session ou de séquence se déroule dans les limites formelles d'un contrat plus large, lui-même défini à la fois par le client et le coach.  Cette procédure plus officielle peut également inclure des limites externes, fixées par une tierce personne prescriptrice et payante, comme pourrait le faire un parent ou une organisation. L’établissement de ce contrat cadre peut être considéré comme une procédure plus formelle et même écrite. Elle peut même être juridiquement contraignante.

Le respect de cette procédure formelle permet la création d’un espace d’interface plus sûr et plus productif, mais beaucoup plus ouvert, au sein duquel les séances et séquences de coaching peuvent avoir lieu.  Au début de chacune de ces séances et séquences plus courtes et bien plus libres, des accords bien moins formels entre le coach et le client permettent aux partenaires de définir l'orientation générale du travail en cours.  Bien entendu, ces accords ponctuels doivent bien s’insérer dans les limites formelles initialement fixées par le contrat cadre initial, plus formel.

Par conséquent, les accords de séquence et de séances de coaching ne sont pas aussi formels que le contrat initial, loin de là.  Ce sont des accords et non des contrats. Ils ne sont que des rappels réguliers que le coach et le client sont là en vue de parvenir à des résultats concrets aboutissant à la valeur ajoutée prévue par le contrat cadre.  Cette architecture qui encadre la relation permet l’existence du deuxième processus de coaching, beaucoup plus exploratoire, ouvert, créatif et imaginatif.  Les accords souples permettent à cette deuxième dynamique plus aléatoire de trouver sa juste place.  En fait, afin de créer le bac à sable dans lequel le coach et le client peuvent vraiment lâcher prise et jouer de leur créativité, ils doivent d'abord établir un accord cadre relativement solide.   Analogiquement, afin de profiter d’un terrain de jeu totalement libre où les enfants et les parents peuvent ensemble lâcher leur contrôle et vraiment se laisser aller, il faut d’abord entourer le terrain d'une solide clôture de protection.

  • Au sein d'un contrat cadre, et suite à la co-création d'accords très souples de séances et séquences de coaching, c'est le dialogue créatif, décousu, magique, ludique, imaginatif, etc. qui permettra la découverte de nouvelles perspectives.  Cette phase de recherche créative est tout aussi caractéristique d’une relation client-coach.

Cela nécessite que les coachs soit en mesure de très rapidement changer de registre.  Après s'être concentré sur la co-création d'un contrat clair, relativement encadrant, engageant, sinon exigeant, les coachs retournent leur veste et établissent des accords de séance plus souples.  C'est ceux-là qui permettent au coachs et à leurs clients de devenir ensemble, beaucoup plus ouverts, imaginatifs, transparents, libres, intimes, intenses, désordonnés, adaptable, créatifs et exploratoires.

  • Au delà de cette phase intermédiaire arrive l’étape conclusive. Elle sert à concrétiser, à rendre le processus de création imaginatif plus pratique, en vue d'obtenir des résultats tangibles.

En phase finale, cette étape d’atterrissage peut parfois révéler que les décisions et les plans d'action des clients ne correspondent absolument pas à ce qui était prévu par l'accord établi en démarrage de séquence de coaching.   Sur le plan éthique, bien sûr, ces décisions et plans d'action doivent être en cohérence avec le contrat formel qui justifie l’existence même de la démarche de coaching et qui en défini l'objet général.

Par conséquent, il n'y a pas de contradictions paradoxales entre le formalisme professionnel nécessaire du contrat de coaching et la liberté créative et souvent désordonnée qui caractérise la suite d'un processus de coaching. Les deux dynamiques sont tout aussi importantes et totalement complémentaires. Elles sont toutes les deux essentielles pour assurer un espace de liberté au sein duquel les clients seront en mesure de s'engager dans le but de laisser aller leurs craintes et leurs contraintes, afin de débrider leurs capacités et leur puissance. 

Au sein de cet espace de coaching protégé par un cadre contractuel général, lui-même décliné par des accords ponctuels bien plus souples, le client peut lâcher les rennes de son imagination ludique afin de remettre en question ses limites, d'élargir ses perspectives et de grandir. Puis, pour conclure de façon beaucoup plus pratique, le client peut enfin revenir sur terre, afin de concevoir et mettre en œuvre des plans d'action concrets lui permettant d’accomplir des résultats personnels et professionnels, initialement inconcevables.

Le paradoxe de la passivité par le coaching

Encore une fois, la profession de foi du coaching fait souvent valoir qu’intuitivement, les clients connaissent très bien leurs enjeux et savent exactement ce qu'il faut faire pour mettre en œuvre leurs propres stratégies de réussite.    Afin de réussir, ils ont souvent tout simplement besoin de se poser et de s’écouter un peu plus.  Dans cette perspective, on pourrait conclure que si au fond, les clients savent ce qu'ils veulent et ce qu’ils doivent faire,

  • Soit ils n'ont pas vraiment besoin d’accompagnement
  • Soit ils ne savent pas comment mettre en œuvre leurs changements ou ambitions en termes de stratégies ou de moyens, ce qui serait contraire à l’énoncé affirmé par les coachs
  • Soit encore, ils ne sentent pas prêts à l’idée d'entreprendre une action immédiate, estimant que le changement qu’ils entrevoient leur est trop difficile.

Dans ce dernier cas, un processus de coaching relativement long pourrait être un excellent moyen de temporiser, de prendre le temps de murir, éventuellement de retarder et de justifier l'inaction ou la passivité ou encore d’espérer que le problème disparaîtra de lui même, etc.    Quelle que soit la motivation, si l'on veut remettre à plus tard, pourquoi ne pas prendre un coach et travailler sur la question pendant quelques mois, au moins?  

Si la fonction réelle du coaching était de justifier des reports à plus tard, cela renforcerait l'idée que le coaching rapide et centré solution n'est vraiment pas une offre appropriée.  La vitesse de résolution proposée par cette approche dérangerait tous les clients qui viennent au coaching afin de justifier leurs stratégies de report.   En effet, afin d’aider des clients à temporiser ou afin de donner un sens à leur hésitations, un accompagnement  de coaching se doit de prendre suffisamment de temps. Une relation d'accompagnement de longue haleine étalée sur une période d’au moins plusieurs mois sinon sur une année complète donnera à ces clients tout le temps de procrastination qu’ils souhaitent, pour lequel ils sont d’ailleurs souvent prêts à débourser.

  • Attention:   A chaque fois qu'une équipe de direction souhaite différer une décision importante et la mise en œuvre des plans d'action correspondants, ils choisissent une stratégie prévisible : Ils commandent une longue étude préliminaire en faisant appel à une équipe d’experts internationalement reconnue.  Une option alternative consiste à demander à des coachs externes d’accompagner une prise de conscience collective reposant sur un programme centralisé et dont le déroulement nécessitera au moins deux ans.  

Ce type de processus pourrait bien être perçu comme une d’excellente stratégie de report, voire comme un comportement de passivité collective politiquement acceptable.  Le coaching servirait alors essentiellement à repousser toute forme d’action décisive et immédiatement résolutoire à beaucoup plus tard.   «Nous y travaillons, et nous avons demandé à des coachs reconnus de nous accompagner ». C’est en effet une excellente excuse paradoxale et politiquement correcte, lorsque l’on veut éviter de prendre la responsabilité immédiate d’un passage à l'acte.

Dans cette perspective, de nombreuses grosses organisations de conseil se sont spécialisées dans la prestation d’études préliminaires très détaillées, très longues, et toujours très coûteuses. Le prix doit être à la hauteur des enjeux dé-servis par report à plus tard.  Habituellement, les résultats bien argumentés de ces études approfondies ne font souvent que confirmer ce que les entreprises clientes ont toujours su qu'elles devaient décider et mettre en œuvre.  Mais l'action immédiate, ça peut déranger.  

Ce souhait de reporter pourrait être perçu comme une fonction ou plutôt une instrumentalisation paradoxale du coaching professionnel et personnel.   D’ailleurs, si la profession elle-même répète que les clients sont fondamentalement capables de prendre leurs décisions, de résoudre leurs propres problèmes et d’atteindre leurs propres objectifs, elle devrait aussi savoir que fondamentalement, le coaching sert souvent à reporter ces décisions comme à éviter de mettre en œuvre les actions immédiatement résolutoires.

  • Exemple:   Un homme désespéré voulait appeler un coach pour l'aider à faire face à un bourbier relationnel qui rendait, disait-il, sa vie émotionnelle totalement misérable.   Avec une voix tremblotante, ce client s'est décrit comme profondément rongé par sa culpabilité, comme totalement déséquilibré par sa vie affective. 
Alternativement, et depuis plusieurs années, il se partageait entre sa femme et sa maîtresse. D’une part, il disait ne pas pouvoir choisir, et d’autre part, il disait ne pas supporter pas de vivre sa culpabilité.  Il souhaitait entamer une démarche pour retrouver un équilibre affectif, et se sentir mieux.  

Lors de son introduction, le client a également mentionné avoir consulté un thérapeute pour les mêmes raisons.  Mais il avoua ne pas vraiment être satisfait de cette démarche, ne constatant aucun progrès observable.    En conséquence, il voulait avoir un  coach de manière à atteindre des résultats plus satisfaisants, plus rapidement.  Fait intéressant, toutefois, ce client potentiel n’a pas mentionné une seule fois que son objectif était de parvenir à choisir de s’engager dans l'une ou l'autre relation personnelle afin de clarifier ou simplifier sa vie privée.

Avec un peu d’humour et de recul, il nous est possible d’interpréter la situation en soulignant une ressemblance frappante dans les stratégies de ce client.  En faisant appel à un coach tout en consultant un thérapeute, il semble inconsciemment chercher à reproduire le même type de triangle relationnel avec le coach et le thérapeute dans les rôles de sa femme et de sa maîtresse.   Dans le cas où le coach accepterait de rentrer dans le jeu à trois, le client serait en excellente position pour temporiser encore plus et profiter de sa stratégie d’évitement.  Il aurait ainsi assez de temps pour continuer à  se sentir victime de sa culpabilité, au sein de plusieurs relations triangulaires. Par conséquent, le processus qu’il cherche à reproduire entre son thérapeute et un coach pourrait servir à confirmer qu'il n'a aucunement l'intention de rapidement changer la donne au sein de sa vie privée ou ailleurs.   

Cet exemple peut très bien illustrer le fait que si un client ne manifeste pas une ferme motivation pour immédiatement faire ce qui, de toute évidence, est nécessaire, la stratégie d’aller chercher de l’aide ou le soutien d’un expert externe - pourquoi pas un coach - est une manière de tout mettre en attente et de gagner beaucoup temps.  De plus, cette manœuvre est tout à fait socialement et politiquement correcte.  Le coaching sert à valider le report.

Cela dit, que les clients puissent se servir du coaching de façon paradoxale, afin de reporter des décisions et des actions qui leur seraient éventuellement évidentes, c’est leur fonction.  Sinon, ils n’auraient franchement pas du tout besoin de coaching.  Par conséquent, le client est comme il est.  Cette évidence ne devrait pas toutefois pas représenter de difficultés majeures pour les coachs systémiques.  Il leur est simplement nécessaire d’écouter au delà des apparences, d’être conscient de la façon dont ils peuvent être instrumentalisés, ou encore être vigilants quant à leur façon de participer à, ou valider, des stratégies d’évitement.  

Très souvent, par exemple, un coach attentif peut rapidement réagir de manière stratégique afin d'accélérer une prise de conscience et des décisions qui permettrait le passage à l’acte de leurs clients.  Ce travail systémique peut démarrer dès la clarification du contrat de coaching.  Cela peut aider les clients à se centrer beaucoup plus rapidement sur la pertinence de l’atteinte immédiate de leurs objectifs, sans perdre de temps inutilement. 

A cet effet, un principe très simple peut être entretenu, en parfaite harmonie avec les axiomes fondamentaux du coaching:   Les clients ont toujours une longueur d'avance sur la raison pour laquelle ils annoncent avoir un besoin d’un accompagnement de coaching.

Exemples:

  • Lorsque les clients annoncent qu'ils ont besoin de coaching afin de clarifier une prise de décision, ils ont en fait déjà décidé de ce qu'ils veulent ou devraient vraiment faire.   Ils ont tout simplement des difficultés à assumer les conséquences de leur décision.
  • Lorsque les clients annoncent qu'ils ont besoin de coaching pour trouver des options viables, ils privilégient déjà une option préférentielle.   Ils ont tout simplement des difficultés à en assumer la mise en œuvre.
  • Lorsque les clients disent qu'ils ont besoin de coaching pour concevoir un plan d'action, ils ont souvent déjà une très bonne idée de leur plan d’action.   Ils éprouvent simplement quelques difficultés à en mettre en œuvre certains moyens.

Par conséquent, comme la philosophie du coaching le souligne, les clients sont généralement beaucoup plus capables qu'ils ne veulent bien se l'admettre.   En général, ils connaissent bien leurs problèmes ou ont une conscience relativement précise de leurs ambitions.   Ils ont aussi souvent une bonne conscience des moyens et solutions pratiques.   Ils savent même souvent comment mettre en œuvre les meilleures solutions, les actions les plus efficaces.   En somme, les clients ont souvent simplement besoin d'un témoin attentif capable de leur offrir un espace de réflexion et une écoute accueillante afin de leur permettre de formuler ou formaliser ce qu’ils savent. Cette forme de présence définit justement la posture d’un coach professionnel.

  • Exemple:   La propriétaire et PDG d’une société fait appel à un coach.  Elle annonce avoir des difficultés à prendre une décision très importante concernant sa place ou son rôle au sein de sa société.   Elle sentait qu'elle était aspirée vers le bas, à traiter trop de détails opérationnels, et que cela l'empêchait de vraiment développer son potentiel intrinsèque. 

Elle était frustrée et voulait dégager plus de temps personnel pour sa famille, et pour pouvoir enseigner dans l’université de sa ville.  En somme, elle voulait prendre un peu de distance, et devenir plus stratégique tant au sein de son entreprise que de sa vie en générale.

Elle hésitait entre deux options : simplement tout plier en vendant son organisation afin de rapidement récupérer sa liberté, ou complètement s’investir dans la réorganisation totale de son entreprise afin de la rendre beaucoup plus autonome.   En conséquence de cette hésitation, elle faisait appel à un coach pour clarifier ses motivations et prendre sa décision.

A la surprise de cette cliente, le coach déclara qu’un accompagnement de quatre séances d'une heure serait plus que suffisant.   La cliente fut d'abord sceptique..  Son problème lui pesait depuis déjà longtemps alors elle ne pouvait faire son choix si rapidement.   Toutefois, sous condition de pouvoir rallonger ce délai, elle accepta.

Dès le démarrage du travail effectif, le coach lui demanda simplement s'il pouvait partager une perception.   Il dit à sa cliente que de toute évidence, sa décision semblait être déjà prise, et qu'elle était tout simplement mal à l'aise avec les conséquences que cette décision aurait sur ses collaborateurs et, peut-être, son entourage personnel.

Avec un sourire complice et libérateur, la cliente poussa immédiatement un gros soupir.   Elle se sentait soulagée, comprise et validée dans son choix, puis rapidement prête à avancer.  Au cours des deux premières séances de coaching, elle a rapidement conçu un plan complet de réorganisation de son entreprise.   La nouvelle structure fut conçue pour libérer plus de la moitié de son temps.   Pour montrer sa détermination, elle annonça à son personnel que si le nouveau système ne commençait pas à fonctionner de façon efficace dès le mois suivant, elle était déterminée à vendre l'entreprise.   Ils ont fait le travail.

  • Attention: Si un coach croit vraiment que ses clients sont intelligents et capables, de combien d'heures et de séances de coaching ont-ils vraiment besoin pour atteindre leurs objectifs? 

A contrario, combien de coachs sont a-priori convaincus qu'un bon processus de coaching doit être étalé sur un bon nombre de mois et autant, sinon plus de séances?   Plus souvent que nécessaire, ces coachs ont d’abord besoin de dérouler leurs propres procédures d’introduction afin de prendre leurs marques et se rassurer. Ces préalables initient des stratégies de report et d’hésitation relativement inutiles, ou contribuent à les renforcer, avant d‘accompagner la mise en œuvre de décisions et de plans d'action. Ces aboutissements sont souvent évidents dès la première session.

  • Attention: Un maître coach très expérimenté affirme que les deux séances de coaching les plus efficaces sont la première et la dernière.   Pour ce professionnel, toutes les autres sessions intermédiaires de coaching pourraient souvent être considérées comme superflues. 

Pour certains coachs, bien sûr, le calcul financier ne tient pas la route.   Si le coaching efficace d'un client ne prend qu'une ou deux séances au maximum, comment un professionnel peut-il s'attendre à gagner sa vie?   Il semblerait bien plus rentable de vendre au moins dix à vingt séances de coaching par client fin de s’assurer un rythme minimum de revenus professionnels.   Bien sûr, ces coachs ne conçoivent pas que des processus d‘accompagnement très courts et très efficaces peuvent donner accès à des niveaux de clientèle beaucoup plus élevés. Et pour cette élite, le temps est une denrée très chère.   Par conséquent, plus un accompagnement de coaching est court et efficace, plus il peut être cher, et plus la bonne réputation du coach sera établie.

Bien sûr, toutes les considérations ci-dessus ne prennent pas en compte les processus de coaching fondamentalement stratégiques. Ceux-ci peuvent être structurés autour d'une réunion tous les trois à six mois, afin d'accompagner une personne à long terme, par exemple tout au long d’un processus de développement de carrière. Certains clients, pour prendre un autre exemple, peuvent avoir besoin de coaching pour accompagner des quêtes plus profondes.  Ils rencontrent alors leur coach pour des séances de quelques heures tous les six mois, et ce, sur un certain nombre d'années.  Ce type de coaching fondamentalement existentiel et à rythme beaucoup plus long peut soulever un certain nombre de questions très différentes.

II- LES PARADOXES POLITIQUES DU COACHING

Le paradoxe du coaching de dirigeants

Parmi les nombreux termes habituellement utilisés pour définir le coaching, la notion d'émergence est un mot qui revient souvent.  C’est sans doute aussi un des termes les moins compris.  L’émergence est pourtant un des concepts clés servant à décrire un processus de coaching performant.  

Émergent signifie qui fait surface, comme lorsqu’un objet remonte du fond de la mer.  Le coaching, dit-on, facilite l'émergence de nouvelles perspectives.  On entend par là que dans le cadre d'un processus de coaching, de nouvelles solutions, des points de vue inattendus, des stratégies originales, des alternatives créatives, des options imprévues apparaissent très simplement, ou remontent du bas vers le haut.

Dans de nombreux cas, l’émergence de nouvelles perspectives est tellement inattendue qu’elle prend à la fois le coach et le client par surprise.   Cette apparition soudaine pourrait même être à l'origine d'un fou rire partagé, comme si quelque sorcier malin et bienveillant venait de jouer un tour de magie, ou de subrepticement téléporter le coach et le client dans un autre monde.

  • Attention: Le coaching repose sur une qualité particulière de relation, sur des outils de communication spécifiques et sur des processus interactifs stratégiques, tous choisis justement pour faciliter des solutions émergentes. Cela est de la plus haute importance.  Ce processus cohérent est essentiel lorsque l'on tente de définir la profession et la façon originale dont le coaching entend accompagner des clients dans l’atteinte de leurs résultats.

Par conséquent, la magie du coaching repose sur une forme innovante de synchronie alchimique qui repose essentiellement sur la création d'un contexte de présence particulière, partagé entre le coach et le client.  Ce contexte repose sur une forme bien définie de dialogue accompagné, stratégiquement ponctué de silences profonds.  Ce contexte dialogué permet l’émergence soudaine de nouvelles perspectives totalement inattendues. Ces dernières semblent surgir de la conscience profonde des partenaires attentifs, des recoins et des replis de la présence partagée, d’une forme de communion d’esprit créée par le coach et le client.

Les nouvelles perspectives émergentes n'apparaissent pas sous une forme de pensée linéaire ou de concepts intellectuels.   Elles surgissent comme de nouveaux ensembles unitaires entièrement compris et totalement cohérents.  Elles prennent la forme d'images globales, à la fois claires, complexes et congruentes.  En tant que reconfigurations cohérentes de la réalité, ces perspectives véhiculent naturellement de nouvelles options et solutions, foncièrement utiles pour le client.  Lorsque soudainement surfacent ces prises de consciences ou apparaissent ces nouvelles formes, le coach et le client sont véritablement surpris ou presque choqués par leur pertinence, leur simplicité cohérente et pratique.

Il est utile de revoir ici l’art ou la maîtrise du coaching systémique afin de comprendre la dimension véritablement innovante de la profession, et son rôle fondamental dans le contexte mondial actuel. En effet, il peut sembler que de par le monde, la plupart des situations de coaching sont en fait des événements très locaux, qui ont lieu en tête-à-tête ou en groupe restreint, qui se déroulent au sein de relations relativement intimes.  Il peut sembler que chacune de ces relations peut conduire à des transformations personnelles, et que certaines peuvent même avoir un effet durable, non seulement sur les individus, mais aussi sur leur environnement immédiat, personnel et professionnel.  Mais constatons que grâce à la généralisation de la profession, un grand nombre de ces transformations locales se produisent continuellement, dans des villes, au sein des entreprises, dans des pays, partout dans le monde. Peu à peu, la somme de ces relations de coaching a un effet global.  En réalité, le coaching peut être perçu comme une profession ayant un effet systémique non seulement parce qu’elle agit localement un peu partout, mais aussi parce qu’elle participe activement à la mise en oeuvre d’un changement autrement plus global.

En prenant un peu de recul pour recentrer notre compréhension de la profession de coach, nous devons nous rappeler qu’elle à peine que vingt ans.   Le coaching est né avec l'avènement de la révolution de l'information, l’apparition des startups, et l'explosion de la bulle Internet.   Le coaching a lentement mûri et s’est développé au cours des quinze années suivantes, pour accompagner l’avènement du nouveau siècle.  Il est intéressant de noter que la profession existe en cohérence synchronique avec d’autres processus émergents à travers le monde, comme les mouvements de résistance sociale qui ont défait le mur de Berlin, dissout le rideau de fer, renversé des gouvernements totalitaires dans de nombreux de pays, allumé le printemps Arabe et « Occupy Wall Street » comme d'autres mouvements sociaux et politiques dans le monde entier, tels les Indignado espagnols et asiatiques.  Cet éveil est loin d’être terminé, et ses conséquences ne sont pas encore comprises.

Plus paisiblement et plus récemment, au sein toute l'Europe et stimulé par la dernière très lamentable crise financière et le mécontentement général des électeurs, de nombreux gouvernements et beaucoup d’autres équipes de direction ont été désavoués sinon démis de leurs fonctions. Ces dix dernières années, ces changements ont touché des pays comme l'Irlande, l'Islande, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l'Espagne, la France, la Croatie, la Lettonie, le Portugal, la Belgique, l'Italie, et la liste n'est pas encore close.   Notez que dans la plupart de ces cas, les remplaçants n'ont pas nécessairement gagné le cœur des électeurs.  Beaucoup des nouveaux gouvernements peuvent être considérés comme des instances de transition.  Ils seront aussi bientôt accompagnés vers la sortie.   Soyons en certains, le peuple a mal à sa direction.

En effet, dans le nouveau contexte de gouvernance politique et organisationnel, le public s'attend à ce que leurs dirigeants soient plus humbles, plus transparents, plus ouverts au dialogue, plus compétents à la négociation, plus paritaires et plus aptes à la réelle collaboration.  Le public ne veut plus que son vote soit acheté à coup de séduction primaire, de promesses de marketing, de solutions faciles, de poudre aux yeux, du bout des lèvres d’une communication superficielle.  Ils ne veulent plus être nourris de discours idéologiques, ni d'emballages éco-verdâtres, ni de visions illusoires, ni de missions conquérantes, ni de normes éthiques que les dirigeant eux-mêmes ne respectent pas.

Notez qu'à côté de tout cela, un processus de coaching se définit comme facilitant des perspectives et des solutions fondamentalement innovantes. Ce processus ne peut se dérouler que dans des relations d'égal à égal, dans une co-conception où coach et le client participent à une forme particulièrement respectueuse de dialogue afin de permettre de nouvelles solutions totalement innovantes.  Cela n'est pas seulement une définition, mais une véritable description de la façon dont le coaching professionnel se déroule.  Les coachs ne cherchent pas à fournir des solutions toutes faites fournies à partir d'un corpus de connaissances reconnues, ni à offrir une formation à des compétences spécialisées, alimentées par la puissance de convictions d’experts prétendument scientifiques ou idéologiques. 

Le coaching est une approche fondamentalement humble qui permet à chacun de conserver l’espace, la responsabilité et le pouvoir de son identité propre, sa recherche profonde.  Cela révèle que la relation de coaching offre un modèle de solution au monde d’aujourd’hui.  Par conséquent, le type de relation que propose la profession est en cohérence fondamentale et synchronique avec les grandes mutations sociales et politiques actuelles et avec le sens et la forme de notre réalité historique.  Intrinsèquement, la philosophie  et la pratique du coaching révèlent qu’il s’agit là d’une dynamique qui s’érige du bas vers le haut.  Il ne s'agit absolument pas d’un autre processus de savoir ou de pouvoir appliqué de haut en bas.

  • Attention : Si l'on devait prendre le corps humain comme modèle pour expliquer comment le coaching fonctionne, la définition de solutions émergentes prend un sens particulier.  Le coaching serait alors ni une approche mentale, ni une démarche intellectuelle déjà éprouvée.

Par conséquent, le coaching ne peut pas être une forme déguisée de relation d'expert.  En effet le coaching ne procède pas par étapes logiques.  Il se dérobe à toutes les formes de procédures linéaires, d’outils et de méthodologies standardisées.  Le coaching exerce explicitement une très saine résistance face aux limites implicites des impératifs newtoniens ou cartésiens.

Par conséquent, plutôt que de compter sur une forme quelconque de clarté linéaire sécurisante fourni par la tête et le cerveau, le coaching préfère procéder par la sollicitation de l’intuition, par l’acceptation de bouleversements chaotiques et émotionnels, par l’exercice du droit de douter et de slalomer dans des méandres existentiels, par la recherche de l'intelligence intuitive du cœur et par l’expression déchaînée de la puissance des sens libérés.  Pour couronner le tout, le coaching préfère l'action, la réaction et l'interaction plutôt que l'analyse et la réflexion.   Le coaching préfère plutôt miser sur des développements futurs que de perdre du temps à comprendre le passé et lui épingler les responsabilités de ses échecs.

  • Question: Compte tenu de la nature de sa philosophie et de ses processus qui agissent fondamentalement du bas vers le haut, en émergence d’énergie, de compétences et de solutions, pourquoi alors la grande majorité des coachs se concentrent t-ils tellement paradoxalement sur​l'accompagnement de dirigeants et de leaders?

En effet, les PDGs, les leaders, la nomenclature des cadres, les dirigeants, et les équipes de direction, etc. semblent être la cible ou la préoccupation principale de la plupart des coachs professionnels.  Comment le coaching d’aujourd'hui, ciblant les personnes les plus investies dans des processus de contrôle et de leadership, maniant un pouvoir descendant permettra d'atteindre l'objectif de demain, qui est de faire la place à de nouvelles solutions émergentes, ou remontantes du bas vers le haut?  C'est l'un des paradoxes auxquels la profession de coach doit encore venir à bout.

Certes, peu importe qui l'on coach. C'est surement une très bonne stratégie de marketing que de dire que l'on accompagne des patrons, des dirigeants et des décideurs.  C'est plus flatteur à la fois pour l'ego du coach et du client quel que soit son niveau réel.  Qui va sérieusement se vanter d'une spécialisation dans l’accompagnement de chômeurs, d’insatisfaits et d’individus en perte de sens dans le contexte actuel?     Certes, il est important de clamer haut et fort le fait qu'un bon leader pratique l’art de suivre et de soutenir les initiatives de ses employés.  Mais combien de leaders mettent réellement leurs égos de côté juste assez longtemps pour remettre en question leurs présences surdimensionnées de chefs empreints de certitudes? 

  • Attention : Considérant aussi le nombre de coachs dans le monde qui prétendent accompagner des dirigeants et des PDG, et considérant que chacun d’entre eux a besoin d'avoir au moins vingt clients pour gagner sa vie, c’est à se demander s’il reste du monde pour suivre ces leaders.

Mais le constat est contradictoire. Il est intéressant de constater à quel point le monde du coaching est désorganisé.  A part une ou deux associations professionnelles de taille mondiale qui ont l'ambition hégémonique d'apporter une forme de contrôle et de congruence internationale et anglo-saxonne, la profession se développe de façon aléatoire, incohérente, souvent contradictoire sinon chaotique.  Multiforme, la profession se répand comme une traînée de poudre dans tous les pays développés, en développement et sous-développés.  Beaucoup de coachs commencent par pratiquer le métier avec un minimum de formation et gagnent une rémunération presque symbolique. Pour survivre, ils pratiquent en parallèle au moins un autre métier ou une autre profession.   Mais la plupart sont engagés dans le coaching de façon presque idéaliste.  Ils sont prêts à surmonter d’énormes difficultés afin de développer leurs compétences dans le métier.

  • Attention: A travers le monde, dans chaque pays et même dans chaque ville, le manque de leadership, de structure et de cohérence au sein même de la profession de coach est tout à fait cohérent avec l'esprit et la forme de tous les mouvements sociaux et politiques des deux dernières décennies. En fait, l'incendie du coaching ou sa propagation totalement libre et désordonnée au cours des vingt dernières années peut aussi bien être interprété comme une nouvelle forme de mouvement social émergeant, sans centre et sans véritable leadership.

Cela ajouterait sans doute grandement au mouvement social que représente le coaching si les grandes associations professionnelles nationales et internationales devenaient moins hégémoniques et centralisatrices, si elles décidaient de se restructurer afin d'offrir une forme en plus grande cohérence avec le mouvement qu'elles sont censées servir.  En effet, plus les moyens, plus la liberté d'agir, plus l'organisation et la stratégie, les objectifs et la vision de métier de coach seront locaux, plus la puissance transformatrice de la profession deviendra mondiale.

De toute façons, que les coachs individuels soient centrés sur l'accompagnement de dirigeants, de managers, de cadres ou pas, les professionnels du métier démontrent un très haut niveau d'engagement.  Ils sont souvent adeptes du  bénévolat, du coaching gratuit pour les nécessiteux, du coaching de vie, d’accompagnement dans des domaines existentiels et des dimensions spirituelles, de coaching de jeunes et de personnes âgées, de coaching de pauvres et dans la santé, dans les pays en développement, au sein de startups ou dans l’accompagnement d’entrepreneurs en herbe, etc. La profession est en effet si dynamique, tellement intéressée par toutes les formes de développement sociétal, par l’action, par le positif, tournée vers l'avenir, dans le développement durable et des pays émergents qu'il est en synchronisme complet, avec les grands changements sociaux et politiques du siècle actuel.   En fait en coaching, il ne s’agit plus de l’accompagnement de leaders mais de celui du changement au niveau mondial.

Le paradoxe de la gestion du changement

Le bon sens commun voudrait que le moyen le plus efficace pour mettre en œuvre le changement dans les organisations, voire dans les gouvernements soit de commencer avec leurs leaders.   Pour accroître l'efficacité d'un processus de coaching en l'élargissant à un grand ensemble, nous pouvons considérer que c’est l'équipe de direction d'une entreprise qui devrait piloter le changement des entreprises, que c’est aux gouvernements de piloter les transformations dont dépends notre avenir.

Effectivement, étant donné que le sujet est d'une importance stratégique capitale, notez que la plupart du temps, le leadership des entreprises et des pays prend la responsabilité de la gestion du changement.   Par conséquent, séparément ou ensemble, les élus, les PDG et les équipes de direction, ceux qui représentent le centre décisionnel de nos organisations, affirment que c’est à eux que revient le pilotage de l’évolution significative des organisations qu’ils encadrent.   De fait, la gestion du changement est considérée comme l'une des responsabilités principales de nos leaders.

Paradoxalement, cependant, un point de vue systémique sur la gestion du changement pourrait indiquer que le centre décisionnel des entreprises peut être l'entité la moins compétente pour piloter l'évolution de nos organisations.  De même pour les gouvernements.  C’est d’ailleurs bien souvent l'endroit le plus difficile où commencer à initier un changement fondamental des systèmes concernés.   En effet, l'histoire semble prouver que pour initier tout changement réel dans les systèmes professionnels, politiques ou sociaux, le mieux est de commencer très loin de son centre de contrôle, si possible quelque part très proche de la périphérie externe des systèmes concernés.

  • Attention: La fonction du noyau d'une cellule vivante et plus particulièrement de son ADN est d'assurer la stabilité et une reproduction relativement maîtrisé au fil des générations.   Par conséquent, la fonction de l'ADN est fondamentalement homéostatique ou conservatrice.  

La même chose peut être dite de la plupart des fonctions de direction centralisées de tous les systèmes, tels que les gouvernements, les chefs d'état, les mairies, les patrons, les responsables d'équipes et les parents au sein d’une famille.   Très paradoxalement, c'est peut-être exactement pourquoi nos dirigeants insistent sur le fait qu'ils devraient être chargés de piloter toutes les velléités de changements.

De fait, le premier objectif de toute personne en position de direction est de maintenir sa fonction de leadership le plus longtemps possible.   La préservation de son pouvoir de décision, l’impératif d’assurer sa place et se faire renommer ou réélire sont généralement ses premières priorités. Sa priorité suivante sera souvent de faire en sorte que sa progéniture hérite de son poste de direction. 

Plusieurs études sur les grandes équipes de direction d'entreprises semblent prouver que la majorité des décisions exécutives ont pour objet principal d'augmenter leur propres appointements, leurs propres avantages en nature, leur propre zone de confort, et de sécuriser leurs propre postes le plus longtemps possible, avec des parachutes dorés, au cas où l'avenir serait incertain.   Il a rarement été observé que des organes de direction mettent spontanément en œuvre des changements profonds au sein de systèmes, à moins d’être mis dos au mur, fortement poussés par la rue, leurs électeurs ou actionnaires.   Les autocrates installés et les partis au pouvoir n'ont tout simplement pas comme priorité de mener des grandes révolutions.

  • Attention: Paradoxalement, la meilleure façon pour une équipe de direction de contrôler toute velléité de changement organisationnel est d'annoncer haut et fort qu'elle gère le changement.  

Si le pouvoir en place est en charge de la gestion du changement, il sera évidemment le mieux placé pour contrôler et limiter la mise en œuvre de toutes les propositions réellement innovantes.   Toute volonté de changement sera alors adressée au leadership, et ce dernier pourra rapidement mettre en œuvre des stratégies visant à étouffer l'innovation, ou à la retarder aussi longtemps que possible. 

Les coachs professionnels doivent faire face au fait que la plupart des programmes d'innovation pilotés par des organes centraux ont très rarement rencontré un succès fracassant.   Quand ils atteignent leurs objectifs, c'est bien souvent avec un coût exorbitant d'énergie, de temps et d'argent.   L'innovation réussit bien mieux quand elle est sortie des mains des dirigeants, quand sa période d'incubation est suffisamment protégée des interventions du siège et des organes de contrôle, jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour qu’ils puissent résister à sa mise en œuvre. De même l'innovation échappe aux grandes entreprises.  Elle a lieu cachée, au sein de petites start-ups inconnues, peu contrôlées.

  • Exemple: Très confidentiellement, une multinationale recherche un coach pour accompagner un de ses cadres supérieurs, récemment embauché.  Ce dernier manifeste des difficultés évidentes à s’intégrer au sein de la culture de cette entreprise de taille mondiale.   Il fallait l’aider à s’intégrer.

Or justement, cette personne avait été embauchée pour sa créativité, son originalité, sa capacité à provoquer des changements pertinents.  Il avait déjà démontré cette compétence au cours de l’ensemble de sa carrière très réussie.  Très conservatrice et en mal d’innovation, la société savait qu'elle devait trouver les moyens d'initier des changements importants.  Mais dès qu’un de ces moyens fut recruté, il fallait tout mettre en oeuvre pour le limiter, l'étouffer, voire l’éjecter.  Par conséquent, le but avoué du coaching était d’annuler la raison même du recrutement de ce créatif.  

Nous pouvons souvent constater que lorsque des consultants ou coachs sont invités par les Ressources Humaines ou par des cadres supérieurs pour aider à mettre en œuvre un réel changement stratégique, ils sont en fait invités à prouver que ce changement n’est pas possible.  Pour preuve : ces consultants et coachs sont généralement invités à d’abord faire leurs preuves au sein de départements, de divisions ou d’unités où tous savent qu’ils auront bien peu de chances de réussir.   Pour déployer une bonne résistance, il n’y a pas mieux que dans des zones considérées sans espoir.  C'est comme si pour coacher une équipe de volley pour l'accompagner vers la réussite, il fallait d'abord faire ses preuves avec le plus mauvais joueur dans l'équipe.

Les directions d’entreprise proposent aussi souvent aux coachs et consultants de d'abord présenter ou tester leur approche au sein même de l'équipe de direction.   Cette équipe fera alors tout son possible pour résister, annuler, ou différer les programmes innovants qui pourraient réussir a concrétiser une réelle transformation organisationnelle.   Très souvent, d'autres priorités très importantes font soudainement surface, et les programmes de changement vraiment performants doivent être mis en veilleuse.  Généralement seuls les programmes inoffensifs passent le test de la direction.  La raison pour cela est simple : Au sein de toute organisation, les équipes exécutives en sont les arènes les plus politiques. S’il peut amener à modifier les équilibres politiques au sein du pouvoir central, même le changement le plus subtil sera perçu comme potentiellement dangereux ou inacceptable.

Afin de mettre en œuvre des changements conséquents au sein de systèmes, une approche beaucoup plus stratégique sera indirecte, initiée loin de son noyau, dans la périphérie lointaine.  Ainsi, elle prendra généralement beaucoup moins de temps, et sera beaucoup plus efficace.   Les révolutions ont toujours commencé loin des capitales, beaucoup plus proche des limites externes du système, dans les provinces éclairées mais reculées, au sein de périphéries créatives.   Pour réussir, les approches virales ont toujours été indirectes, provenant de sources inconnues des centres de contrôle, oeuvrant hors de leur portée.  Les virus prennent toujours le contrôle du corps bien avant de viser la tête. 

Par conséquent, les actionnaires des entreprises ont depuis longtemps accepté le fait que pour mettre en œuvre des changements rapides au sein des organisations, la première étape consiste à changer le PDG.  Il faut le remplacer par un nouveau leader très différent, généralement importé de l’extérieur.   Ce nouveau directeur général se heurtera très vite à une forte résistance interne et aura besoin de changer la grande majorité des membres de son équipe de direction.   Ces replacements peuvent être reproduits à de nombreux niveaux subalternes.  Il faut vraiment insister pour que les greffes prennent.  Le corps fait tout pour les rejeter.  Suite à ces remplacements successifs, des changements radicaux devront rapidement être mis en œuvre, si possible en moins de cent jours. 

  • Attention:   Un an après ce type de transformation radicale et souvent rafraîchissante, il y a de fortes chances que le nouveau système de direction devienne progressivement conservateur.  Il commencera à concentrer son énergie sur la garantie de sa stabilité à long terme, et sur une gestion plus stable visant à assurer son confort dans la durée.  

Tout au plus, deux ans après ce type de refonte radicale de l’organisation, nous pouvons nous attendre à ce que la direction générale commence à prétendre « piloter le changement ».

Le paradoxe de la résistance au changement

Il semble que la résistance au changement soit l'un des thèmes les plus répandus auxquels les coachs doivent faire face.   Soit ils sont confrontés à différentes formes de résistance au changement, soit sont recrutés justement pour aider les organisations à dépasser leur propre résistance au changement.
  • Attention: Toute énergie exercée dans une direction spécifique provoquera immédiatement une énergie équivalente dans la direction opposée.   Cette loi de la thermodynamique démontre comment se créée la résistance.  

Cette loi établit clairement que lorsqu'un système manifeste un des indicateurs de résistance, comme par exemple de la chaleur, c’est en réaction normale à l’application d’une énergie coercitive relativement puissante.   Par conséquent, ce qui est appelé une résistance au changement est plutôt une résistance à une action coercitive.  Paradoxalement, cette résistance peut souvent être un indicateur très sain, qui révèle l’existence d’un environnement coercitif qui l’est beaucoup moins.  Par conséquent, une résistance au changement, quelquefois pudiquement appelé un risque psycho-social n’est pas moins qu’un indicateur sain révélant l’existence d’un environnement coercitif.

Dans de nombreux cas aussi, les clients qui résistent à leurs coachs pourraient être considéré comme très sains.  Typiquement, ils résistent avec des arguments qui démarrent par «Oui, mais».  Cette résistance révèle tout simplement que leur coach est perçu comme exerçant une pression directive, sous une forme ou dans une direction jugée comme inappropriée pour le récepteur.   Dans ce cas, la résistance indique que le coach prend très probablement plus que sa part de responsabilité dans le travail de client.  Très sainement, ce dernier résiste.

Dans d'autres situations, les clients résistent au contexte organisationnel qui malgré eux, tente de subtilement de les pousser dans un sens indésirable, dans une direction insatisfaisante ou vers un objectif injuste.   Au sein des systèmes concernés, la résistance apparente au changement est un simple indicateur d’un dialogue opérationnel relativement pauvre.   Dans les systèmes humains, lorsque un bon dialogue permet des interfaces professionnelles saines, il est rarement nécessaire de manifester de la résistance, avec ou sans coach.

  • Exemple: Un PDG fait appel à un coach afin de concevoir puis vendre un important schéma de réorganisation concernant toute son entreprise.   Ce PDG estime que le changement stratégique qu’il souhaite proposer est absolument nécessaire à la survie de son entreprise.  Toutefois, le PDG est certain qu’il provoquera une résistance importante de la part de l'équipe de direction et des cadres supérieurs de son entreprise.

Le coach a demandé à ce PDG comment il pourrait immédiatement impliquer l’ensemble des cinquante principaux acteurs de l'organisation dans la conception de cette transformation vitale pour l’entreprise.  Dans un premier temps, le président directeur général ne pouvait pas imaginer inclure tous ses cadres supérieurs dans la réflexion.  Il voulait tout préalablement préparer avec quelques collaborateurs acquis, son RH et son financier, puis convaincre les autres.   L’idée même de ne pas proposer un plan d'action bien réfléchi était une démarche complètement contre-intuitive pour ce leader solitaire.   En dépassant sa première surprise, cependant, il accepta d’inclure toute sa hiérarchie dans la conception du processus de restructuration.  A sa grande surprise, le projet fut reçu avec un minimum de résistance.   Totalement inclus voire impliqués dès le départ du processus de changement, tous les membres de l'organisation ont mis leur cœur dans la balance, afin de le faire fonctionner.

  • Attention : La résistance au changement n'est pas une résistance au fait qu’il faut changer.   Il s'agit d'une résistance au fait que l'on ne soit pas autorisés à activement participer à la conception du changement.  

Ce qui est appelé la résistance au changement n'est pas une résistance au contenu d'une solution ou une autre, c'est une résistance à un processus d'imposition.  Ceux qui traitent leurs partenaires potentiels comme de simples objets dans le changement provoquent surtout une résistance à leur attitude directive. Quand nous résistons au changement, nous résistons au changement imposé de haut en bas.  Nous résistons au fait que nous ne sommes pas invités à participer à la conception de notre propre changement.  Nous refusons que la nécessité de changement soit utilisée pour instaurer une relation de pouvoir ou de contrôle.  

Une fois de plus, ce type de situation révèle que la forme de la relation proposée est beaucoup plus importante que le contenu.  Dans notre exemple, touts les cadres sinon tous les salarié de l'entreprise en question étaient des acteurs impliqués dans sa réussite.  Si un changement majeur doit être mis en oeuvre, ils peuvent le comprendre et participer à sa réussite.  Si ce changement est imposé, toutefois, ils résisteront très probablement à la nouvelle relation de soumission qui leur est proposée. 

Le paradoxe de la confiance

Souvent, au cours d’une carrière de formateur,  de consultant ou de coach, les professionnels de ces métiers sont abordés par des directeurs des ressources humaines, des opérationnels ou des dirigeants afin de leur demander des formations ou autres solutions au problème de manque de confiance au sein de leur entreprise.  Bien entendu, le même enjeu de déficit de confiance peut apparaître dans d’autres contextes personnels, au sein d’un couple, en famille, dans une relation d’amitié, entre des partenaires sportifs et de projets, etc.

Dépendant du client en coaching, la demande peut concerner une relation entre cadres dirigeants, avec des fournisseurs ou des clients, avec des partenaires sociaux, au sein d’une équipe, etc.  Souvent aussi, le thème de déficit de confiance est évoqué de façon nébuleuse, générale, intuitive, en décrivant une ambiance floue qui concernerait l’entreprise toute entière.  Dans ces cas, le manque de confiance peut figurer parmi les indicateurs sociaux.  Lorsqu’elle est formulée par un dirigeant, la demande peut être traduite de façon simple : pouvez vous faire quelque chose pour réparer cet était de fait ?  Pouvez vous restaurer un climat de confiance qui permettrait aux hommes et aux équipes de mieux travailler ensemble ?

  • Attention: Paradoxalement, cependant, un coach systémique est en droit de contester l’idée même qu’il serait utile de restaurer artificiellement un bon niveau de confiance au sein d’un contexte où tout le monde a appris qu’il vaut bien mieux procéder avec beaucoup de caution, sinon en accordant à personne un minimum confiance, serait-elle superficielle.

En effet, avec un peu de jugeote ou une petite once d’intelligence de situation, il serait normal de se méfier de tout et de tous au sein d’un environnement dangereux, manipulateur ou malsain.  Dans ces contextes, la première stratégie normale de survie consiste à se cacher, à limiter la prise de risques, à attendre, à observer, et à se préserver.  Par conséquent, s’il existe un manque de confiance généralisé au sein d’un environnement donné, qu'il soit personnel, professionnel ou politique, cela est un très bon indicateur que les gens ne sont pas bêtes, et que l’environnement n’est pas aussi sûr ou sain qu’il ne le prétend.

  • Exemple :  Un coach est appelé pour accompagner une équipe nationale de vente dont les résultats affichés sont relativement médiocres, ceci malgré la mise en place de toute une procédure de management participatif par objectifs (MPPO) mis en oeuvre par la direction des ventes. 

Un travail collectif relativement rapide confirma qu’en effet, les vendeurs avaient un potentiel de résultat bien plus élevé que ne le lassait apparaître leurs bilans mensuels.  Mais il s’avéra qu’au fil du temps, le processus de management participatif par objectif prôné par la direction des ventes avait systématiquement servi qu’à cibler puis à éliminer les vendeurs les moins performants.  Au fil du temps, les vendeurs compris que tôt ou tard, ils seraient ciblés à leur tour.  En effet, personne n’est jamais à l’abri d’une période de fragilité ou de défaillance.  En conséquence de cette stratégie éliminatoire mise en œuvre par la direction des ventes, sous couvert d’une action de promotion de leur responsabilités et motivations individuelles, tous les vendeurs de cette organisation se sont tous donnés une bonne marge de sécurité en se fixant des objectifs facilement atteignables.

Il est bien aisé de constater que dans un contexte de management relativement darwinien, une stratégie collective de protection du au manque de confiance dans la direction soit la réponse la plus adaptée, voire la plus intelligente.  Puisque personne ne peut être totalement sûr de systématiquement fournir d’excellents résultats, il vaut mieux se couvrir avec une assurance collective, une forme de mutuelle professionnelle, en se préservant une bonne marge de sécurité.

Pour un coach, la réponse éthique et paradoxale a ce type de situation ou règne la méfiance serait tout d’abord de féliciter les équipes de vente pour leur stratégie de survie.  Elle est en effet totalement adaptée au manque de jugeote des responsables de la gestion des équipes commerciales.  L’étape suivante consisterait à proposer à ces managers d’apprendre à coacher les vendeurs qui manifestent des difficultés à atteindre des résultats plutôt qu’à simplement chercher à les éliminer.  Il vaut mieux savoir accompagner l’apprentissage de son personnel le moins performant que de se mettre en situation de continuellement former des nouveaux remplaçants.  Lorsque dans une équipe, le management se déleste de certains de ses collaborateurs même pour des raisons justifiées, la façon dont cette action est menée a une influence pédagogique importante sur tous ceux qui restent.

Ce cas illustre que dans de nombreuses situations, le manque de confiance dans un environnement donné est non seulement justifié, mais il est totalement réciproque.  Il est systémique, c’est à dire inhérent à l’ensemble du système et partagé par tous ses membres.  Un déficit de confiance n’est pas un facteur aléatoire qu’il s’agirait d’éliminer, sans se poser de sérieuses question sur les responsabilités partagées.  Comme tout autre enjeu collectif, il est lié à un contexte qui repose sur une histoire partagée.  Afin de développer un esprit de confiance partagé au sein de tels ensembles, il est nécessaire pour chacun d'en assumer sa part de responsabilité, de travailler ensemble à la solution, et ceci dans la durée.  Par conséquent, le niveau de confiance ne se modifie que lentement, s’érodant ou se construisant au fil de mesures prises dans le temps et des actions correspondantes.

  • Exemple: Dans des pays totalitaires, les habitants ont appris à se méfier, à se taire, à fournir un minimum d'informations, et souvent à développer une solidarité de résistance.  Cet exemple extrême donne le modèle de ce que l'on retrouve de façon plus ou moins caricatural, dans de nombreuses entreprise de l'Ouest.  Le capital confiance n'est jamais accordé ou retiré aveuglément.  Il est toujours évolutif, actualisé sur une échèle très subtile. Ce n'est toujours qu'une question de degré.

Constatons par exemple que chacun développe quotidiennement de la confiance et de la défiance dans son entourage, en relevant des informations pertinentes, mais presque anodines.  Suite à chaque rencontre, chacun des partenaires peut se poser la question de savoir si cet échange à modifié en plus ou en moins le crédit confiance accordé aux uns et aux autres.  Qu’est que j’ai fait pour améliorer mon crédit confiance?  Qu’est que l’autre a fait qui améliore le sien ?  Bien entendu, cette consigne est inutile.  C’est déjà ce que tout le monde fait intuitivement.

En général, nous mesurons attentivement le niveau de congruence perçue entre les paroles et les actes de tous nos interlocuteurs.

  • Si une personne promet quelque chose puis ne suit pas ou si au contraire, il respecte son engagement,
  • Si une autre ne promet rien puis ne fait rien ou au contraire offre son soutien.
  • Si une autre dit une chose, et plus tard soutient la même chose ou le contraire,
  • Si une autre sourit à un interlocuteur pour ensuite le soutenir ou le démolir dès son départ.

Tout cela nourrit le crédit confiance que chacun accorde aux acteurs et partenaires présents dans l'environnement personnels et professionnels.  Ces comportements sont enregistrés, leurs conséquences ont mesurées, des actions protectrices sont mises en œuvre.  C’est comme cela que le capital confiance est construit ou érodé au sein de n’importe quelle société par l’ensemble de ses membres.  Et souvent le mode opératoire à suivre est clairement mis en œuvre et modélisé par la direction au sein d'une entreprise, par les politiques dans un pays, par le manager au sein d'une équipe.

Par conséquent, tous les indicateurs sociaux au sein d’une entreprise, dont le niveau de crédit confiance, ne sont pas des phénomènes sur lesquels il est possible d’agir indépendamment les uns des autres.  Ce ne sont pas plus des phénomènes qui se limitent à un niveau ou à un autre au sein d’une organisation.  Ils concernent l’ensemble du système social et chacun de ses membres.  De plus, les indicateurs sociaux pointent souvent tous dans la même direction.  Lorsqu’il y a manque de confiance, le niveau de coresponsabilité est bas, la qualité laisse à désirer, il y a un taux important de maladie, d’absentéisme, et de retards, la satisfaction des clients et des employés est à la traîne, la casse et le vol augmente, et si le marché de l’emploi le permet, le turnover du personnel est élevé.  Aujourd'hui, on dira même qu'il y a des risques sociaux.  Ces mêmes indicateurs sociaux peuvent se décliner au niveau d'un quartier, d'une ville ou d'une nation.

En conséquence de quoi, lorsqu’un coach rencontre un client qui avoue ne pas se sentir en confiance dans une relation particulière ou au sein d’un contexte collectif, la seule réponse véritablement éthique et souvent perçue comme paradoxale serait d’activement soutenir son intuition en lui proposant d’y accorder la plus haute importance.  Ce type de symptôme systémique ne peut et ne doit être résolu par des actions palliatives et trop ciblées sur des populations saines.  Il serait bien plus durable de traiter le problème de fond qui concerne l’ensemble du système par une action de coaching systémique.

Faire face aux paradoxes du coaching

L'existence de paradoxes dans la profession de coach ne veut pas dire qu'il n'y a aucun espoir de changement à travers une approche de coaching exécutif, d’équipe ou organisationnel.   Comme dans d'autres situations paradoxales, une posture accueillante, une bonne gestion de la complexité et une approche stratégique ou systémique peut faire des merveilles.   Pour être efficace, tout  changement au sein d’une équipe ou d’une organisation gagne à faire une place pour la participation de toutes les personnes ou systèmes concernés.  Les changements organisationnels se doivent d’impliquer l’ensemble des acteurs concernés.  

En effet, le changement culturel durable au sein de systèmes complexes n'a jamais été l'œuvre d'une seule personne ni d’une seule équipe, même si ces dernières sont formidablement volontaristes.   Quelle que soit sa conception, la réussite d’un changement durable ne peut être conçue derrière des portes closes pour ensuite être poussée ou vendue de façon séduisante aux personnes qui doivent la faire vivre. Par conséquent, un changement efficace et durable au sein d’une organisation ou d’une société ne peut pas être décidé et mis en œuvre par la seule direction.

  • Attention: L’accompagnement du changement par le coaching d'organisation consiste généralement à impliquer simultanément des groupes de plus de 50 à 100 acteurs clés en coaching collectif. Les participants y travaillent ensemble en modifiant leur mode d'interface interpersonnel et organisationnel. Ce travail est autant centré sur l’évolution des processus que sur la transformation des contenus opérationnels de l’organisation cliente.

Paradoxalement et afin de réussir, le leader et l’équipe de direction ont besoin d'être très impliqué dans cette délégation du processus de transformation systémique.  Dès son origine, l'orchestration d'un processus de coaching d'organisation est conçu pour permettre l’émergence de nouvelles solutions en impliquant les échelons inférieurs du système, de sa base.  Paradoxalement et afin d’assurer sa réussite, la présence active de la direction est toujours nécessaire dans ce type d’approche.  C’est la direction qui doit permettre l’émergence de l'intelligence intuitive au sein de l’organisation qu’elle dirige. Par sa présence et son soutien actif, la direction facilite la création, la remontée et mise en oeuvre des nouveaux processus et des solutions émergentes.

Par conséquent, ce n'est pas nécessairement contradictoire de constater que la profession de coach est perçue comme reposant sur ​​un certain nombre de paradoxes fondamentaux.   Ceux-ci ne doivent pas être perçus comme des contradictions ou des difficultés.  Ces paradoxes révèlent simplement que le coaching doit s'intégrer dans un paradigme beaucoup plus grand, plus systémique, plus durable et plus inclusif.  Ce paradigme englobe et permet l’expression de la complexité.   

Un ce ces éléments de complexité repose souvent sur le constat qu'il y a autant - sinon plus – d’intérêt pour le leadership de limiter le changement qu’il y a des motivations existentielles pour ce leadership de favoriser l'innovation.   Pareillement, la base n’est pas résistante au changement, bien au contraire, si ce changement ne consiste pas continuer à faire la même chose, en pire.

Par conséquent, une compréhension claire de la position paradoxale du coaching organisationnel peut immédiatement ouvrir des portes à de nouvelles stratégies extrêmement résolutoires.  Dans un premier temps, il s'agit souvent d’accepter d'adopter l'incertitude, la diversité, la contradiction, la tolérance des imperfections créatives, et parfois un état de chaos très déroutant.  Cela permet d’accéder à la nature fondamentalement systémique des processus de transformation.

Une perception claire de ces paradoxes inhérents à la profession de coach permet également aux professionnels du métier d’accueillir leurs propres contradictions personnelles et professionnelles.   Cette posture propose aux coachs professionnels systémiques d’accompagner de façon plus appropriée les clients qui sont souvent aussi confus dans leurs contradictions profondes, dans leurs propres quêtes fondamentalement incertaines.  Par conséquent, une acceptation des paradoxes systémiques peut fournir aux coachs la capacité de travailler avec leur propre complexité, avec leurs propres incertitudes, afin d’accompagner leurs clients à trouver leur chemin à travers leurs contradictions.    

Lorsque les coachs épousent ou acceptent pleinement les fondements paradoxaux de leur propre travail, ils peuvent s'ouvrir à une perspective tout à fait différente de leur métier.   Cela leur permet d'être en mesure d’accueillir tous les autres paradoxes fondamentaux inhérents aux contextes organisationnels, sociaux-culturels et politiques dans lesquels un grand nombre de leurs clients vivent et travaillent.  Certains parmi lesquels sont présentés ci-dessous. 

III- LES PARADOXES DU COACHING EXECUTIF

En présentant la liste des paradoxes inhérents au métier de coach, il peut sembler de plus en plus évident que l'attribution stricte de certains d'entre eux à la profession est injuste.

En effet, si par exemple, les coachs vendent du coaching c'est aussi parce que leurs clients s’y attendent.  Ils ne sont pas convaincus du bien fondé de l’approche et souhaitent entendre de bons arguments avant d’envisager d’entreprendre une démarche qui devrait, pour être efficace, surtout reposer sur leur initiative. Pour un coach, le fait de s'adapter temporairement à certaines stratégies paradoxales élaborées par leurs clients oeuvrent à reporter des décisions à travers un processus de coaching peut en fait être une excellente première étape stratégique.  Cela peut permettra à ces mêmes clients de prendre conscience par la suite qu'ils ont toujours su ce qu’ils voulaient faire, et même comment le faire.

En fait, chaque fois qu'une relation a lieu entre deux entités, nous pourrions affirmer que quel que soit la caractéristique ou la définition que l’on attribue à l'un ou l’autre des éléments constitutifs de l'interface, ces caractéristiques pourraient être également attribués à tous les autres éléments présents dans l’interface.  De cette façon, une approche véritablement systémique serait beaucoup moins affirmative dans l'attribution d’occurrences paradoxales soit à la profession de coach soit aux différents éléments constitutifs de l’environnement au sein duquel ces professionnels ont le privilège de déployer leurs compétences.

Par conséquent, les paradoxes du coaching présentés dans le texte ci-dessus et les paradoxes organisationnels et exécutifs présentés dans le texte ci-dessous peuvent tous également concerner à la fois les professionnels du coaching et le contexte de direction et d’autres  partenaires au sein de l'organisation cliente.  Il s'agit en effet surtout du monde paradoxal au sein duquel nous cherchons à évoluer, du monde paradoxal auquel nous souhaitons apporter notre contribution.

Le paradoxe de la gestion du temps

Souvent les coachs, consultants et formateurs sont approchés par des clients à la recherche de solutions pour mieux gérer leur temps.  “Comment puis-je mieux manager mon temps?” est la question sempiternelle de leaders, entrepreneurs, vendeurs et autres professionnels qui sont quelquefois prêts à payer très cher des solutions, à condition, bien entendu, que ça ne prenne pas trop de temps. Dans d'autres contextes, bien sûr, le temps est évoqué comme une des raisons principales pour ne pas faire ce qu'il serait utile et intelligent de mettre en oeuvre.  "Bonne idée, mais nous n'avons pas le temps".   Bien entendu, aussi, les managers savent qu'ils apprendre à mettre en oeuvre des moyens pour mieux gérer leur temps, mais ils n'ont pas le temps d'aller les apprendre. 

Par conséquent, le thème de gestion du temps est tellement présent qu’il est à l’origine d’énormes dépenses en formations intensives, en agendas luxueux, en logiciels complexes, en gadgets électroniques à la mode et en coaching exécutif personnalisé.  Mais le paradoxe de la gestion du temps, c’est que dans la majorité des cas, il ne concerne pas le temps.  Il est un fait indéniable que nous disposons tous de 24 heures par jour.  Que vous soyez le PDG d’une entreprise multinationale ou le manager local d’une équipe hyperactive, vous pouvez soit sentir que vos journées sont bien trop courtes pour accomplir quoi que ce soit, ou alors vous pouvez vous organiser pour vous préserver beaucoup de temps afin d'avoir du champ libre et rester stratégique, ce qui souvent se résume à la même chose.

  • Attention: Considérez deux critères communs à toutes les personnes qui manifestent quotidiennement des enjeux de gestion de leur temps: elles ne délèguent que trop peu et elles ont des attitudes et comportements perfectionnistes, extrêmement exigeants. 

De fait, tout ceux qui veulent garder le contrôle sur trop de détails sont aussi ceux qui proclament que leurs journées sont beaucoup trop courtes pour assurer leur supervision pointilleuse.  En effet, les managers qui n’accordent pas à l’autre un minimum de confiance, qui ne savent lâcher prise sur leurs attentes excessivement exigeantes sont aussi ceux qui doivent arriver plus tôt et partir plus tard que la moyenne, et emporter du travail à finir pendant leurs weekends.  Les dirigeants qui préfèrent tout faire eux-mêmes, ceux qui sont convaincus qu’eux seuls sont capables de bien assurer les résultats sont invariablement ceux qui s’inquiètent, se stressent et développent des ulcères.

  • Exemple: Un coach fois constaté que lorsqu'un manager est promu à un nouveau poste, il commencera alors à assumer les responsabilités de management de son poste précédent.

Lorsqu'un PDG est promu à cette place de dirigeant à partir d'un poste de direction financière, on peut donc s'attendre à ce qu'il gère son entreprise surtout à partir d'un cadre de référence financier, et pire, surtout à partir du département financier de son organisation. Si ce même PDG est originaire d'un poste de marketing, nous pouvons nous attendre à ce qu'il gère son entreprise à partir de son ancien poste de marketeur.

Invariablement, ces cadres sont tellement impliqués avec leurs anciens postes, niveaux ou champs d'origine qu'ils interviennent constamment dans la zone de responsabilité de leurs subordonnés ou remplaçants.  Par conséquent, ces derniers ne peuvent établir leur crédibilité, et deviennent frustrés. Invariablement, les cadres qui veulent garder une prise ferme sur les détails de leur champ d'expertise d'origine, sont aussi ceux qui prétendent que leurs jours sont bien trop courtes pour tout faire.  De plus, ils n'assument pas leur nouveau poste, bien plus stratégique.

  • Exemple: Kronos est le dieu du temps de la Grèce antique.  En fait il est un Titan pré-hellénique.  De son nom vient les mots chronomètre et chronologie. Il est connu pour avoir mangé tous ses enfants (subordonnés), sauf Zeus, heureusement sauvé par sa mère. 

Constatez que le processus de non délégation s’auto alimente.  Lorsque vous ne faites pas confiance aux autres,  lorsque vous sur-contrôlez vos employés, vous ne réussissez à retenir que ceux qui acceptent ou qui provoquent cette constante supervision.  Lorsque vous justifiez votre existence en supervisant attentivement les tords et les travers de votre entourage afin de passer votre temps à réparer, cet entourage trouvera rapidement des façons créatives d’alimenter votre besoin existentiel, en vous fournissant assez de matière pour vous occuper à plein temps, voire un peu plus.

  • Attention: Le paradoxe de la gestion du temps, c’est surtout qu’il concerne plutôt la bonne gestion de sa place, et la capacité de laisser à l’autre l’entière responsabilité d’occuper la sienne. 

Savoir être un bon manager ou dirigeant ne consiste pas à savoir faire le travail de ses collaborateurs, à réparer leurs erreurs ni à compenser leurs limites.  Savoir manager, c’est savoir encadrer en définissant des objectifs, en allouant les moyens nécessaires puis à laisser le champ relativement libre jusqu’au moment d’évaluer les résultats.  Pour pouvoir agir de façon efficace, chacun a besoin d'avoir sa place.  Pour manager une équipe de façon efficace, il suffit de l’encadrer puis de la laisser, comme laisser chaque collaborateur, accomplir sa tache correctement et obtenir ses résultats. 

Cette observation nous mène à une conclusion évidente : les problèmes de gestion du temps révèlent une incapacité à tenir sa propre place et à encadrer celle les autres.  Les patrons et dirigeants qui manifestent des difficultés importantes à gérer leur temps ne savent simplement pas manager en respectant la place leurs collaborateurs, ni leurs fournisseurs, ni leurs clients ni leurs partenaires. 

  • Exemple: Notez que la même chose se produit dans une relation à deux.  Si les limites entre les personnes ne sont pas bien posées et respectées, il y a de fortes chances qu'un des partenaires, voire les deux, ressentent un problème de gestion de son temps. Ici aussi, la gestion de l'espace de chacun est lié au temps.

Le paradoxe repose sur le constat que lorsque des managers manifestent des enjeux de gestion du temps, c’est qu’ils font le travail d’autres à leur place.  De fait, manquer de temps à la fin de la journée n’est qu’un simple indicateur que vous n’étiez pas à votre juste place, ou dans votre propre espace. Cela semble indiquer qu’en management aussi, comme l’a si brillamment démontré Einstein, le continuum de l’espace-temps est ainsi construit que si vous perdez votre temps, vous n’êtes tout simplement pas à votre place.  Vous devriez peut-être apprendre à mieux déléguer.

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Le paradoxe de la délégation

La délégation trouve naturellement sa place dans une organisation où les employés se comportent comme s'ils étaient libres.   En effet l’acte de déléguer est autant apparenté au Latin legare ou légation, qu’à legature qui donne ligament ou lien.   Le principe sous-jacent est facile à comprendre: une fois déliés ou libérés de contraintes excessives, les employés peuvent prendre des initiatives adaptées, intelligentes, assumer des responsabilités appropriées.  Ils peuvent se donner les moyens d'agir de façon efficace et proactive pour atteindre un objectif.   Ces personnes déliées sont assez autonomes pour spontanément analyser les besoins, prendre des décisions, agir et informer leurs dirigeants quant à leur progression vers les objectifs désignés.

Notez que les dirigeants ne sont mentionnés dans la définition ci-dessus de délégation.   En coaching systémique, la délégation est ainsi définie par le bas, en décrivant l’état et l’action des personnes libérées.    La délégation n'est pas définie par les dirigeants, par ce qu’ils font, à partir d’une dynamique initiée du haut vers le bas.  Autrement que de laisser aux autres leur juste place, il n'est aucunement nécessaire d'énumérer de façon paradoxale, tout ce que les dirigeants doivent faire d’autre pour que le personnel puisse assumer son autonomie.

  • Exemple: Un dirigeant demande de rencontrer un coach.  Son problème est relativement banal.   Déployant un profil hyperactif et relativement contrôlant, son comité exécutif lui suggère fortement de prendre les moyens afin d’apprendre à déléguer. 
Lors du premier rendez-vous, le coach reformule la motivation de ce PDG : _ « Donc si je comprends bien, non seulement vous êtes totalement responsable de tout ce qui se passe dans votre organisation, mais maintenant et en plus, vous allez aussi être responsable de la changer afin d’y développer une culture de délégation ? ».  Le dirigeant est surpris et reste silencieux quelques temps.  Encore pris par le cadre de référence de son organisation, il peine à comprendre la nouvelle perspective que provoque la question du coach.

Cette difficulté de perception manifestée par ce PDG est relativement courante au sein de cultures d’entreprises fermement dirigées, organisées dans une logique d'ordres descendants, menées par un leader technocratique ou charismatique.  En effet, lorsque le personnel d’une entreprise a vécu pendant des années dans l’idée que c’est aux leaders d’être responsables de tout, il va de soi que s’il doit y avoir changement, c’est aussi de la responsabilité des leaders de le concevoir et de le mettre en œuvre. Paradoxalement, cette attente concerne aussi leur propre passivité.  C'est au patron de faire quelque chose pour changer ça aussi.

  • Attention: Le premier paradoxe évident dans cette situation relativement banale est que si les leaders doivent s’assurer que la délégation soit bien mise en œuvre, ils continuent à être perçus comme les principaux responsables de ce changement. Or si les leaders sont tenus responsables du succès de la délégation, la véritable délégation reste inexistante. 

Par conséquent, nos dirigeants ne peuvent avoir la responsabilité de déléguer à leurs collaborateurs.  C’est aux collaborateurs de prendre plus de responsabilités, afin de provoquer plus de délégation.

Ce paradoxe en révèle toutefois un autre.  Lorsque comme dans le cas ci-dessus, les collaborateurs s’entendent pour dire à leur patron de déléguer plus, ils le rendent responsable des initiatives qu’ils évitent de prendre, de l’espace qu’ils devraient occuper.  En effet, lorsque des employés demandent plus de délégation de la part de leurs hiérarchiques, ils ne font que donner à ces derniers la responsabilité de leur comportement passif. Par conséquent et paradoxalement, la meilleure façon pour la base de déléguer vers le haut, vers leurs patrons, c'est de leur demander de déléguer plus vers le bas, à leurs employés. 

  • Attention: La délégation est aussi paradoxale que la liberté ou l’indépendance.  Si vous n’en voulez pas, demandez la à quelqu’un d’autre.  Si vous en voulez, il suffit de la saisir.  En demandant la liberté à autrui, nous la lui donnons.  Nous pouvons alors attendre longtemps, plutôt que de simplement l’assumer tout de suite.

Par conséquent, la délégation est parente de la liberté, de l'indépendance ou de l’autonomie.   Si l'on ne veut pas assumer sa liberté en la prenant, parfois même en se battant pour l’obtenir, il est utile de la demander à quelqu'un d'autre.  Cela permet de ne pas en être responsable, de gagner du temps et d’assurer son confort.   Par conséquent, en demandant passivement et paradoxalement à quelqu'un d'autre de leur donner leur indépendance, certaines populations renoncent à leur liberté.   C'est ce que de nombreux employés font à leurs dirigeants.  

Le paradoxe de la délégation est très présent au sein d’environnements centralisés, des d’entreprises qui privilégient l’organisation, la prévisibilité et le contrôle, des structures autocratiques. Le paradigme principal partagé par la grande majorité des membres de ces systèmes sociaux rend le chef et la hiérarchie responsable de presque toutes les dimensions de la vie personnelle et professionnelle. Paradoxalement, cela sied aussi à la base déresponsabilisée, qui apprend à râler pour soutenir le système qui leur est, somme toute, très confortable.  L’attitude sous-jacente est passive.  Elle stipule que rien ne peut changer cet état de fait.  Les employés, voire les citoyens ne peuvent pas changer leurs dirigeants afin de les rendre capables de délégation. Par conséquent, les leaders ne peuvent rien changer puisque tous les rendent seuls responsables de changements culturels majeurs.

  • Exemple: (suite) La solution stratégique développée afin d’accompagner le PDG cité plus haut a consisté à mettre en œuvre un changement collectif et systémique au sein de l’ensemble du comité de direction.

L’objectif de ce processus de changement vise à modifier la qualité des interfaces opérationnelles entre les membres du comité, comme avec le PDG.  Cela permet à chaque membre du comité de direction d’augmenter ces capacités à prendre des responsabilités, à les partager avec ses pairs, tout en informant l’ensemble de son environnement de toutes ses initiatives personnelles. Ce type de changement au sein d’un comité de direction est la première étape dans la mise en œuvre d’une transformation culturelle du système bien plus large que cette équipe dirige ensemble.

Lorsque les membres d’un comité de direction prennent ensemble des initiatives intelligentes, assument ou prennent leurs responsabilités de façon appropriée, ils modèlent un nouveau comportement qui est vite reproduit par le reste de leurs collaborateurs. Alors spontanément, chacun des autres membres de l'organisation commence à analyser les besoins, prendre des décisions, mettre en œuvre des actions et informer l’environnement professionnel de ses progrès par rapport aux objectifs collectifs définis.  C’est bien cela la délégation.  Bien entendu, encore faut-il que les collaborateurs soient motivés.

Le paradoxe de la motivation

Au cours des cinquante dernières années, la question centrale est de savoir comment motiver le personnel.  Elle a probablement été posée à tous les niveaux de management de la plupart des organisations du monde entier.   Étonnamment, les nombreuses études et solutions proposées pour tenter de résoudre cette question fondamentale n'ont pas entraîné de changement perceptible.   Aujourd'hui, les mêmes questions sont encore posées aux coachs et consultants par les mêmes organisations. Les solutions proposées semblent toujours aussi inefficaces.   Nous pourrions même considérer que toute la question de la motivation doit être profondément revue.   Une sensibilisation au paradoxe de la motivation et une perspective systémique peut offrir quelques nouvelles idées sur le sujet.

Un grand nombre d'organisations sont en effet confrontés à un fait indéniable.   Les cadres supérieurs et les cadres intermédiaires ne savent pas quoi faire pour élever le niveau de motivation des employés et l'engagement qui vient avec elle.   Par conséquent, ils externalisent la question aux experts, consultants, formateurs et les entraîneurs dans l'espoir que ces fournisseurs indépendants pourraient trouver de nouvelles solutions.   Or avec une perspective de coach, si nous ne trouvons pas la solution à un problème, c’est souvent que le problème est mal posé.

Pour engager une réflexion sur la question, noter qu'il existe beaucoup de mots liés à la même étymologie que motivation.   Certains, comme «moteur» et «automobile» se rapportent à l'environnement mécanique.   Une perspective de management repose sur ce point de vue mécaniste. Si nous percevons le personnel d’une organisation comme une simple force de travail, comme l’équivalent remplaçable de machines de production, alors la question qui se pose est en effet une question de carburant.  Quel peut être ce carburant qui permettrait au personnel d'exécuter correctement leur travail ?  La réponse évidente, posée à ce niveau de réalité, c’est le salaire agrémenté de divers avantages directs et indirects.   

En conséquence de cette perspective habituelle sur la motivation, le coaching et la formation sont dispensés dans des destinations coûteuses ou exotiques.  Elles sont autant choisies féliciter que pour stimuler l'énergie future des employés.   C'est l’ancienne carotte revue et corrigée.   Dans cette perspective, les packages, la rémunération, tous les autres avantages indirects et autres stimuli sont créés et conçus pour motiver et retenir les meilleurs employés et managers.   Les coachs sont appelés afin de contribuer réveiller et responsabiliser les mécontents, les déçus et ceux qui vivent leur détresse, afin de remotiver. Aussi, d'énormes sommes d'argent sont dépensés chaque année pour améliorer l'environnement physique, la décoration, le confort du lieu de travail dans le but d'améliorer le moral et la motivation.

En dépit de toutes ces stratégies coûteuses, de nombreuses organisations n’obtiennent pas des résultats bien meilleurs que s'ils embauchaient une aide temporaire peu engagée.   Par ces approches, certaines entreprises ont même réussi à ne retenir que leurs employés les moins motivés.  Ceux qui sont certains de ne pas trouver un meilleur package ailleurs.   Les plus motivés partent ailleurs. En bref, la perspective mécaniste appliquée à la motivation peut en fait être complètement à côté de la plaque.

  • Attention: pour les coachs systémiques, quand un problème reste présent pendant des décennies, c’est que nous ne sommes pas en train de le résoudre.   Nous nous adaptons simplement à sa présence.   Et il est évident que lorsque l'on ne trouve pas une réponse à un problème particulier, nous ne l'avons pas défini correctement.

En ce qui concerne la question de la motivation des employés, les organisations sont à la recherche de solutions depuis des années, mais en restant au sein d’un cadre de référence erroné.    Nous devons considérer qu'il peut y avoir une faille dans notre approche et que nous devons reconsidérer la perspective dans laquelle nous posons notre question. 

  • Attention:   Si nous nous demandons comment motiver le personnel, nous partons du principe que, fondamentalement, leur nature est d'être démotivés, ou que leur motivation est quelque chose qu'ils peuvent épuiser.   Dans cette perspective, la motivation n'est pas de la responsabilité des employés, ni un état qu'eux seuls peuvent se créer.  

Cette hypothèse n'est peut-être tout à fait fausse.   Que faire si l'équation fondamentale était inversée?   Que faire si les employés étaient naturellement et intrinsèquement motivés et engagés.   Que faire si dans le contexte actuel, ils n'étaient tout simplement pas en mesure d'exprimer leur motivation intrinsèque ?

Au lieu de chercher des moyens de motiver le personnel, les équipes, les organisations, les dirigeants et les cadres, nous avons peut-être simplement besoin d'arrêter d‘étouffer leur motivation naturelle.   Par conséquent, dans la plupart des organisations et des environnements collectifs d'aujourd'hui, la question pourrait devenir comment peut-on rétablir les conditions, voire les autorisation pour que les manager et leurs employés puissent sentir qu'ils ont le droit d’agir ?   Cela peut être fait par un accompagnement de coaching de direction, d'équipe et d'organisation.

  • Au lieu de tenter de retenir des employés mécontents, la vraie question pourrait être "comment pouvons-nous cesser d'aliéner le personnel d’une entreprise, voire les habitants d’un pays,  au point de leur donner l’envie de quitter leur environnement trop restrictif ?  Cette façon de formuler la question peut être accompagné par le coaching.
  • Au lieu de chercher les moyens de remotiver le personnel, la vraie question est peut-être "comment les cadres dirigeants peuvent ils apprendre à soutenir toutes les initiatives utiles?"   Encore une fois, ce point de vue et l’élaboration de stratégies appropriées sont au centre du cadre de référence du coaching systémique.

 
Peut-on cesser de considérer que  l'état naturel du personnel, c’est d’être foncièrement démotivé, et de vouloir partir pour une autre société dès la première occasion?   Cette position ne fait que s’auto confirmer. Chacun s’inscrit très naturellement au sein du contexte ou du cadre de référence proposé, chacun y adopte les comportements utiles pour le confirmer, et chacun obtient les résultats que cet ensemble permet.

Nous pouvons prendre un regard honnête sur la manière dont les organisations sont dirigées et remettre en question la façon de transformer les réflexes de contrôle de notre culture de management, afin de laisser les employés naturellement déployer leur motivation intrinsèque et commencent à grandir, se développer et s'épanouir.   Ce cadre de référence est moins onéreux et beaucoup plus efficace.   Lui aussi se confirmera naturellement.   Les cultures d'organisation positives savent naturellement attirer les meilleurs talents et les conserver sur le long terme.   Elles savent laisser les employés naturellement se développer au sein d'un environnement d'apprentissage stimulant.   Cela arrive sans avoir  de déployer des moyens somptueux, distribuer des avantages exorbitants, payer des voyages exotiques, des carottes diverses, des systèmes de rémunérations de plus en plus complexes.

Étymologiquement, le mot «motivation» est également lié à «motion», «mouvement», à «motif».  Cela nous renvoie au besoin ou au désir qui provoque à agir, et à "émotion" qui veut dire attiser. Ceci peut indiquer que la motivation, le mouvement et l'émotion sont très étroitement liés.   Par conséquent, on pourrait verser à ses employés deux fois de salaire ans qu’ils ne soient plus motivés.  Les émotions sont proches des besoins et des désirs, et sont essentiels à la motivation et le mouvement, du moins autant que les êtres humains sont concernés.   Les gens ne sont pas des machines ou des voitures. .   Le salaire n’émeut pas.

Dans les organisations comme ailleurs, le principal facteur de motivation individuelle est la qualité émotionnelle des interfaces opérationnelles dans l'environnement immédiat de l'employé, en d'autres termes au sein de leur équipe immédiate et avec leur chef immédiat.   Pour avoir des employés motivés, il est simplement nécessaire de développer des équipes performantes et des managers efficaces.   Pour ce faire, il est utile d’accompagner les dirigeants à créer des environnements de travail positifs au sein desquels le personnel sera en mesure d'exprimer leur plein potentiel naturel et intrinsèque.

Donc, pour développer un contexte motivant, les organisations pourraient mettre fin à toutes les stratégies qui paradoxalement, le détruis.   Cela signifie attribuer beaucoup moins de temps, d'énergie et de moyens pour encadrer, mesurer, contrôler et limiter les employés.   Les organisations ont besoin de bien moins de chevauchements entre tous les systèmes contraignants mis en place dans les dernières décades.  

Cela inclus l'élimination de toutes les camisoles telles que les systèmes de gestion du temps gérés de façon centrale, de gestion financière, de gestion de la qualité, de gestion des processus, de gestion du personnel, de gestion des carrières, etc.  Toutes ces les procédures de contrôle sont imposées de haut en bas, jamais déléguées.   La plus grande partie de ces couvercles organisationnels qui étouffent la motivation des salariés ont été conçus et déployés par les sièges, afin de tout centraliser et contrôler au cours des cinquante dernières années.

Le paradoxe du contrôle

Fait intéressant, à chaque fois que nous parlons de délégation dans les organisations les plus modernes, généralement centralisatrices, nous entendrons toujours la question qui tue: «Oui, mais qu'en est-il des contrôles?   Nous ne pouvons quand même pas déléguer sans contrôle ! ».  La question est plutôt une réponse.  Or souvent, le seul contrôle dont il s’agit, c'est le seulement pouvoir de contrôler l'information, et surtout de retenir celle qui concerne la mesure quotidienne des résultats.

Cela dit, cette association immédiate entre la délégation d'une part, et l’utilité des systèmes de mesure et de contrôle d'autre part, nous révèle un autre paradoxe, présent dans toutes les grandes entreprises.   Ces organisations gérées par des systèmes centralisés sont généralement très sélectives quant à la distribution de toute l'information soigneusement accumulée sur le personnel et sur leurs résultats.  Cette information est généralement moulinée, analysée, disséquée, et puis retenue.  Elle donne au managers une illusion de contrôle qui justifie leur présence, à défaut de savoir manager.

Dans presque toutes les organisations, des informations précises sur la carrière des employés, sur leur potentiel, leurs comportements, leurs résultats, leur qualité mesurable, leurs ventes, leurs pertes, leurs relations, leurs bénéfices etc. sont toutes accumulées et conservées, de façon presque secrète par le centre ou le siège. Il ne faut pas oublier que la direction dite des ressources humaines hérite d'un passé souvent managé par des anciens militaires à l'Ouest, et par les membres du parti à l'Est.  Les informations recueillies ne sont diffusées que de façon parcimonieuse et confidentielle, qu’auprès des analystes compétents, et puis auprès des décisionnaires.   Qu’elles soient individuelles ou d'équipe, les mesures comparatives des performances de production, de résultats ou de management ne sont presque jamais rendues publiques.  Pire, elles ne sont que très rarement et parcimonieusement partagées avec les personnes les plus concernées: les employés, les agents de production, les vendeurs.

  • Exemple: Dans l'hôtellerie internationale, le directeur d’un hôtel ne peut que rarement comparer les rapports mensuels concernant ses propres résultats financiers avec ceux des autres hôtels à travers le monde, ni même dans sa propre région. 

Au niveau des départements juste en dessous, lorsque les managers ont individuellement accès à leurs résultats mensuels ou trimestriels, ces rapports ne sont jamais comparés à ceux d'autres départements équivalents dans d'autres hôtels.   Sur le plan subalterne encore, les chefs d’équipe n'ont que rarement accès à leurs résultats opérationnels ou financiers, et ils ne peuvent les comparer à d’autres chiffres pertinents.   Par conséquent, de façon général, les chefs d'équipe et managers ne peuvent se manager et manager leur personnel que par la gestion des tâches.  Cette rétention de toute les informations pertinentes et comparative ne permet à personne de intéresser à ses résultats quotidiens.

Dans les organisations les plus transparentes, les  cadres supérieurs et intermédiaires reçoivent des mesures mensuelles concernant leurs résultats.   Mais même si les chiffres existent, ces personnes n'ont pas accès à leurs résultats quotidiens ou hebdomadaires, et ils ne peuvent pas les comparer avec un benchmark, ni avec le résultats de leurs pairs.  Ils n’ont pas de repères chiffrés et réguliers par rapport à eux mêmes ni par rapport aux autres. De fait tout ce monde est sont tenu dans l'ignorance des résultats comparatifs concernant leur propre travail.   Le système ou le siège demande à l'ensemble de l'organisation de travailler pendant des jours, des semaines, voire des mois en leur donnant bien peu d'information en retour. Le personnel a peu ou pas de mesure régulière et détaillée sur ce qu'ils accomplit.   Cela a un effet désastreux si l'on considère que la mesure des résultats est l'un des principaux facteurs de motivation.

Les raisons pour ne pas donner tous les jours, à tout le personnel, accès à toutes les informations pertinentes concernant leur contribution personnelle aux résultats collectifs est fondée sur ​​l'hypothèse non vérifiée qu'ils ne sont pas intéressés, mais surtout sur la nécessité du secret, et l'illusion d'un contrôle central.   Le paradoxe, cependant, c’est que cette information diffusée quotidiennement pourrait donner au personnel la capacité de constater et donc développer ses propres résultats.   En effet, lorsque l’on donne aux individus une rétroaction immédiate quant à l'efficacité de leurs comportements, ils ont naturellement et immédiatement tendance à l'ajuster voire le modifier afin de mettre en oeuvre une plus grande efficacité.   Si cette information n'est donnée qu'une fois par mois voire jamais, ces mêmes personnes perdent tout intérêt dans ce qu’ils font.

  • Exemple: Lorsque les automobilistes sont donnés des rapports mensuels qui prouvent qu'ils consomment plus d'essence s’ils conduisent à plus de 90 km à l'heure, ils ne modifient pas leur comportement.  S’ils ont un ordinateur de bord qui les informe sur leur consommation à la minute près, ils ont naturellement tendance à fortement diminuer leur vitesse.

Imaginez que ces résultats de conduite individuelle soient mis à la disposition de tous les membres d'une communauté donnée.  La mise en public des résultats de chacun peut provoquer une émulation.  Cela peut faire en sorte que le niveau de consommation baisse encore plus.  Cette délégation au public de toutes les mesures de résultats peut aboutir à de bien meilleures performances.  Elles ne doivent surtout pas être retenues par un centre de contrôle, avare de ses informations.

Dans les organisations, le processus d'aliénation est très simple:   Le centre ne fais pas confiance au personnel et retient la quantité et qualité d’informations pertinente concernant leur production.   Sans cette information en rétroaction, le travail de chacun et du collectif perd son sens. En conséquence de ce manque de retour, le personnel perd son intérêt et sa motivation.   Cette perte d'intérêt provoque une production et une qualité de plus en plus faible.  En retour, cela provoque plus de méfiance dans le personnel, et une augmentation des systèmes de contrôle centralisés, dont l'accès est encore plus interdit au personnel.   Sentant qu'il est tenu de plus en plus hors du coup, ou hors de la boucle d’informations pertinentes, le personnel devient encore plus démotivé.   Et depuis des années, afin de tenter de résoudre la situation, tout le monde fait encore plus de la même chose. Les systèmes de mesure de tout et sur tout, complètement centralisé, deviennent insupportablement contraignants.

Le paradoxe systémique face à cette situation paralysante est évidemment de donner à chaque employé et à tous les employés, de façon quotidienne sinon hebdomadaire, toutes les informations pertinentes concernant leurs réalisations et résultats professionnels, individuels et collectifs. Il faut leur donner la capacité de comparer cette information entre eux, et avec tous les benchmarks de référence.   Par ce biais, chaque employé et chaque équipe pourra rapidement décider de développer ses propres capacités d’atteindre de meilleurs résultats dans tous les domaines mesurés.   C’est ce qu'il conviendrait d'appeler la délégation du contrôle.

  • Attention: Nous pourrions peut être aboutir à la réalisation paradoxale que les systèmes de contrôles centralisés, c'est à dire de pouvoir, ne sont pas du tout nécessaires dans un environnement de véritable délégation. Le centre peut ne faire que mesurer les résultats de façon pertinente et diffuser ces mesures à tout le monde, qui saura naturellement agir en conséquence.

Rappelons que l'une des définitions souvent répétées de coaching mentionne le fait que le processus d'accompagnement facilite l’apparition ou l’émergence de solutions inattendues.   Proche de « faire surface », l’étymologie d’émergent signifie qui « remonte du fond de la mer ».   En fait, les solutions émergentes du coaching peuvent être littéralement interprétées comme exactement le contraire de solutions qui descendent du haut vers le bas.   De cette façon, sur le plan individuel, une solution émergente serait le plus susceptible de venir du fond du cœur ou des tripes, peut-être à partir d'une intuition ou une intuition, mais ne serait pas un produit de l'intellect ou de la tête.   De même dans les organisations, les solutions émergentes ne sont jamais issues du siège ou de la direction.  Si l'on souhaite les obtenir, il suffit d'informer les personnes concernées sur toute les mesures pertinentes concernant les résultats de leurs actions opérationnelles.

Cette ce constat est celui sur lequel repose un véritable processus de coaching d'organisation.  Pour permettre l'atteinte de résultats vraiment extraordinaires, le coaching d'organisation doit être accompagné d'un nouveau processus de partage d'information pertinentes avec l'ensemble du personnel concerné.

Le paradoxe de la prise de décision

Nous l’avons déjà abordé plus haut dans ce texte, dans la section sur la passivité : Lorsqu’un client dit à son coach qu'il a besoin d'un accompagnement afin de prendre une décision, cette décision est déjà prise.  Paradoxalement, ces clients veulent généralement juste gagner un peu de temps afin de reporter leur passage à l’acte, leur mise en œuvre.  Plus haut, nous somme allés jusqu’à interpréter que pour de nombreux clients, l'intérêt principal d'un coaching personnel ou exécutif est en fait de "travailler sur" une possibilité de décision aussi longtemps que possible, et ceci afin d'éviter d'agir immédiatement sur ce qu'ils savent déjà qu'ils doivent faire.   Dans cette optique, le coaching peut en fait être perçu comme un processus de report.  Il est surtout utile aux clients qui veulent éviter d'avoir à immédiatement agir sur ​​des choix qu'ils ont en fait déjà effectués.

  • Attention: Une définition paradoxale pour une démarche de coaching serait alors: «Processus de procrastination validée par un témoin professionnel, qui sait soutenir ses clients dans l'excuse qu’ils ne savent pas immédiatement et significativement changer leur réalité, ceci afin de les aider à reporter.

Considérez que la prise de décisions individuelle en coaching de dirigeants ou la prise de décision collective dans le coaching d'équipe semble être l'un des thèmes les plus récurrents dans la profession.   En effet, de nombreuses séances de coaching individuelles commencent par les clients annonçant qu'ils ont besoin de prendre une décision sur une question importante.   Certains précisent qu'ils ne peuvent pas choisir entre plusieurs options diamétralement opposées, ou qu'ils ne savent pas du tout ce qu'ils doivent faire ou même ce qu'ils veulent.  

Aussi nombreuses sont les séquences de coaching d'équipe où les membres de l'équipe tentent sans cesse de s'influencer et de se convaincre les uns les autres, afin de s'entendre sur une décision que personne ne semble vouloir accepter.   L'analyse collective aboutit généralement à un report, parce qu’ils ont besoin d'un certain nombre d'autres réunions avec d'autres personnes, théoriquement afin de pouvoir prendre leur décision.

  • Attention: Le paradoxe dans la prise de décision, c'est que lorsqu’une une entité individuelle ou collective, est consciente du fait qu'elle doit prendre une décision, la décision est en fait déjà prise. 

Cette affirmation peut paraître surprenante.   Il suffit toutefois de considérer que les récentes découvertes neurologiques semble également prouver qu’au moment où le cerveau est conscient d'un stimulus qui rendra une décision nécessaire, le corps est déjà prêt à réagir de la manière la plus appropriée, de manière instinctive ou intuitive.   En d'autres termes les décisions sont physiquement prises sans qu'il soit nécessaire d‘effectuer un travail cérébral.   L'analyse préalable à l'action ne fait que provoque son report.  Si la situation est urgente, point besoin d'analyse, l'action est immédiate, comme pré-décidée.  Par conséquent et dans tous les cas, la rationalisation ne débute réellement qu’après que les décisions soient instinctivement prises.  La rationalisation sert soit à les justifier, soit à négocier leur mise en oeuvre, soit à informer de leur nécessité évidente, soit tout simplement à les reporter.

Le fait est que souvent, lorsque les personnes et les équipes disent qu'ils ont besoin de prendre une décision, ils veulent probablement temporiser, éventuellement pour l'une des deux raisons suivantes:

  • Ils sont profondément préoccupés par l'importance des moyens à mettre en œuvre pour agir sur la décision déjà prise,ou de façon plus large,
  • Ils sont profondément préoccupés par les conséquences importantes de la décision déjà prise.

Par conséquent, la stratégie de dire qu'une décision n'est pas prise, ou qu'elle doit être soigneusement étudiée avant qu'elle ne soit prise, ou que plusieurs options existent et le choix est très difficile, etc. peuvent être considérés comme d'excellentes stratégies de temporisation. Cela permet de gagner du temps, de voir si d'aventure le problème ne va pas disparaître, s'il ne sera pas résolu par autrui.  Ce report permet souvent de développer des arguments de vente pour se convaincre et informer son environnement du choix inéluctable. Cela permet d'élaborer des stratégies inclusives pour mettre tout le monde à bord, d'obtenir du soutien, de reporter juste le temps de se regrouper, de se doter des moyens utiles, pour faire face aux conséquences, etc.

En conséquence du paradoxe de la prise de décision, de nombreuses stratégies de maîtres coachs peuvent s'appliquer à des situations où les clients annoncent qu'ils ont du mal à faire un choix ou prendre une décision.   Ces stratégies consistent à réorienter le client ou recadrer son travail sur les conséquences de sa décision, à la fois pour eux-mêmes et pour leur environnement.  

Exemples:
  • «Comment votre épouse (ou de l'équipe, ou un partenaire commercial ou chef de la direction, ou le fournisseur ...) va réagir lorsque vous annoncerez votre décision?
  • «Comment êtes-vous sûr que votre famille (environnement social, organisation, etc) vont réagir à votre décision préférée?"
  • «Quelle sera l’effet à court terme de votre décision sur ​​votre carrière?"
  • "Que feriez-vous tout de suite si vous étiez vraiment courageux?"

La stratégie illustrée par ce type de question oriente le travail des clients sur les conséquences de leurs décisions.   Lorsque cette stratégie est proposée, les clients envisagent très naturellement un avenir précis, fondé sur une décision spécifique claire.   Ils font rarement face à un avenir multiple ou à un vide inconnu ou incertain.   Par conséquent, s’ils envisagent un avenir spécifique avec des conséquences mesurables, c’est qu’ils envisagent des décisions précises.   Le client peut alors admettre que oui, il a une décision préférée, et que oui, il est difficile de faire face aux conséquences perçues.

Malheureusement, en effet, lorsque des décisions sont bonnes, elles provoqueront des changements, sans aucun doute, à la fois pour les clients et pour leur environnement.   A leur tour, ces changements provoqueront une résistance prévisible, à la fois chez les clients et au sein de leurs environnements.   Ayant à faire face à cette résistance est probablement l'une des principales raisons pour lesquelles le report des décisions efficaces.  Pour bien reporter, il vaut mieux prétendre ne pas savoir, ne pas être convaincu, etc.

D'autres stratégies de coach peuvent viser la prise de conscience des clients de façon plus indirectes ou non mentale.  Par la créativité ou le jeu, il s’agit là de les aider à cerner des décision pas encore formulées.   Cette approche peut également être illustré par quelques questions puissantes telles que:

  • Qu'est-ce que votre intuition féminine légendaire vous dit que vous avez déjà décidé?   (Cela fonctionne très bien avec des hommes très masculins)
  • S'il n'y avait pas de conséquences du tout, qu'est-ce que vous avez vraiment, vraiment envie de faire ?
  • Si votre environnement était totalement favorable à tout, que choisiriez-vous?
  • Si vous pouviez tout recommencer, et aujourd'hui était votre premier jour sur ce projet, que décidez vous de faire?

Afin de couper à travers le paradoxe de la décision il est utile de supposer que tous les clients en coaching savent déjà ce qu'ils veulent faire.  En fait, toutes leurs décisions importantes sont déjà prises.   Un processus de coaching efficace doit d'abord aider le client à se les admettre et à se les formuler.   Cette admission personnelle peut d’abord être difficile, et elle est généralement tout aussi libératrice.   En effet, les clients peuvent souvent admettre que leur décision est déjà prise, mais que leur réelle difficulté est de trouver les bons moyens et le bon moment de les mettre en œuvre de façon juste.

Les étapes suivantes de coaching ont simplement besoin d’être concentrés sur les moyens de faire face à la résistance perçue au sein de l’environnement, afin de transformer cette résistance en opportunités.

LES STRATEGIES & OUTILS PARADOXAUX EN COACHING


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