Contrats de coaching et jeux de manipulation
L'Approche Contractuelle en Coaching et les Risques de Jeux de Manipulation

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Il est souvent affirmé qu’une des façons d’éviter de rentrer dans un jeu est simplement prendre son temps en silence et de bien réfléchir avant de répondre.  Au sein d’une discussion, le fait de laisser s’immiscer un peu de vide entre deux allocutions permet souvent à chacun de prendre un recul salutaire et ainsi sortir d’une interaction négative. 

Un peu plus activement, avant de répondre à un interlocuteur qui initie une discussion ou un dialogue, il peut aussi être utile de lui demander de préciser sa question ou de fournir un peu plus de détails sur son affirmation ou intention.  D’une part cette stratégie de demande de précisions informatives donne le temps de réfléchir, et d’autre part une reformulation effectué par l’initiateur de l’échange peut donner une autre perspective sur ses véritables objectifs, intentions et motivations.

Bien entendu, après avoir entendu une affirmation qui offre de multiples possibilités d’interprétations, il est aussi possible pour le récepteur du message de le reformuler en apportant lui-même la clarification ou simplification nécessaire.  Cela permet d’être un peu plus actif dans son intention d’ajouter de la clarté dans le message ou dans les intentions de l’interlocuteur.

Ces différentes stratégies de clarification d’une communication avant de répondre donne à tous les interlocuteurs pertinents de prendre le temps de s’accorder ou de se mettre en accord sur le véritable sens de leur échange.  En réalité, ce sont des façons subtiles et légères de s’assurer que la communication restera constructive.  Bien entendu pour un coach, il s’agit ici d’une technique analogue à une demande de précision de contrat, d'accord de séance ou de séquence.  En demandant clarification, le récepteur d’un premier message permet à l’initiateur d’une communication de mieux poser son objectif, ses intentions, le type de relation qu’il souhaite établir.  La suite de la relation sera plus productive.

Par conséquent, nous pouvons conclure qu’une façon d’éviter des jeux dès leur éventuelle initialisation est tout simplement de préciser l'accord, ou le contrat relationnel avec son interlocuteur.  Cette stratégie mise en oeuvre dès l’initiation d’une relation pose clairement la notion de clarification de contrat comme une notion centrale lorsque l’on souhaite communiquer de façon efficace.  C’est bien entendu une stratégie privilégiée par les coachs professionnels.

  • Attention: Ces réflexions nous permettent aussi de constater que le processus de clarification de contrat est très intimement lié à la notion de jeu de manipulation. 

Dans certains cas comme nous l’avons évoqué ci-dessus, nous constatons un peu tard que de nombreux jeux reposent sur une fondation commune : le contrat initial de communication présente un certain nombre de zones d’ombres qu’aucun des interlocuteurs à pris le temps de véritablement clarifier.  

  • Attention: Dans d’autres cas aussi courants, il apparaît que le processus de clarification contractuel est lui-même pratiquement identique à l’architecture de certains jeux. 

Dans la mesure ou ces architectures et ces processus sont tellement proches, il peut être relativement facile de glisser dans une dynamique de manipulation alors même qu'il pourrait sembler que l’on cherche à clarifier un échange afin de s’assurer que son résultat soit bénéfique.

L’objectif du texte ci-dessous est de nourrir cette réflexion en explorant les diverses façons dont la notion de contrat peut être perçu comme la face cachée d’un jeu de manipulation, et vice versa.

Dictionnaire

Prenons un exemple simple pour illustrer ce propos.  Lorsque qu’une personne demande une clarification sur le sens que son interlocuteur donne à un mot qu’il vient d’utiliser, il est souvent difficile de savoir si son intention est réellement de s’assurer que la communication repose sur des bases solides ou s’il pose plutôt les fondations d’un jeu appelé "Dictionnaire".

Le jeu de Dictionnaire a lieu lorsqu’une personne choisit un mot ou une phrase dans le discours de son interlocuteur et demande une clarification du sens que ce dernier lui donne pour ensuite proposer un sens différent et entamer une discussion compétitive pour entamer un bras de fer relationnel.

  • EXEMPLE : _ « Vous me dites que mon rapport est en "retard", mais tout dépend de ce que l’on considère un retard.  Il est généralement accepté que lorsque l’on établit un délai, il est considéré comme tenu s’il est respecté à quelques jours près. »

Le jeu de Dictionnaire peut être considéré comme une façon intellectuelle ou créative de jouer à Stupide, en prétendant ne pas avoir compris, mais en tenant une position haute. C’est une façon d’affirmer que c’est l’autre personne qui est dans son tord, qui n'a pas correctement compris le sens des mots.  Dictionnaire consiste à redéfinir avec une certaine dose de mauvaise foi les propos d’une personne afin de la promener dans une discussion stérile sur le sens des mots, afin d’éviter une confrontation ou afin de se retrouver coincé ou encore pour éviter d’admettre que l’on a fait une erreur.

Comme nous l’avons évoqué plus haut, l’équivalent positif du jeu de "Dictionnaire" peut consister à prendre le temps de clarifier le véritable sens qu’un interlocuteur donne à ses propos, ou encore de clarifier ses intentions plus profondes.  La clarification des mots afin de vérifier l’essence des pensés ou des sentiments d’un autre est une stratégie très utile d’écoute et de consolidation d’une relation, souvent usitée en coaching.  Cette technique de vérification d’une communication permet souvent à des interlocuteurs de créer le cadre de référence commun souvent indispensable pour arriver à une communauté d’esprit.

La différence fondamentale entre un jeu de "Dictionnaire" et une intention constructive de clarification de la communication est souvent difficile à cerner avec assurance.  L’architecture des deux processus sont presque rigoureusement identiques, à la différence du résultat positif ou négatif véhiculé par le bénéfice final des interlocuteurs en relation.  Au cours de l’échange, seul le constat d’une réelle intention positive et respectueuse de clarification permet de faire la différence.

Souvent, les coachs choisissent un mot clé exprimé par leur client, puis posent des questions de clarification afin d’aider le client à approfondir son propre dialogue, sa réflexion, ses intentions, ses motivations plus profondes.  Cette technique consiste quelquefois tout simplement à répéter ce mot clé avec un ton interrogatif.  Utilisé dans un but positif pour accompagner son interlocuteur, le processus positif équivalent de Dictionnaire que nous pourrions appeler « Clarification » peut être un excellent exemple d’un jeu constructif qui sert à poser les fondations d’un contrat à l’origine d’une communication réussie.  Cette même stratégie peu toutefois mener à un jeu de manipulation, de position haute, permettant de prendre l'autre en défaut.

  • Exemple: Un client annonce qu'il "aimerait trouver une solution".

Soit le coach répète "aimerait...?" avec une intention de souligner que le client utilise un verbe au conditionnel qui révèle qu'il doute de lui-même, qu'il n'est pas décisif, qu'il reste confortable, etc.  Cette option peut être perçue comme agressive, dans le jugement, en position haute et non-résolutoire.  Soit le coach relève le mot "solution...?" avec une intention d'accompagner son client dans la recherche de ce qu'il aimerait trouver.  Cette deuxième option est bien entendue plus active, résolutoire, en partenariat avec l'intention du client.   Notez que dans les deux cas, le même processus est mis en oeuvre, et devient soit un jeu négatif de "Dictionaire", soit un équivalent de jeu, mais positif, de "Clarification".

N.I.G.Y.S.O.B.

L’acronyme barbare ci-dessus est pratiquement passé dans le langage courant américain.  Il sert d’expression rapide pour le nom du jeu intitulé: « Now Ive Got You, Son of a Bitch ».  La traduction française acceptée dans le milieu de communication est Maintenant Je Te Tiens, Salaud.  En court, cela donnerait M.J.T.T.S.

Ce grand classique dans les pratiques manipulatrices se déroule en plusieurs étapes successives.  Quelques questions de clarification apparemment anodines servent d’abord à bien positionner un interlocuteur peu vigilant, ce qui permet ensuite de proprement l’enfoncer avec une information confondante que l’on s’est bien gardé de partager jusque là.
  • EXEMPLE :  Les premières questions suscite des réponses affirmatives et servent à faire en sorte que l’interlocuteur insouciant s’avance sans précautions en acquiesçant.  La troisième question assène le coup de grâce :

_ « Vous considérez que votre approche peut nous convenir alors que nous sommes une société clairement ancrée dans le secteur industriel ?  …Et vous suivez ce qui se passe sur notre marché depuis quelques années ?  …Alors comment expliquez vous que trois de nos concurrents ont refusé votre approche en jugeant que ce que vous proposez ne peut absolument pas leur convenir ? »

Un autre exemple très courant sur la scène politique consiste à demander quelques clarifications sur des propos tenus par une personne quelque temps plus tôt pour ensuite souligner que ces propos sont totalement contradictoires avec d’autres affirmations plus récentes, tenus par la même personne, dans un contexte complètement différent.  Le coup de grâce consiste à disqualifier tous les propos de la personne en question pour incohérence flagrante, en le traitant de girouette. 

Considérez encore pour troisième exemple le dialogue suivant entre un père et sa fille :

Le père: _ « Il y a quelque chose que je ne comprends pas.  Hier, tu as bien dit que tu ne fréquentais pas Michel.   Aujourd’hui j’entends par hasard que tu le connais depuis longtemps et que tu le vois régulièrement.  Peux-tu m’expliquer ? »
La fille donne une explication détaillée pour souligner la différence entre connaître une personne depuis longtemps, et ne pas le « fréquenter ».

Le père : « Tout ça ne m’est vraiment pas très clair.  J’ai du mal à croire ce que tu me dis dans toutes ces contradictions.  Je ne peux vraiment pas te faire confiance. »

Ces illustrations révèlent que le jeu commence par un processus graduel d’encerclement de l’interlocuteur en suscitant des réponses positives à des questions de clarification.  Suite à cette stratégie de positionnement, le coup de théâtre consiste à fortement affirmer une position contradictoire qui le met en difficulté.  "Maintenant Je Te Tiens, Salaud" correspond au commentaire intérieur du meneur de jeu de manipulation qui a réussi à coincer son adversaire dans une position intenable.  Si "Maintenant Je Te Tiens Salaud" est l’affirmation du gagnant apparent de l’interaction, cela laisse supposer qu’il a gagné des points dans la relation. Il est cependant évident que cette dernière s’est gravement détériorée et pourrait avoir des suites douloureuses.  Par conséquent, malgré la manifestation d’un gagnant apparent à court terme, les conséquences du jeux à moyen terme sont généralement négatives pour les deux protagonistes.

La Clarification d’un Accord

Si l’on considère maintenant l’architecture du jeu avec un peu plus de distance, il comporte quelques caractéristiques pratiquement identiques avec d’autres stratégies professionnelles et personnelles fondamentalement positives et constructives.

  • EXEMPLE : Imaginez le dialogue suivant entre un vendeur et son client :

Vendeur : _ « Vous cherchez un modèle plutôt puissant pour une utilisation intensive ou quelque chose de plus léger pour un usage plus occasionnel ? »
Client : _ « J’ai vraiment besoin d’un modèle solide et fiable sur lequel je peux professionnellement compter. »
Vendeur : _ «  Et est-ce que vous voulez quelque chose de moderne et stylisé, ou vous êtes juste centré sur sa production ? »
Client: _ « Non, le design n’est pas très important pour moi, mais je suis près à payer un peu plus pour un peu de confort, et surtout pour assurer la sécurité de l’utilisateur. »
Vendeur : _ « Bon, je vois.  Et vous allez vous en servir dans un lieu fixe, ou est-ce que la mobilité est un critère important pour vous ? »
Etc.
… Vendeur : _ «  Bon, compte tenu de vos réponses, le modèle qui correspond le plus à vos besoins coûte de 2250 à 2500 Euro, et nous en avons en stock si vous êtes prêt à prendre votre décision. »

Notez que lors de cet entretien de vente, un dialogue très structuré par des questions proposant des alternatives relativement neutres dirigent le client dans la définition précise de ses besoins.  Cette architecture de l’échange entre le vendeur et le client permet à ce dernier d’être tellement bien accompagné qu’il y a de fortes chances qu’il achète le produit.  Si ce processus est mené avec un réel souci de respect du client, l’interaction sera perçu par d’éventuels témoins comme une relation dont les deux partenaires sortent gagnants. 

Or constatons que l’architecture de ce dialogue est pratiquement identique à celle de Maintenant Je Te Tiens, Salaud décrit un peu plus haut. Si en effet, cette même conversation était menée par un vendeur avide, peu respectueux, cherchant à placer un produit qui ne correspondait pas aux réels besoins du client, la stratégie correspondrait à une version commerciale du jeu de manipulation de "Maintenant Je Te Tiens Salaud". 

  • Attention: Par conséquent, il apparaît clairement que la clarification des bases d’un contrat clair dans une relation productive et constructive repose sur une architecture interactive presque rigoureusement identique à un des jeux de manipulation les plus courants dans le monde des affaires.

Il est de la plus haute importance d’être conscient de cette relation intime entre le processus de clarification contractuel, à la base de toute nos relations professionnelles sinon personnelles, et le jeu de manipulation équivalent qui ne sert qu’à positionner un partenaire pour mieux le coincer.  Cette conscience de la parenté entre les deux facettes d’une même architecture relationnelle est particulièrement utile pour tous les professionnels du coaching comme au sein d’autres relations d’accompagnement et de conseil.  La notion d’accords ou de contrat est en effet la pierre angulaire de ce type de profession et fait partie de ce qui est souvent considéré une de leurs compétence centrales.

Considérez par exemple une situation émergente où un coach refuserait de suivre un client dans une nouvelle direction en se reposant sur le fait que ce n’était pas prévu dans le contrat initial.

  • Quand est-ce que le refus du coach peut être considéré comme une protection nécessaire pour tous les acteurs concernés ? 
  • Et quand est-ce que l’on peut supposer que ce refus correspond à une stratégie  qui restreint le client sur un terrain balisé pour assurer le confort du coach au risque de contraindre le client ?  
Bien entendu, la réponse dépend fortement des résultats perçus à court et moyen terme par les tous les acteurs pertinents. Mais de façon incontournable, le processus graduel qui consiste à encadrer un interlocuteur pour mieux le coincer et le processus graduel qui consiste à encadrer une relation pour en assurer un résultat positif et durable sont pratiquement indissociables.

Ces deux facettes de la même architecture interactive sont tellement entremêlées qu’il est relativement courant que suite à une discussion de clarification servant à établir les bases d’une relation à plusieurs,

  • Un des partenaires peut ressentir un bénéfice négatif lié à un processus de jeu improductif
  • Alors que l’autre est convaincu qu’une interaction de clarification très positive et constructive a été menée jusqu’à sa conclusion satisfaisante.
Par conséquent, une bonne connaissance pratique de la similitude architecturale entre le jeu de "Maintenant Je Te Tiens, Salaud" et un processus constructif de clarification de contrat peut servir la compétence de coachs professionnels.  Cette connaissance peut aider les interlocuteur à éviter les pièges du premier centré sur l’obtention de gains personnels à court terme pour mieux assurer les résultats partagés et positifs à plus long terme du second.

Par conséquent, des partenaires peu vigilants dans leur façon d’accompagner leur relation peuvent subrepticement glisser du côté positif du processus contractuel à la face plus obscure d’une dynamique de jeu.  Ce glissement se fait de façon tout à fait inconsciente.  Cela souligne qu’une bonne dose de vigilance est indispensable pour effectuer les clarifications utiles et à la base de nos échanges personnels et professionnels sur une trajectoire de gagnants.

Les Contrats Solides

Il est utile ici d’aborder une notion nommée la « Formule K ».  Elle est la moins connue des formules de Jeux de manipulation.  Dans sa représentation, la « Formule K » s'apparente plus à celle de la Formule J d'Eric Berne, qu’au Triangle Dramatique du même auteur, Stephen Karpmann.  La formule K se présente en cinq étapes consécutives et clairement identifiables: 1) le contrat implicite, 2) la violation perçue du contrat, 3)  la double disqualification des acteurs, 4)  la rupture, 5) le bénéfice négatif réciproque.

1)       La première étape de la "formule K" est celle du contrat implicite.  Elle pose la fondation de cette formule de jeu.  Cette étape souligne que si un contrat est flou, incomplet, incompris, oral, sujet à interprétation, etc., il peut faciliter le démarrage d'un jeu de manipulation aux conséquences quelquefois désastreuses. 

Pour aller un peu plus loin, un bon contrat détaille avec précision tous les éléments matériels (le "quoi"), et tous les éléments temporels (le "quand") dès le début d'une relation que l'on veut productive et satisfaisante. 

Par conséquent, la "Formule K" révèle que les jeux négatifs justifient toute l'attention positive que les professionnels de la relation portent sur la notion de contrat.  Elle révèle même peut-être que la notion de contrat est une stratégie autant défensive que constructive, dans la mesure où l'établissement d'un bon contrat permet d' éviter des jeux négatifs.  En tous les cas, la formule K illustre comment, lorsque nous ne sommes pas suffisamment précis lors de l'établissement de nos relations professionnelles, tout peut partir en vrille.

Pour prendre un exemple simple, lorsqu'une personne précise qu'elle livrera un dossier "le plus vite possible", cela peut être dans la journée, dans la semaine ou dans le mois selon les cadres de références des différents protagonistes.  Lorsque l'on sait à quelle point les notions du temps diffèrent entre les cultures, les personnalités et les âges de la vie, il est étonnant de constater la quantité de contrats qui présentent des imprécisions dans cette dimension.

2)       Lorsqu'un contrat personnel ou professionnel n'est pas suffisamment précis et éventuellement écrit pour pouvoir y faire référence dans le temps, il peut en résulter  une violation perçue par l'un ou l'autre des partenaires. 

L'important ici n'est pas que la violation ait réellement eu lieu ou pas.  L'important est que la violation soit perçue comme ayant eu lieu.  Cette différence de perception n'est pas liée au contenu du contrat, mais à sa qualité incomplète ou encore imprécise, laissant une petite marge d’interprétation.

Le résultat ne se laisse pas attendre.  Lorsque l'une ou l'autre partie prenante d'un contrat perçoit que celui-ci n'est pas respecté, elle va en informer l'autre, qui bien entendu n'est pas d'accord, vu le flou possible dans l'interprétation des termes et des intentions initiales.  

3)       Cela mène facilement à la remise en question de la mémoire, de l'intelligence, du professionnalisme, de l'honnêteté de l'un ou l'autre des partenaires par chaque personne impliquée. 

Cette escalade plus ou moins verbalisée et qui implique quelquefois la prise à partie de témoins innocents consiste pour chacun à disqualifier l'autre au point d’envenimer la relation et rendre la situation difficilement rattrapable.

4)       La rupture suit.

5)       Le jeu n'est pas fini pour autant.  Comme pour tous les jeux de manipulation, il laisse des séquelles en termes d'énergie négative, de confirmation de position de vie et de schéma scénarique.  Ses effets sociaux, psychologiques, financiers, professionnels, existentiels, etc. peuvent quelquefois suivre sur des jours voire sur des mois.  C'est ce que l'on appelle le "bénéfice négatif".

La notion de "Formule K" avec ses cinq étapes peut presque être classée parmi les jeux de la "Formule J" (qui compte formellement six étapes).  La différence est minime.  Par contre l'intérêt tout particulier de la "Formule K" est de souligner sans ambiguïté l'importance fondamentale que l'on doit accorder à la précision et la clarté des contrats.  Cela n'a jamais été aussi clairement souligné dans aucune autre définition de Jeu.  Dans cette optique, la "Formule K" mérite d'être reconnue et classée dans un positionnement "à part". 

Les Options de Rattrapage

La formule K présente toutefois un processus complet comme s’il n’y avait pas d’issue possible dès le moment où des apprentis partenaires établissent un contrat qui présentent des failles importantes.  La réalité quotidienne est tout autre.   Tout au long du déroulement du jeu, il est envisageable que les partenaires effectuent une boucle arrière et re-précisent leurs intentions et rectifient leur accord afin de remettre leur projet commun sur des rails satisfaisants.

Par conséquent, lors d’un constat que l’accord perçu par l’une ou l’autre partie n’est pas perçu de façon identique, les deux partenaires peuvent rapidement revenir à l’accord imparfait et le re-préciser jusqu’à en définir un autre plus durable.  Si les partenaires sont suffisamment mûrs et motivés pour rattraper la situation, la difficulté leur aura servi de leçon pour l’avenir.  Par conséquent, comme dans toutes les situations de la vie quotidienne, une erreur ne devient un échec que si les partenaires refusent d’en tirer les leçons afin de rapidement préserver leur volonté originale de partenariat.

De même, un peu plus tard au cours du processus de jeu, lors de la phase de disqualification réciproque, l’un ou l’autre des partenaires peut subitement prendre du recul par rapport au processus négatif et proposer avec courage et humilité de tout reprendre à zéro, sur de meilleures bases.

Plus tardivement encore, lors de la phase de rupture voire après qu’elle soit consommée lors du bénéfice négatif, l’un ou l’autre des partenaires peut faire amende honorable et chercher divers moyens de renouer la relation personnelle ou professionnelle sur des bases plus solides et positives. 

Lorsque le jeu se produit de façon malencontreuse entre des personnes de bonne foi, il est généralement possible pour chaque acteur de retendre la main à son ex partenaire et proposer de faire un deuxième essai en devenant beaucoup plus vigilant pour assurer la réussite de la relation.

Le point commun à toutes ces stratégies de rattrapage consiste à accepter de revenir ensemble au point de départ afin de redéfinir le contrat initial sur d’autres bases.  Il s’agit alors de l’établir de façon beaucoup plus détaillé, de bien écouter et tenir compte des besoins de chacune des parties prenantes, de le mettre par écrit, et de bien valider voire fêter cette deuxième tentative plus solide.

Il se trouve souvent qu'au cours d'un accompagnement en coaching, par définition dans l'émergent, il apparait de nombreuses occasions de remodeler le contrat initial, au fur et à mesure du cheminement du client et de ses découvertes.  Lorsqu'un coach manque de souplesse dans cette dynamique quelquefois un peu circulaire ou réitérative, le client pourrait se percevoir comme coincé dans un accord qui ne lui convient plus.

La Formule K+

Une telle reconstruction du processus de jeu définit par Karpmann dans une dimension positive nous permet alors de concevoir une autre formule équivalente à la Formule K mais dont chacune des étapes validerait et consoliderait la relation productive.

1)      La première étape de cette « formule K+ », est celle de l’établissement d’un contrat complet, explicite et écrit.  Cette étape consiste à prendre le temps de bien poser la fondation d’une relation constructive et durable. 

Cette phase souligne que si un contrat est précis, complet, compris, écrit, peu sujet à interprétations, etc., il peut faciliter assurer de bonnes bases pour l’établissement d’une relation solide.  Pour mémoire, un bon contrat détaille avec précision tous les éléments matériels (le "quoi"), et tous les éléments temporels (le "quand") dès le début d'une relation que l'on veut productive et satisfaisante. 

2)      Lorsqu'un contrat personnel ou professionnel est suffisamment précis et bien écrit pour pouvoir y faire référence dans le temps, il ne peut en résulter  qu’une collaboration positive, soutenue par chacun des partenaires.  Les faits ultérieurs confirment que l’accord est respecté, et cela renforce la solidité de la relation

3)      Plutôt qu’une disqualification réciproque, le contraire se produit.  A chaque étape de la relation, les parties prenantes pourront constater que ce qui était prévu est effectivement ce qui se produit. 

La relation est ainsi confirmée tout au long du déroulement des étapes prévues lors de l’accord initial.  Le contrat précis sert ainsi de base pour mesurer les progrès effectués lors de la construction de la relation. 

Lorsque l'une ou l'autre partie prenante du contrat perçoit que celui-ci est entièrement respecté, elle peut féliciter l'autre, qui bien entendu se sentira reconnu et validé dans sa démarche de collaboration..  

4)      Plutôt qu’une rupture, la relation se consolide dans le temps.

5)      La dynamique positive n'est pas terminée pour autant.  Comme pour toutes les accomplissements constructifs, elle laisse des traces durables en termes d'énergie positive. 

Cette conséquence d’un contrat solide confirme une position de vie positive et un scénario de gagnant, renforçant l’identité constructive des acteurs.  Les effets sociaux, psychologiques, financiers, professionnels, existentiels, etc. influencent d’autres aspects de la vie de chacun des acteurs  dans bien d’autres dimensions.  C'est ce que l'on peut appeler le bénéfice positif d’un scénario de gagnant.

Par conséquent, le « négatif » photographique du processus de jeu présenté par la Formule K est par opposition un modèle de réussite extrêmement puissant.  C’est une formule de gagnant.  Il gagne à être précisé et diffusé auprès de toutes les personnes qui quotidiennement accompagnent des clients centrés sur la mise en œuvre de leurs ambitions.  A priori, cela concerne en premier lieu tous les professionnels du coaching.


[1] Ballantine Books, 1976, Toronto.